L'évolution de la notion d'associé( Télécharger le fichier original )par Florent Kuitche et Philippe Mankessi Université Nice Sophia antipolis - Master II droit économique des affaires 2007 |
P2) le développement des quasi-apports.Ces dernières années ont vu apparaître, à côté des apports traditionnels portant sur la propriété et la jouissance, des techniques nouvelles qui consistent à mettre un bien ou une somme d'argent à la disposition d'une société. C'est ce que fait par exemple le titulaire d'un bail rural à qui un véritable apport est interdit, ou le bailleur de fonds qui préfère le prêt participatif aux formules plus tranchées soit de l'apport en numéraire soit du prêt de droit commun. Ceux qui effectuent ces opérations deviennent plus que des créanciers, mais demeurent moins que des associés. Aux quasi-apports correspondent les quasi-associés22(*). Les quasi-apports sont donc des techniques nouvelles qui se situent entre les apports en société traditionnels et les créances externes envers la société. L'incorporation des apports au capital social et l'attribution de droits sociaux en contrepartie des apports sont les deux critères qui permettent de distinguer un apport d'une créance externe. Il en va différemment des comptes courants d'associé23(*), des prêts ou des titres participatifs... Les comptes courants d'associé sont définis comme des avances faites par des associés à la société « soit en versant des fonds dans la caisse sociale, soit en laissant à la disposition de la société des sommes qu'ils renoncent temporairement à percevoir (notamment dividendes, rémunération de certaines fonctions) ». Les auteurs s'accordent généralement pour qualifier le compte courant d'associé d'instrument d'un contrat de prêt par lequel l'associé met les fonds à la disposition de la société ». Le droit du titulaire du compte envers la société est un droit de créance qui trouve son origine dans un contrat de prêt. Sa qualité de créancier prêteur ou d'emprunteur, lorsque le compte est débiteur vient s'ajouter à celle d'associé avec laquelle elle ne doit pas être confondue24(*). Les droits et obligations des associés résultent du contrat de société et diffèrent des droits et obligations que l'associé tire du contrat de prêt constaté par le compte courant d'associé. Il en résulte qu'en principe l'associé dont le compte est créditeur se trouve dans la situation d'un créancier externe de la société, et non dans celle d'un apporteur. Le prêt consenti à l'associé ne donne pas lieu en principe à l'attribution de droits sociaux. La somme ainsi prêtée ne devrait donc pas faire partie du capital social. Pourtant cette analyse juridique ne correspond pas à l'analyse comptable et financière qui assimile les comptes d'associés à des fonds propres, alors que ne donnant pas lieu à l'attribution de droits sociaux, ils ne devraient pas être assimilés à des apports. Cette assimilation à des capitaux propres s'opère, d'une part, lorsque les associés sont personnellement responsables des dettes de l'entreprise, et d'autre part lorsque, dans les sociétés de capitaux, certains aménagements conventionnels sont apportés aux obligations du titulaire du compte. Dans chacune de ces hypothèses, les avances en compte sont alors considérées par les praticiens comme des apports et apparaissent généralement à tous comme devant suivre le sort des droits d'associés. Les comptes d'associés apparaissent donc comme étant soumis au régime traditionnel des créances externes à ceci près que, si la société est en difficulté au point de ne pouvoir ni rémunérer ni rembourser les prêts constatés par les comptes courants d'associés, la pratique considère généralement que l'associé doit accepter de perdre la rémunération de son prêt, voir le remboursement de ce dernier. C'est ce qui conduit une partie de la doctrine à qualifier d'apport les avances consenties à la société au terme de compte d'associé. Si l'analyse du compte courant d'associé se trouve influencée par la qualité d'associé qu'a le prêteur lorsque le compte est créditeur, il en va différemment du prêt participatif lorsque le prêteur est un tiers. Les prêts participatifs ont été créés par la loi n° 78-741 du 13 juillet 1978 et l'article 24 de cette loi les définit comme des concours aux entreprises industrielles et commerciales que les établissements financiers, les établissements de crédit à statut légal spécial, les banques, les sociétés commerciales, les sociétés mutuelles d'assurance peuvent consentir sur leurs ressources disponibles à long terme. Aux termes de l'article 25 alinéas 2 de la loi, les prêts participatifs sont assimilés à des fonds propres. Même si les fonds propres d'une société ne comportent pas exclusivement le capital social constitué par les apports, il n'en demeure pas moins qu'ils constituent une catégorie de créances envers l'entreprise qui sont soumises à un régime juridique analogue à celui des apports formant le capital social25(*). La différence entre l'associé apporteur et le créancier d'un prêt participatif est encore estompée lorsqu'on considère l'article 26 de la loi du 13 juillet 1978 : « en cas de liquidation amiable ou de liquidation de biens de l'entreprise débitrice, les prêts participatifs ne sont remboursés qu'après désintéressement complet de tous les autres créanciers privilégiés ou chirographaires. Pour les répartitions à intervenir, les titulaires de ces prêts sont placés sur le même rang ». De même la convention de prêt participatif prévoit la rémunération du prêt au moyen de l'attribution au prêteur d'un intérêt fixe, mais l'article 26 de la loi du 13 juillet 1978 dispose que le remboursement de ces prêts se fera après désintéressement complet de tous les autres créanciers privilégiés ou chirographaires » et l'article 27 de la même loi ajoute : « en cas de règlement judiciaire de l'entreprise débitrice, le remboursement des prêts participatifs et le payement des rémunérations prévues sont suspendus pendant toute la durée de l'exécution du concordat ». Ainsi, le caractère participatif du prêt assimile à un associé le créancier de la rémunération et du remboursement. Cette assimilation est accentuée par l'article 28 de la loi du 13 juillet 1978 qui prévoit la stipulation, au profit du prêteur d' « une clause de participation aux bénéfices nets de l'entreprise ». Cette rémunération est analogue à celle des apports. Elle fait partie des règles qui accentuent la tendance du législateur moderne à passer outre les catégories classiques. Le législateur a encore créé de nouveaux titres qui se situent entre l'obligation classique et l'action : il s'agit des titres participatifs prévus par la loi n° 83-1 du 3 janvier 1983 qui a introduit entre les dispositions de la loi du 24 juillet 1966 relative aux actions et celles concernant les obligations, les articles 283-6 et suivants. Aux termes du même article, les titres participatifs sont définis comme des titres remboursables uniquement en cas de liquidation de la société ou, à son initiative, à l'expiration d'un délai qui ne peut être inférieur à 7 ans et dans les conditions prévues au contrat d'émission. Ces titres ressemblent à des droits sociaux attribués en contrepartie d'apports lorsqu'ils sont remboursés à la liquidation de la société ainsi que par leur rémunération en fonction des bénéfices sociaux. Ainsi, le législateur moderne a accéléré ces dernières années la remise en cause des critères classiques qui servaient à distinguer les créances des préteurs de fonds et les apports. A cette remise en cause s'est jointe la création de nouveaux concepts comme ceux de quasi-apports, qui sont justement venus enrichir le critère classique d'attribution de la qualité d'associé qu'est la mise en commun des apports. Cependant, ce critère n'est pas le seul à s'être enrichi de nouvelles techniques. Plus encore, le critère de la pluralité d'associés, s'est vu adjoindre une nouvelle catégorie qui est celle de l'associé unique. * 22. M. GENINET, « Les quasi-apports en société », Revue des sociétés, 1987, p. 25-42. * 23. Cf. I. URBAIN- PARLEANI, « les comptes courants d'associés », thèse, Paris LGDJ 1986, n° 1, p. 7. * 24. Cf. I. URBAIN-PARLEANI, op. Cit. , n) 388, p. 239. * 25.J. FOYER. Cité par D. Crémieux Israël « l'assimilation des prêts participatifs à des fonds propres ». Rev. soc. , 1983, n°4, p. 754. |
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