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Le défi du désendettement soutenable en Afrique Subsaharienne: Au-delà de l'Initiative PPTE.

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par Claire Barraud
Université Pierre Mendès France, Grenoble II - M2 recherche Politiques économiques et sociales 2006
  

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2 Un engagement à long terme essentiel de la part de tous les créanciers.

Il ne s'agit pas d'annuler, de façon inconditionnelle et immédiate, toutes les dettes insoutenables, mais de tenir parole au moins dans le cadre de l'initiative PPTE et d'allègement de la dett e multilatérale (IADM). En d'autres termes, deux promesses doivent être tenues. D'une part, les échéances étant, pour certains pays, très longues, les allègements doivent être impérativement financés sur le long terme. D'autre part, les créanciers étant divers, la participation des prêteurs impliqués doit être assurée au prorata de leurs créances. Or, aucun de ces impératifs n'est garanti aujourd'hui. Et la courbe de Laffer de prévenir que si les ratios d'endettement demeurent insoutenables, les créanciers verront baisser leurs chances d'être remboursés.

Du côté des échéances, certaines sont effectivement très longues. Des pays comme la Sierra Leone (2036), Sao Tomé-&-Principe (2038) ou comme le Burundi (2043), ne verront effectivement leur dernier allègement de dette que très tard. Le plus ironique est sans doute le fait que le problème soulevé par un tel engagement n'est pas tant financier que politique. Le FMI l'admet lui-même. Les IFI ont donc les moyens de financer une telle promesse « sur leurs fonds propres, sans que cela porte préjudice à leur fonction de prêteur en dernier ressort »4. Mais ce n'est pas tant les institutions de Bretton Woods qu'il faut incriminer que les créanciers non engagés dans les initiatives d'allègement. Car approximativement, d'après les données de 2006, l'ensemble des coûts relatifs aux allègement de dette des 40 PPTE déclarés comme tels se partage entre les créanciers multilatéraux (46%, dont 20% pour l'IDA, 9% pour le FMI et 7% pour la BAD), 36% pour les créanciers bilatéraux membres du Club de Paris, 13% pour les créanciers bilatéraux non membres, et 5% pour les créanciers commerciaux (voir tableau 24 et graphique 16 en annexe p.163 et p.178). L'IDA connaît un déficit au niveau du financement de l'IADM, mais est renflouée régulièrement par ses actionnaires. Le FMI n'ayant pas constitué assez de provisions pour financer l'assistance fournie au titre de l'IPPTE, pour les pays en situation d'arriérés prolongés ainsi que pour les nouveaux PPTE identifiés, il doit trouver les ressources financières nécessaires avant que ces derniers ne parviennent au point de décision. Le Fonds africain de

4Ajaltouni N. et al., sous la direction de Merckaert J., 2004, Rapport 2003 de la plate-forme Dette et Développement, op. cit., p. 30.

développement (FAfD), compris dans la BAD, sera opérationnel pour le financement de l'IADM lorsque les garanties de financement nécessaires auront été obtenues.

La difficile contribution de tous les bailleurs se situe alors au niveau multilatéral, bilatéral mais surtout commercial.

Au niveau multilatéral, «sur les 31 créanciers considérés, [seulement] 23 ont indiqué leur intention de participer à l'initiative PPTE» en 20065. Les huit réfractaires constituent 0,5% du coût total. C'est peut-être peu au regard de la totalité, mais beaucoup pour certains débiteurs.

Les créanciers du Club de Paris supportent au total, pour les 40 PPTE identifiés, la somme de 15,2 milliards de dollars en VAN à la fin 2005, sans compter quelques allègements supplémentaires6. La quasitotalité des 19 membres participe.

Pour les pays non membres du Club mais détenteurs de dettes, la situation est déjà plus contrastée. «Le caractère facultatif de l'Initiative PPTE explique en partie la faible participation des créanciers bilatéraux publics non membres du Club de Paris »7. Il n'existe en effet aucune base juridique contraignant les créanciers concernés à participer aux initiatives. Ainsi, sur les 56 créanciers «impliqués» à ce titre, 13 représentent environ 85% des allègement accordés. Les services de la Banque et du Fonds ont donc adressé des demandes de participation à neufs créanciers importants (Algérie, Bulgarie, Chine, Émirats arabes unis, Honduras, Koweït, Libye, Arabie Saoudite et Venezuela).

Tous ont répondu favorablement, mais a priori seulement, et chacun selon ses propres critères d'allègement. Six créanciers bilatéraux non membres du Club ont consenti à un allègement total (comme la Jamaïque ou la République de Corée), ce qui représente 1,4% du total des allègements. D'autres ont accepté un allègement partiel (la Chine, la Libye ou encore la Pologne). Un autre créancier important s'est déclaré participant, les Emirats Arabes Unis, ce qui se traduira par un allègement plus important au total.

Quant à la Libye et la Chine, elles ont fait savoir qu'elles accorderaient des allègements de leur propre chef, sans donner d'autres détails (sur les montants et les conditions notamment). Malheureusement au total, «les données d'information disponibles tendent à in-

5 Comité du Développement, 2006, Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et Initiative d'allègement de la dette multilatérale (IADM), Etat d'avancement, p. 21.

6 Certains dès le point de décision, d'autres au point d'achèvement et d'autres encore pour les 10 PPTE en phase intérimaire (dont les données n'étaient pas disponibles en 2005).

7 Comité du Développement, 2006, op. cit., p. 28.

diquer que les allègements consentis aux PPTE par les créanciers bilatéraux publics non membres du Club de Paris sont faibles, même sur la base d'hypothèses optimistes »8. Sans compter qu'un créancier bilatéral public, la Libye, a carrément engagé une action en justice pour être remboursée par le Nicaragua, un des PPTE ayant franchi le point d'achèvement.

Au niveau commercial enfin, la situation est plus préoccupante, même si la part commerciale dans les allègements de dette au titre de l'initiative PPTE ne cesse d'augmenter. Si la part des créances commerciales reste largement inférieure à celle des autres types de créances, elle est loin d'être négligeable pour certains PPTE (notamment la République du Congo, où elle représente 35%, la Côte d'Ivoire, le Libéria où elle s'élève à 20% ou encore au Soudan, où elle compte pour 13% de l'endettement total). En outre, très peu de créanciers commerciaux ont accordé un allègement de dette aux PPTE, puisque leur allègement ne représente que 5,5% de montant qu'il devrait représenter avec une participation pleine et entière aux 29 PPTE ayant franchi le point de décision. Parmi ces 19 PPTE, 13 ont donc été obligés, depuis 1989, d'utiliser le Fonds de désendettement des pays exclusivement IDA9 pour payer une partie de leur dette commerciale. Mais le plus grave, c'est qu'un nombre croissant de créanciers commerciaux et de fonds vautours (ces fonds d'investissements spécialisés qui rachètent les dettes d'entreprises en difficulté afin d'en prendre le contrôle et de les restructurer, sont 44 au total) intentent des actions en justices contre les PPTE (voir tableau 20 en annexe p.159).

Les plus grandes victimes sont la RDC, le Guyana et l'Ouganda. Ces créanciers sont dispersés un peu partout dans le monde, mais la plupart se concentrent au Royaume-Uni, aux îles vierges britanniques et aux Etats-Unis. La plupart des procès se déroulent dans les grandes villes des Etats-Unis, à Paris et à Londres). Or, la majorité des procès intentés ont donné raison aux créanciers (26 sur 44 pour 7 PPTE). Et les sommes à payer ne sont pas non plus pas négligeables ; 30 milliards de dollars pour la Sierra Leone, l'Ouganda et la Zambie dans le passé, par exemple. La somme totale des créances qui, selon les indications données, font l'objet d'une action en justice s'élève à peu près à 1,9 milliard de dollars, soit un montant supérieur de 22 % environ au montant de l'allègement de dette accordé par les créanciers commerciaux au titre de l'Initiative PPTE. Les poursuites engagées contre le Cameroun

8Id,p. 30.

9 Ce fonds octroie des dons aux pays qui remplissent les conditions voulues pour préparer et exécuter des opérations de rachat de dettes. Pour en savoir plus, voir Comité du Développement, 2006, op. cit., p. 36.

et le Nicaragua par exemple ont débouché sur des dommages-intérêts représentant respectivement plus de la moitié et quatre fois les allègements de dette qui auraient dû être consentis par les créanciers commerciaux à ces pays10. La faible participation des créanciers commerciaux pose un autre problème dans le cadre du principe d'un partage équitable de la charge de l'allègement pour les créanciers. Or, ce dilemme du «passager clandestin », qui consiste pour les créanciers non engagés à profiter du retour à la solvabilité de leurs débiteurs grâce aux allègements de dette consentis par les créanciers impliqués, aura du mal à être résolu par les IFI. En effet, celles-ci ne disposent pas de moyens pour les inciter à participer à l'initiative.

Dans ces conditions, il appartient aux Etats accueillant ces détenteurs de dette, aussi bien que leurs procès, de les encourager à faire un effort, quitte à employer des mesures coercitives. Une autre option pour l'avenir, plus générale, consisterait à créer un cadre de négociation de la dette plus équitable que celui qui prévaut encore aujourd'hui.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci