L'évolution de la notion d'associé( Télécharger le fichier original )par Florent Kuitche et Philippe Mankessi Université Nice Sophia antipolis - Master II droit économique des affaires 2007 |
Section II : L'accroissement relatif de la participation aux résultats.
La participation aux résultats est la cause économique du contrat de société, la perspective en vue de laquelle, au sens de l'article 1832 du Code civil, les associés conviennent de réunir les apports à une entreprise commune. La mise en commun de biens ou d'activités pourrait avoir, sur un plan conceptuel ou pratique, quatre types de causes économiques : le partage de bénéfices, la réalisation sans partage de bénéfice, la réalisation d'une économie, enfin... l'absence de tout but économique. Avant la loi du 4 janvier 1978, la société était constituée pour réaliser des bénéfices et les partager entre les associés. La cour de cassation avait précisé dans un arrêt resté célèbre « CAISSE RURALE DE LA COMMUNE DE MANIGOD»54(*) que la notion de bénéfice s'entend d'un gain pécuniaire ou d'un gain matériel qui s'ajoute à la fortune des associés ; la réalisation en commun d'une économie comme dans le cas des coopératives, des groupements, des sociétés d'assurances mutuelles, des sociétés civiles professionnelles de moyen, ne correspond donc pas, à cette époque, à la définition du contrat de société. Un reclassement devenait donc nécessaire ; Il est effectué à la faveur des dispositions générales de la loi du 4 janvier 1978 d'une manière qui ne résout d'ailleurs pas toutes difficultés55(*). Désormais le bénéfice, l'économie et les pertes auxquelles les associés s'engagent à contribuer (Art. 1832 al 3 du Code civil) représentent les trois facettes de la notion de résultat dont le contrat de société a pour finalité d'assurer le partage après qu'il ait été régulièrement constaté. Cependant de ces trois facettes, la participation aux pertes est sans doute celle qui a le plus été marquée par des changements liés au temps. Aussi va-t-elle constituer le seul élément sur lequel nous allons bâtir notre analyse. Ainsi une étude de la question nous permet d'affirmer que ses manifestations traditionnelles sont maintenues (paragraphe 1), tandis que l'acceptation des manifestations nouvelles ne va pas de soi (paragraphe II). P1) Le maintien des manifestations classiques.Aux termes de l'article 1832, alinéa 3 du Code civil, « les associés s'engagent à contribuer aux pertes ». De l'aveu même de la doctrine, « la contribution aux pertes est une notion peu étudiée, peu utilisée par les plaideurs, et donc peu traitée par les juridictions »56(*). Est-ce à dire que cette notion ne soulève aucune difficulté ? Assurément non. D'ailleurs, le contentieux semble avoir repris, parfois même s'être renouvelé, ainsi qu'en atteste plusieurs arrêts récents dont il ressort que l'obligation de contribution aux pertes s'étend à de nouvelles hypothèses et comporte encore de nombreuses obscurités. Cette obligation suscite d'autant d'intérêt que l'article 1832 al 3 du Code civil laisse plusieurs questions fondamentales en suspend. Traditionnellement, il existe au moins quatre manifestations traditionnelles de l'obligation de contribution aux pertes. De prime à bord, il faut évoquer la perte de la mise initiale, même non matérielle, car dans toutes les sociétés, quel qu'elles soient, contribuer aux pertes signifie d'abord pour les associés, et au minimum, perdre leur apport ou le reprendre diminué de la part de perte qui leur est imputable. C'est la perte ou l'amputation de la mise initiale qui réalise la contribution aux pertes de chacun d'eux. Ensuite, il faut évoquer le payement du passif social. Ainsi dans les sociétés à risque illimité, les associés peuvent être emmenés à contribuer aux pertes en payant le passif de la société à titre définitif. Il y a là une conséquence de l'obligation aux dettes sociales qui correspondent à toutes les sommes dues par la société à ses créanciers et qui sont inscrites au passif de son bilan. La contribution aux pertes se traduit ici par l'obligation pour les associés de supporter, pour leur quote-part contributive, la charge financière assumée par l'un d'eux du fait du payement d'une dette sociale. Quant à la participation aux pertes comptables prévues par les statuts, il s'agit pour les associés de supporter les pertes au fur et à mesure de leur constatation comptable, mais ils doivent alors le stipuler expressément dans les statuts ou en accepter le principe par une délibération adoptée à l'unanimité. Si tel n'est pas le cas, il ne peut être reproché aux associés dont les engagements ne peuvent être augmentés sans leur accord de ne pas consentir à l'appel de fonds, mais si ces derniers se sont bien engagés à supporter les pertes comptables, ils peuvent être mis à contribution dès que le bilan a été approuvé par l'assemblée des associés. Pour ce qui est du renflouement de la société, dernière hypothèse traditionnelle de contribution aux pertes, il arrive, que dans certains types de sociétés, le législateur ait donné une signification particulière à la contribution aux pertes. C'est ainsi qu'en application de l'article L211-3 du Code de la construction et de l'habitation, les associés des sociétés civiles de construction- vente et de construction attribution sont tenus de satisfaire aux appels de fonds indispensables à l'exécution de contrats ou de programmes en cours57(*). Contribuer aux pertes revient alors pour les associés à renflouer la société, à mois qu'ils ne préfèrent opter pour sa dissolution anticipée. * 54. Cass. , Ch. Réunies, 11 mars 1914, D. P. 1914, I, 257 ; Rev. Soc. 2000, p. 7. * 55. Y. GUIYON, Droit des affaires, t. 1, n° 111-117. * 56. V. M.-H. MONSERIE-BON, obs. sur CA Versailles, 1ere ch. A, 7 sept. 2000, RTDcom. 2000, p.966. * 57. Sur cette obligation, V. Monsieur BARRE, Rép. Soc. Dalloz, v° Sociétés de construction en vue de la vente, 1993, n° 110 à 129, p.11-14. |
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