La protection des logiciels propriétaires dans un environnement numérique( Télécharger le fichier original )par Ismaila BA Université Gaston Berger - MAster 2 Professionel en droit du cyberspace 2005 |
Parag. B/- Les mesures techniques : des contestationsS'il est vrai que les mesures techniques de protections des oeuvres de l'esprit sous un format numérique s'avèrent adaptés à l'environnement numérique il est aussi également juste que ces mêmes mesures du fait de leur neutralité technologique portent atteinte aux droits des consommateurs. Selon certaines associations de consommateurs, ces mesures portent atteinte à la fois à l'exception de copie privée (A) mais également à la qualité de l'oeuvre en instaurant des dispositifs qui peuvent être qualifiés de vices cachés (B). § Une atteinte aux droits de copie privée L'article L. 122-5 du Code français de la Propriété Intellectuelle, prévoit que lorsqu'une oeuvre à été divulguée, son auteur ne peut en interdire les copies ou reproductions « strictement réservées à l'usage du copiste c'est-à-dire, en principe, celui qui effectue la reproduction et non destinées à une utilisation collective ». Cette disposition est reprise par l'article 211-3 du même code pour les artistes interprètes et les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes. En vertu de cette exception, il est possible à tout un chacun par exemple de copier un film sur une cassette vidéo, un CD audio sur son disque dur, permettant à l'acquéreur légitime de jouir de l'oeuvre comme il l'entend dans un cadre strictement personnel ou familial. Cependant, la loi relative au « droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information » autorise les éditeurs, producteurs et fournisseurs de contenu à mettre en place des mesures techniques de protection, visant à empêcher la copie des oeuvres dont ils sont titulaires sur certains supports ou à limiter le nombre de copies possibles. Pour certains, ce projet annonce la mort prochaine de la copie privée. Pour d'autre il aborde un problème complexe qui nécessite concertations et propositions. Le DMCA, adopté en 1998 aux Etats-Unis, a représenté la première tentative faite au niveau mondial pour mettre en oeuvre les traités de l'OMPI. Pour cette raison, mais aussi en raison de la taille ce pays et de son développement technologique, il représente un excellent baromètre des tendances liées au droit d'auteur numérique. Les mesures de protections techniques du droit d'auteur sont un thème crucial pour le monde des bibliothèques et les communautés éducatives car celles-ci permettent de contourner et d'éliminer effectivement toutes les exceptions au droit d'auteur. De telles mesures techniques ne font pas, en effet, la distinction entre les usages qui ne sont pas autorisés par les titulaires de droit mais sont permises par la loi et les usages qui ne sont pas autorisés par les titulaires de droits et qui enfreignent la loi. On notera que le même mécanisme de contrôle des copies qui empêche une personne de faire des copies interdites d'une oeuvre peut aussi empêcher un étudiant ou une personne handicapée visuelle de faire, en toute légitimité, des copies au titre du « Fair Use » ou du « Fair Dealing ». Les mesures techniques constituent une atteinte aux biens dans la mesure ou la sécurisation peut constituer un grain de sable dans l'utilisation de ce bien légalement acquis avec un autre matériel d'un fabricant différent. La mise en place de mesures de protection pose divers problèmes techniques comme une incompatibilité avec certains appareils de lecture (1) ou une incompatibilité entre les formats propriétaires (2). 1.- Les incompatibilités avec certains appareils de lectureElles se manifestent par des incompatibilités entre certains formats de protections et certains appareils de lecture. Selon les associations, les dispositifs techniques mis en place empêchent les consommateurs d'user du produit de manière normale en empêchant par exemple leur diffusion sur certains types de matériels. Les associations ont donc lancé des actions sur le fondement de la tromperie et du vice caché et elles ont obtenu gain de cause dans quelques affaires70(*). Deux affaires ont ainsi fait grand bruit et ont contribué à médiatiser les difficultés et les conséquences posées par la mise en place de mesures techniques de protection, il s'agissait de CD audio assortis de mesures techniques de protection et qui du fait de ces dernières ne pouvaient pas être lus sur certains autoradios. À la suite de plaintes de particuliers, des associations de consommateurs ont décidé de poursuivre les producteurs des disques en question afin de rétablir les droits des utilisateurs. Dans la première affaire71(*), la CLCV (association pour la consommation, le logement et le cadre de vie) a poursuivi EMI en raison de l'impossibilité pour certains consommateurs de lire le CD de Liane Foly « Au fur et à mesure » sur un autoradio. Le CD comportait uniquement la mention « ce CD contient un dispositif technique limitant les possibilités de copie ». Selon l'association, cette mention étant « de nature à induire en erreur », EMI devait être condamnée sur la base des articles L. 213-1 et L. 121-1 du code de la consommation pour délit de tromperie et publicité trompeuse. Le TGI de Nanterre, a admis le délit de tromperie et ordonné que soit insérée sur le CD litigieux, la mention préconisée par la CLCV : « attention, il ne peut être lu sur tout lecteur ou autoradio ». La deuxième affaire72(*) incriminait le même procédé technique de protection qui posait des difficultés de lecture du CD « J'veux du Live » d'Alain Souchon. L'UFC Que choisir et une consommatrice ont attaqué là encore EMI mais sur le fondement, cette fois-ci, de la garantie contre les vices cachés. L'association de consommateurs a également demandé au tribunal d'interdire à EMI l'utilisation de mesures techniques de protection. La consommatrice a obtenu la condamnation d'EMI au remboursement du prix du CD, mais la demande de l'UFC Que choisir d'interdire l'usage de procédés techniques de protection n'a pas abouti au motif qu'elle n'invoquait pas une infraction pénale légitimant son action. Cette action revêtait une importance toute particulière car, comme le souligne F. Sardain 3 « l'enjeu de cette seconde décision résidait plus particulièrement dans la demande formulée par l'UFC Que Choisir visant à supprimer, de façon générale, les mesures techniques de protection des oeuvres des disques litigieux ». En effet, « si elle était généralisée par les tribunaux la voie de la garantie des vices cachés suivie dans la présente affaire permettrait indirectement de contourner le dispositif légal relatif aux mesures techniques de protection des oeuvres ». Le tribunal ne c'est cependant pas prononcé sur ce point précis et on peut le comprendre car il lui aurait été particulièrement difficile d'ordonner la suppression de mesures expressément prévues par le traité OMPI de 1996 et la directive européenne de 2001. Ces différentes victoires des associations de consommateurs et des particuliers ont contribué à mettre en lumière les atteintes qui pourraient être portées aux droits des consommateurs par ces mesures de protection : atteinte à l'exception de copie privée ou tout simplement vente de produits comportant des « vices cachés ». 2.- Les incompatibilités entre les différents formats propriétairesIl est intéressant de noter que les consommateurs ne sont pas les seuls à rencontrer des problèmes avec les mesures techniques de protection. Ainsi certaines sociétés productrices et distributrices en ligne de contenu multimédia protégé se voient confrontées aux problèmes des incompatibilités entre les différents formats propriétaires de protection. Cet inconvénient est apparu avec la très récente décision du Conseil de la Concurrence en date du 9/11/200473(*) Les faits étaient les suivants : la société Virgin Mega, qui gère une plate-forme de musique en ligne active sur le seul territoire français, a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en oeuvre par la société Apple Computer France. En effet il s'avère que les consommateurs qui téléchargent des titres musicaux sur la plate-forme Virgin Mega ne peuvent pas les transférer directement sur les baladeurs numériques iPod, fabriqués et commercialisés par Apple. L'impossibilité de transfert direct provient de l'incompatibilité des DRM utilisés par la plate-forme Virgin Mega et les baladeurs iPod. Virgin Mega utilise le DRM de Microsoft, tandis que le seul DRM compatible avec l'iPod est le DRM propriétaire d'Apple, Fair Play. Virgin Mega a dans un premier temps demandé, une licence à Apple, contre le paiement d'une redevance, de manière à avoir accès à Fair Play et s'est vue opposer un refus. La plaignante, considérant que ce refus d'accès constitue un abus de position dominante d'Apple, a donc saisi le conseil de la concurrence. En effet selon la société Virgin Mega Apple détiendrait avec son baladeur iPod et sa plate-forme iTunes Music Store une position dominante sur le marché téléchargement payant de musique sur Internet Outre la reconnaissance de l'abus de position dominante la plaignante souhaitait voir la société Apple enjointe d'« accorder à toute entreprise qui en ferait la demande, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et dans des conditions économiques équitables et non discriminatoires, un accès direct à tous les éléments permettant le téléchargement et le transfert des fichiers musicaux notamment sur lecteur iPod, tels que les formats et son logiciel DRM de gestion des droits numériques ou « digital rights management» FairPlay, avec la documentation technique associée permettant à l'homme de l'art d'exploiter les systèmes et de gérer les droits pour ledit téléchargement ». Afin de se prononcer le conseil de la concurrence a retenu, selon les jurisprudences communautaires antérieures, que le caractère indispensable ou non de l'accès à FairPlay pour le développement des plates-formes payantes de téléchargement de musique en ligne devait être apprécié au regard des trois éléments : - Les usages actuels de la musique téléchargée ; - Les éventuelles possibilités de contournement par les consommateurs ; - Et l'évolution de l'offre de baladeurs numériques. Sur le 1er point il a été jugé par le conseil que le transfert sur baladeur numérique n'est pas un usage actuel prépondérant. Sur le second point le conseil a retenu que le contournement de la protection est possible légalement et aisément permettant ainsi de télécharger tout de même la musique sur les baladeurs en question. Enfin pour le 3ème point le Conseil a remarqué que l'offre en matière de baladeurs numériques évolue de plus en plus vers des baladeurs compatibles multi formats et notamment avec les formats de Virgin qui sont disponibles en France. Par conséquent la saisine opérée par la société VirginMega a été rejetée. En conclusion, bien que la mise en place de ces mesures provienne d'un but légitime (protéger les droits des artistes face à la copie illégale et développer le commerce de médias numériques en ligne), ces dispositifs posent encore de nombreux problèmes tant au point de vue technique (incompatibilité entre les protections, impossibilité de lecture sur certains matériels...) qu'au plan juridique où le droit de copie privée semble fortement menacé. Des concurrents d'un auteur de logiciels peuvent avoir accès à la structure du programme en procédant à de l'ingénierie inverse. Il en ont parfaitement le droit mais ne peuvent en aucun cas procéder par cette technique à l'élaboration de programme concurrent. En cette matière évidemment, les difficultés de preuves sont nombreuses. Comme le droit à la copie de sauvegarde, le droit d'observer et celui de décompiler, dans les limites du dispositif légal, est d'ordre public et toute stipulation contraire aux dispositions prévues aux II, III, et IV de l'article L. 122-6-1 "est nulle et non avenue" (art. L. 122-6-1in fine). * 70 v. Marlene Trezeguet, « les mesures techniques de protection d'une oeuvre confrontées aux droits de l'utilisateur », Octobre 2003 . * 71 TGI Nanterre 24 juin 2003 : Association CLCV c/ SA EMI Music France. * 72 TGI Nanterre, 2 septembre 2003, Madame F.M. et UFC Que Choisir c/ SA EMI Music France et Sté Auchan France. ( page consulté 13 juin 2006 ). * 73 Décision du Conseil français de la Concurrence n° 04-D-54 du 9 novembre 2004 relative à des pratiques mises en oeuvre par la société Apple Computer, Inc. dans les secteurs du téléchargement de musique sur Internet et des baladeurs numériques. |
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