L'implication dans les travaux d'un groupe projet assure-t-elle un engagement individuel dans la diffusion du projet au sein de l'organisation ?( Télécharger le fichier original )par Christophe Fié Université d'Evry Val d'Essonne - D.E.S.S. - Dynamique humaine et développement de l'organisation 1994 |
ETUDE 1 :DISPOSITION PSYCHOLOGIQUE ET CONFORMITÉ SOCIALEJOHN W. THIBAUT & LLOYD H. STRICKLAND PSYCHOLOGICAL SET AND SOCIAL CONFORMITY, JOURNAL OF PERSONALITY, 1956, N°25, PAGE 115-129. TRADUIT PAR ANDRÉ LÉVY IN "PSYCHOLOGIE SOCIALE - TEXTES FONDAMENTAUX" TOME 1 - DUNOD - 1974. Les travaux de Festinger1(*) L., Schachter S. & Back K. (1950) ont établi que la force d'attraction vers un groupe détermine partiellement le degré de conformisme aux normes du groupe. On a observé parfois un autre phénomène, l'effet "boomerang", lorsque la conséquence attendue d'une communication (par exemple la soumission à une pression à la conformité) ne se produit pas (Hovland2(*) C.I., Janis I. L. & Kelley H. H.). Nous distinguerons d'abord 2 dispositions psychologiques que peut apporter une personne lorsqu'elle évalue les jugements, les perceptions ou les attitudes qui lui sont communiquées par d'autres individus. La disposition de la personne dépend de son orientation envers les membres du groupe. Dans une disposition centrée sur le groupe, la personne se préoccupe d'établir ou de maintenir la même appartenance au groupe que celle des individus dont les attitudes lui sont communiquées. Lorsque la personne est menacée de perdre cette appartenance, lorsque le groupe l'informe qu'une conduite d'intégration est nécessaire à l'efficacité ou la survie du groupe, on peut s'attendre à ce qu'elle adopte une disposition centrée sur le groupe. Dans une disposition centrée sur la tâche, la personne est disposée à considérer les autres individus du groupe comme des "médiateurs de faits". La personne utilise ces autres individus comme des instruments de perception ou de jugement ou comme des substituts de ses propres instruments de perception. En répondant aux perceptions et aux attitudes des autres, la personne se préoccupe non pas d'établir ou de maintenir un rapport social, mais d'établir une connaissance claire de son environnement. Il s'ensuit que si la personne se trouve dans une disposition centrée sur le groupe, et si les autres exercent sur elle une pression croissante afin de changer son attitude, elle se conformera d'autant plus vraisemblablement que son appartenance au groupe est suffisamment attirante. A mesure que l'attraction du groupe s'accroît, la quantité de pression nécessaire pour faire naître un comportement conformiste diminue. Ce qu'il faut surtout souligner ici, c'est qu'une pression croissante devrait mener à une conformité croissante lorsque le groupe se trouve dans une disposition centrée sur le groupe. Dans une disposition centrée sur la tâche, la personne s'interroge sur "ce dont il s'agit". Par conséquent, dans la mesure où elle ne s'engage à faire aucune hypothèse initiale sur la façon dont les choses se présentent et dans la mesure où elle n'a pas la possibilité de formuler des jugements valides et n'a pas confiance dans la validité de ses jugements, la personne aura tendance à dépendre des autres observateurs pour définir ses attitudes et ses appréciations. Ici cependant nous nous attachons surtout aux personnes qui, dans une disposition centrée sur la tâche, se sont engagée à formuler jusqu'à un certain point une hypothèse initiale. Il est une source d'engagement manipulable, à savoir le fait que la personne s'attende à devoir défendre plus tard son opinion initiale. C'est à cette source d'engagement que nous nous attachons ici, et la généralité de notre formulation repose sur l'hypothèse qu'un engagement plus profond déterminé par d'autres sources aurait le même effet. Pression à la conformité : En définissant ce terme nous voulons exclure les manifestation de la pressions qui manipulent directement les incitations sociales à la conformité, puisque c'est précisément la perception de la pertinence de telles incitations qui est impliquée dans la distinction établie entre disposition centrée sur la tâche et sur le groupe. Donc si l'on met de côté l'induction de la pression en faisant varier la puissance des incitations à la conformité, trois autres manières de manipuler la pression apparaissent : - Premièrement, la pression peut être manipulée en fonction de l'importance de la divergence entre les opinions de l'individu et du groupe (French4(*), 1956). - Deuxièmement, la pression peut être modifiée dans une certaine mesure (Asch5(*), 1952), en changeant la proportion de la majorité. - La troisième manipulation est celle qui est proposée dans cette étude. La quantité de pression exercée sur une personne pour l'amenée à changer de point de vue est définie comme étant directement reliée au niveau de confiance avec laquelle les autres individus formulent une opinion contraire à la sienne. Dès à présent nous pouvons affirmer que dans une disposition centrée sur la tâche, pour toute quantité de pression exercée en vue du changement du point de vue initial, il existera une relation linéaire entre la pression exercée sur la personne pour changer son opinion et la force de résistance mobilisée. Cette affirmation se fonde sur l'hypothèse de l'équilibre en vertu de laquelle la personne essayera d'exercer, à partir de sa capacité potentielle de résistance, une quantité de résistance "égale" à la quantité de pression exercée sur elle. D'après ce qui précède, il semblerait que pour tout degré de pression au changement un pourcentage égal de personnes céderait à cette pression. En d'autres termes, la corrélation entre la pression au changement et le pourcentage d'individus changeant effectivement serait une courbe de pente nulle, tout au moins jusqu'à ce que cette pression atteigne son intensité maximum. La prédiction théorique énoncée ci-dessus pourrait n'être valable que dans des conditions restrictives. Cependant, elle ne tient pas compte des manifestations de résistance spécifiques aux personnes en situation de groupe. L'une de ces manifestation réside dans l'expression publique de la confiance accordée aux jugements. Cette pression publique de la confiance peut se faire par des moyens extrêmement variés, par exemple par mimiques, par gestes, par inflexion ou emphase vocales ou encore d'une façon moins ambiguë par des déclarations de confiance franchement formulée. Quel que soit le moyen adopté, l'expression de n'importe quel degré de confiance à l'égare d'une opinion revient à manifester un niveau proportionnel de résistance à changer cette opinion. Un effet secondaire important des déclarations de confiance comme symptômes de résistance dans la disposition centrée sur la tâche. Quand la personne manifeste une confiance accrue envers une opinion donnée, elle ne met pas simplement en jeu une résistance accrue, mais elle augmente sa capacité de résistance en réduisant la convergence possible entre sa propre opinion et l'opinion rivale soutenue par les autres membres du groupe. En d'autres termes, en déclarant une confiance accrue, tout changement vers l'opinion rivale lui devient de fait plus difficile. Par suite, nous concluons que dans une disposition centrée sur la tâche, une augmentation de la confiance déclarée fait apparaître chez la personne non seulement une plus grande résistance au changement mais également accroît en soi sa résistance au changement. Nous pouvons affirmer maintenant que cet effet secondaire aura pour conséquence un accroissement de résistance disproportionné par rapport à l'accroissement de la pression au changement. Par conséquent, dans une disposition centrée sur la tâche, la probabilité de changer une opinion déterminée sera en relation inverse avec la pression exercée à cet effet. Nous avons démontré que, dans une disposition centrée sur la tâche, la pression suscite la résistance (jusqu'à l'engagement maximum) qui, à son tour, agit sur le changement de l'opinion déclarée. Cependant, dans une disposition centrée sur le groupe, il y a peu de raisons de penser que la pression suscite une résistance marquée. Autrement dit, une information portant sur "l'invalidité" d'une hypothèse ne concernerait pratiquement pas la personne qui cherche exclusivement à établir ou à maintenir son appartenance au groupe. Cette pression est interprétée par la personne comme une demande instante du groupe, l'incitant à la conformité, pour qu'elle puisse être réellement confrontée avec des problèmes d'ordre interne ou externe. Il nous faut encore indiquer comment se pose le rapport entre la disposition et la composition du groupe. La disposition centrée sur le groupe est induite plus facilement lorsque les indices d'affiliation sont nombreux ; lorsqu'elle est induite, elle produit des effets de conformité d'autant plus grands que la pression à cette conformité viennent d'objets ayant les qualités d'affiliation appropriées. Par conséquent des groupes d'amis intime, des groupes ayant une grande cohésion font apparaître fréquemment une disposition centrée sur le groupe et s'accordent avec elle grâce à un comportement de conformité. La disposition centrée sur la tâche, par contre, est induite plus facilement lorsque les indices d'affiliation sont peu nombreux ; lorsqu'elle est induite, elle amène des effets de conformité d'autant moins grands que les pressions à la conformité viennent d'objets n'ayant pas les qualités d'affiliation appropriées. Par conséquent, les groupes composés d'étrangers donnent plus facilement une disposition centrée sur la tâche et y réagissent par un comportement de résistance. I - HYPOTHÈSESNos prévisions concernent la situation dans laquelle la pression est définie en tant qu'information croissante du jugement initial du sujet qui en même temps peut faire connaître le niveau de confiance qu'il attache à son jugement, et dans la disposition centrée sur la tâche, quand l'engagement initial est fort. Nous énoncerons d'abord l'hypothèse principale, puis les hypothèses secondaires qui nous paraissent expliquer la prédiction principale. Hypothèse 1 Lorsque la quantité de pression à la conformité augmente, la proportion des sujets conformistes augmentera dans la disposition centrée sur le groupe et diminuera dans la disposition centrée sur la tâche. Hypothèses 1 a Lorsque la disposition psychologique et la composition du groupe concordent, la relation prédite dans la première hypothèse devrait être maximale : la plus forte relation positive entre pression et conformité devrait se produire dans les groupes de "camarades" avec disposition centrée sur le groupe et la plus forte relation négative dans les groupes d'étrangers avec disposition centrée sur la tâche. Hypothèse 2 A mesure que la quantité de pression à la conformité augmente, les membres non conformistes auront une tendance croissante à manifester une plus grande confiance publique en leur jugements (non conformistes) et ceci dans la disposition centrée sur la tâche et non dans la disposition centrée sur le groupe. En bref, cette hypothèse prédit une corrélation positive entre pression à la conformité et changement de confiance publique dans la disposition centrée sur la tâche et non dans la disposition centrée sur le groupe. Hypothèse 3 Dans la disposition centrée sur la tâche, si la confiance publique d'un membre du groupe tombe, il aura tendance à se conformer à l'opinion de la majorité. Dans la disposition centrée sur le groupe, le comportement de conformité devrait être relativement indépendant des changements de confiance publique. Par conséquent, la confiance publique des membres de groupe conformistes décroîtra antérieurement et concurremment à l'acte de conformité, dans la disposition centrée sur la tâche et non dans la disposition centrée sur le groupe. * 1 Festinger L., Schachter S. & Back K. "Social pressures in informal groups" Harper, 1950. * 2 Hovland3 C.I., Janis I. L. & Kelley H. H "Communication and persuasions : Psychological studies of opinion change", Yale Univ. Press, 1953. * 4 French J. R. P. "A formal theory of social power" Psychil. Rev., 1956, n°63, P 181-194. * 5 Asch S. E. "Effects of group pressure upon the modification and distortion of judgments", in Swanson, Newcomb & Hartley "Readings in social Psychology", Holt, 1952. |
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