L'implication dans les travaux d'un groupe projet assure-t-elle un engagement individuel dans la diffusion du projet au sein de l'organisation ?( Télécharger le fichier original )par Christophe Fié Université d'Evry Val d'Essonne - D.E.S.S. - Dynamique humaine et développement de l'organisation 1994 |
D - Effets de la participationSuivant le courant psychologique de la Dissonance Cognitive que nous avons présenté dans la première partie, il existe des états privilégiés des systèmes cognitifs qui tendent à la stabilité. Tout écart par rapport à ces états suscite un travail cognitif orienté vers la réduction de ces écarts. Ces écarts peuvent porter sur les opinions, idées, savoirs concernants l'individu lui même ou son propre comportement, les autres, le monde et les situations, etc. Ce fait entraîne un état psychologique inconfortable qu'ils appellent "dissonance". Nous sommes motivés pour réduire ses dissonances, en les relativisant ou en les supprimant. Au regard de cette théorie il apparaît que les comportements d'un individu sont influencés par ses comportements passés. La théorie de l'engagement de Kiesler63(*) s'inscrit dans ce courant. Elle s'intéresse aux conditions d'émission d'un acte qui vont faire de cet acte un acte générateur de comportements. Elle tente de donner une réponse à la question : Comment l'émission de certains actes problématiques (allant à l'encontre des attitudes ou des motivations de l'individu) est susceptible, par la réduction des dissonances que cet acte génère, de modifier les croyances et les évaluations de l'individu? Pour Kiesler si un sujet accepte de dire ou de faire le contraire de ce qu'il pense, il éprouve un état de dissonance dont la réduction passe par la modification de ses convictions initiales. Nous nous plaçons dans l'hypothèse où l'individu ne souhaite pas s'engager (l'engagement est contraire aux intentions de l'individu). Le fait d'être récompensé pour faire quelque chose, lui permettra d'éprouver moins de dissonance et par là même de moins modifier ses convictions initiales (voir étude de Brem et Cohen64(*) page 50). Plus le sujet est récompensé pour faire ou dire le contraire de ce qu'il ferait ou dirait spontanément, moins il doit modifier ses attitudes initiales. Pour qu'il y ait une modification des convictions initiales, l'émission de l'acte problématique doit être associée aux facteurs suivants : il faut que le sujet soit engagé dans son acte, il faut qu'il ait eu le sentiment de choisir de faire ce qu'on lui demande de faire, il vaut mieux que cet acte ne soit pas gratuit et qu'il ait des conséquences pour lui, que l'acte ne soit pas anonyme. Dans ces conditions on observe un effet de réduction de la dissonance ou de rationalisation, dans des conditions contraires, lorsque l'acte est imposé au sujet, l'effet n'est pas obtenu. L'acte générateur entraînera un travail cognitif susceptible de se traduire par une modification des croyances et une évolution également susceptible de produire de nouveaux comportements. Freedman et Fraser65(*) introduisent la notion de soumission sans pression. On peut obtenir de quelqu'un qu'il ait un comportement coûteux pour lui sans exercer de pression en utilisant un moyen détourné qui consiste à obtenir préalablement un comportement peu coûteux qui a peu de chance d'être refusé. Dans une étude ils montrent que le fait pour une ménagère d'accepter de mettre à sa fenêtre un autocollant en faveur d'une cause sympathique la prédispose à accepter ultérieurement la pause d'un inesthétique panneau dans son jardin. De tels actes ont des effets de stabilisation systématique (les sujets auxquels on donne l'occasion de signer une pétition pour une cause seront par la suite plus réticents à une contre propagande que ceux auxquels cette occasion n'aura pas été donnée) et de stabilisation comportementale, reproduction du comportement et émission de nouveaux comportements allant dans le sens (les sujets ayant signé la pétition étaient par la suite plus souvent que les autres volontaires pour d'autres actes militants = tenue d'une permanence, diffusion de tracts, etc.). Un sujet qui se soumet à un acte problématique ou non va sous certaines conditions réduire une tension interne induite par cet acte et aura tendance à s'engager dans d'autres actes allant dans le même sens. Nous pouvons en conclure que le fait de participer aux travaux du groupe projet et de devoir réaliser certaines missions et tâches a un effet sur les prédispositions initiales de l'individu. La participation aux travaux du groupe projet a donc un effet sur les attitudes et les dispositions de l'individu vis-à-vis de ce projet. Après avoir étudié l'influence du groupe sur l'individu nous pouvons à l'inverse nous demander : L'individu peut-il s'engager ou à l'inverse ne pas s'engager en entrant en "opposition" à la norme du groupe? Dans quelle mesure le groupe accepte-t-il une déviance vis-à-vis de la norme? * 63 Kiesler présentée par Ghuiglione R. & Bromberg in " Cours de psychologie" tome 1, chap 2, Dunod, 1993. * 64 Brem J. W. et Cohen A. R. "Explorations in cognitive dissonance" Wiley, 1962. * 65 Freedman J. L. & Fraser S. C. "Compliance without pressure : the foot-in-the-door technique" Journal of Personnality and Social Psychology, 4, 1966, P195-202. |
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