L'évolution de la notion d'associé( Télécharger le fichier original )par Florent Kuitche et Philippe Mankessi Université Nice Sophia antipolis - Master II droit économique des affaires 2007 |
Année académique 2007- 2008. Faculté de droit, des sciences politiques, économiques et de gestion. Master II Recherche, Mention administration des affaires, spécialité droit Économique des affaires Mémoire L'évolution de la notion d'associé Sous la direction d'Irina Parachkévova. Maître de conférences. Présenté par : - M. Kuitche Takoudoum Florent. - Mlle Mankessi Philippe Table des principales abréviations.
SOMMAIRE Introduction Partie I : la remise en cause de la notion conceptuelle d'associé. Chapitre I : Les critères enrichis. Section I : l'émergence des quasi-apports. Section II : la reconnaissance de l'associé unique. Chapitre II : les critères affaiblis. Section I : le recul de l'affectio societatis. Section II : l'accroissement relatif de la participation au résultat. Partie II : l'extension de la notion fonctionnelle d'associé. Chapitre I : l'usage diversifié de la notion d'associé. Section I : les situations de concours. Section II : la notion d'associé élargie à l'investisseur professionnel. Chapitre II : la disparité de la notion d'associé. Section I : l'unité relative de la notion. Section II : une refonte nécessaire de la notion d'associé. Introduction.Malgré la totale remise en cause des critères sur la base desquels se fonde la notion d'associé, il n'en reste pas moins que cette notion demeure indispensable dans le droit des sociétés. En effet, la notion d'associé est à la base du contrat de société. Elle en est une composante essentielle. C'est la raison pour laquelle, il nous paraît indispensable, d'être attentif aux évolutions qui lui sont liées. Etymologiquement, le terme « associé » vient du latin « socius », qui peut signifier compagnon, allié, ami ; il s'agit de changer l'altérité en amitié, d'agir en commun, de créer ensemble ...1(*). Il existe plusieurs types d'associés et la tendance contemporaine est à en créer d'avantage. Ainsi, à côté de l'associé ordinaire du code civil, on rencontre, l'associé de la société civile, l'adhérent de la société coopérative, voire le partenaire, sans oublier l'actionnaire, et la liste n'est pas exhaustive. Toutefois, il est important de noter qu'il n'existe quasiment pas de définition juridique de l'associé. Un regard synoptique jeté sur la plupart des lexiques juridiques usuels2(*) nous permet de constater qu'aucune définition n'est consacrée au terme « associé ». Néanmoins, une définition générale nous est proposée par Le nouveau Petit Robert3(*) selon laquelle, « un associé est une personne qui met en commun son activité ou ses biens dans une entreprise ».
Le constat est que le législateur ne définit pas l'associé, parce qu'il considère qu'une telle définition est toute entière contenue dans la définition de la société donnée à l'article 1832 du Code Civil4(*). Cela est toujours vrai après la réforme apportée par la loi du 4 Janvier 19785(*) ainsi que pour les récentes réformes législatives6(*).
Néanmoins, dans le passé, le législateur a tenté de définir l'associé. En effet, l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi du 23 janvier 1929 relative aux parts de fondateurs, dispose : « les titres, qui sont en dehors du capital social ne confèrent pas à leurs propriétaires la qualité d'associé ».7(*) Cependant, il s'agit d'une définition que l'on pourrait qualifier de négative, dans la mesure où le législateur ne détermine pas, dans ce texte, qui est associé, mais seulement qui n'est pas associé. Par suite, l'intérêt de la définition se trouve limité à son unique objet : la qualité de porteur de parts de fondateur. La lacune législative est évidente en matière de notion d'associé. A cet égard, la position des droits étrangers n'est pas différente. La loi anglaise de 1948 sur les sociétés anonymes, par exemple, ne définit pas l'actionnaire. Certes, le droit anglais connaît l'institution du « Register of members », toute personne inscrite sur ce registre étant réputée actionnaire8(*). On pourrait donc en déduire qu'il y a là une définition de l'actionnaire ; il n'en est rien. Le registre n'a qu'une fonction probatoire et l'inscription ou l'absence d'inscription ne constituent pas une présomption irréfragable de la reconnaissance de la qualité d'actionnaire ou de sa négation. Il est d'autant moins concevable de voir dans l'inscription au registre un critère de la notion d'associé qu'il faut d'abord déterminer qui doit être inscrit, c'est-à dire qui est associé.
Le droit positif allemand ne contient pas d' avantage une définition de l'associé ; la loi sur les sociétés à responsabilité limitée, comme la loi relative aux sociétés anonymes, ne traitent pas de la notion d'associé. La position du droit Suisse est semblable, le Code civil et le Code des obligations n'étudiant pas la notion d'associé. Compte tenu de cette absence de définition législative de la notion d'associé, c'est aux tribunaux et à la doctrine qu'il appartient de forger les éléments de critères entrant dans la définition de la notion d'associé.
Les difficultés posées par la détermination de la qualité d'associé au juge sont résolues au fur et à mesure qu'elles se présentent, et les décisions rendues ne se fondent pas sur une analyse d'ensemble de la notion d'associé. C'est ainsi que les questions comme le décompte du nombre des associés ou l'attribution du droit d'agir en dissolution en cas d'actions ou de parts indivises9(*), ou encore, la détermination des participants aux assemblées générales en cas d'usufruit de droits sociaux10(*), reçoivent des réponses partielles, qui ne résultent pas d'une étude d'ensemble de la notion d'associé, mais qui sont seulement inspirées des circonstances ou des règles propres à l'indivision ou à l'usufruit. Le nu-propriétaire d'action, par exemple, vote aux assemblées générales extraordinaires, sans que cette solution, reprise par le législateur, soit la conséquence d'une prise de position sur la qualité d'associé11(*). La doctrine quant à elle paraît se désintéresser de l'étude de la notion d'associé. Peu d'auteurs donnent une définition de l'associé, et ils sont encore moins nombreux à procéder à une analyse de cette notion. Le seul auteur ayant consacré une étude approfondie à la notion d'associé est Monsieur Viander12(*). Mais ce dernier n'en a pas non plus proposé une définition concrète. Un tel silence peut être expliqué de différentes manières. En premier lieu, il faut noter la désaffection croissante pour l'étude des notions fondamentales. Le chercheur, submergé par l'avalanche de reformes, est obligé de consacrer de plus en plus de temps et d'efforts pour comprendre et pour expliquer les innovations législatives, réglementaires ou pratiques. Il suffit pour s'en convaincre, de constater la disproportion existant entre le nombre de thèses, mémoires ou articles sur le groupement d'intérêt économique, l'offre public d'achat, les groupes de sociétés et les travaux relatifs à la notion d'associé ou de société.
Pourtant, la notion d'associé est sans doute l'une de celles qu'on utilise le plus en droit des sociétés. En témoigne l'actualité en la matière, car la Cour de Cassation en sa branche commerciale, par un arrêt récent rendu en date du 23 OCTOBRE 2007, s'évertuait encore à déterminer si les clauses d'exclusion interdisant à un associé de voter lors de la délibération relative à son exclusion devraient être validées ou pas13(*). Plus récemment, en date du 8 novembre 2007, la première chambre civile a été appelée à se prononcer sur la validité ou non du cautionnement d'une dette d'un associé14(*). Plus largement encore, on constate que le terme « associé » est d'un usage courant. Excepté les théoriciens et les praticiens du droit, il est fréquemment utilisé par toute personne qui adhère à un contrat de société. Aussi, l'emploi régulier de cette notion fonde l'intérêt qu'on lui porte dans ces développements. Ainsi, se pencher sur l'évolution de la notion d'associé est d'autant plus important qu'il s'agit théoriquement, d'une part de vérifier si l'une des bases sur laquelle a toujours reposé le droit des sociétés a conservé sa rigidité. En effet, le critère de l'existence d'associés étant, avec la participation aux résultats, la mise en commun des apports et l'affectio societatis, l'une des conditions fondamentales d'existence d'une société, les changements que peut subir l'un de ces critères par l'usure du temps peuvent avoir d'importantes conséquences sur la stabilité de la notion de société. D'autre part, il s'agit, d'apporter notre modeste contribution à l'effort de sensibilisation du législateur sur la nécessité de construire une définition juridique appropriée de la notion d'associé. D'un point de vue pratique, il s'agit d'un effort mené afin de distinguer de manière évidente ceux qui sont associés de ceux qui ne le sont pas dans le fonctionnement d'une société. Ce d'autant que les relations qu'entretiennent les associés tant entre eux qu'avec la société ou les tiers, peuvent avoir d'importantes conséquences pour la vie de la société. Ainsi, tous les acteurs sociaux ont un intérêt certain à ce qu'il n'y ait pas d'ambiguïtés au sujet de la détermination de la qualité d'associé. Telle est par exemple le cas de la détermination de cette qualité au sujet de titulaires de droits sociaux démembrés ou indivis. Par ailleurs, on constate qu'avec le développement de certaines pratiques dans le monde des affaires, la volonté de s'attribuer la qualité d'associé n'est pas dénuée de toute considération économique. Tel est le cas de l'investisseur professionnel qu'on assimile aujourd'hui à un associé. Par conséquent, face à la multiplicité des centres d'intérêts que génère la notion d'associé aujourd'hui, une question se pose: est-ce que la notion d'associé est-elle toujours homogène ?
Pour mieux comprendre l'orientation de notre raisonnement, il convient de préciser que le législateur, à l'époque de la rédaction du code civil estimait que la notion d'associé découlait logiquement de celle de société. De ce fait, les textes attribuaient la qualité d'associé à toute personne tant morale que physique, remplissant les conditions requises pour adhérer à un contrat de société. Ces conditions se déduisaient de l'article 1832 du code civil qui faisait état de ce que, pour la création d'une société, il faut la pluralité d'associés, la mise en commun des apports, la contribution aux résultats, à quoi la doctrine a fort logiquement ajouté l'affectio socitatis. Autrement dit, l'associé de l'époque était celui qui avait rempli cumulativement toutes ces conditions précitées. Cela ne constituait pas en soi une préoccupation, parce que le concept d'associé correspondait effectivement aux exigences du code civil, adapté aux circonstances sociales de cette période. Cette conception de la chose prévaut encore aujourd'hui, car, l'article 1832 du code civil n'a depuis lors, presque pas été modifié. Ainsi les critères d'attribution de la qualité d'associé d'aujourd'hui sont textuellement les mêmes que ceux de l'époque. Or, de 1804 à nos jours, beaucoup d'eau à coulé sous les ponts. Les critères de définition de la société ont été largement remis en cause si bien qu'on se demande si cela n'a pas de conséquences négatives sur la notion d'associé telle que conçue en ce temps là. Paradoxalement, et en dépit de ces débats qui agitent la doctrine sur le concept d'associé, on constate que cette notion est de plus en plus utilisée dans le fonctionnement des sociétés. L'altération des critères d'attribution de la qualité d'associé laisse place à la multiplication des types d'associés, tels le nu-propriétaire, l'usufruitier, voir l'investisseur... . Cet état de chose nous fait penser qu'il existe une certaine disparité de la notion d'associé. C'est pourquoi à la question de savoir si la notion d'associé est aujourd'hui encore homogène, nous répondons par la négative. En effet, s'il est évident que les bases conceptuelles de la notion d'associé sont sérieusement ébranlées (première partie), toujours est-il qu'on constate une extension fonctionnelle de celle-ci (deuxième partie). * 1 . V. P. LE CANNU, Droit des sociétés, Coll. Domat droit privé, 2e édition, Montchrestien, 2003, P. 85. * 2 . V. G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 4e éd., PUF Quadrige ; * 3 . Le nouveau Petit Robert de la langue française, 2008, p. 160. * 4 . Art. 1832 du C. civ : « la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre en commun des biens ou leur industrie, en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Les associés s'engagent à contribuer aux pertes ». * 5. Loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX du livre III du code civil, J.O. du 5 janvier, D. 1978, p. 69, JCP 1978, 46684. * 6. Loi n°2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, publication au JORF du 16 mai 2001 ; Ordonnance n° 2004- 604 du 24 juin 2004, portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer des dispositions ayant modifiées la législation commerciale, publication au JORF du 26 juin 2004. * 7. Il faut noter que cette initiative du législateur est généralement condamnée, V. HAMEL et LAGARDE , « Traité de droit commercial », Paris Dalloz. * 8. V. à ce sujet : TUNC, « Le droit anglais des sociétés anonymes », Paris Dalloz 1071, p. 95, n° 73. * 9. Pour le décompte du nombre des associés, v. Bordeaux, 20 juillet 1931, D. 1933, 2, 129, n. Pic. * 10. Alger, 13 mai 1954, RTD.com. 1995, p. 96, N° 7, obs. Rault, G.P., 1954, 2, 100. * 11 . Art. L. 163, al. 1. * 12 . A. VIANDIER, La notion d'associé, LGDJ, coll. Bibliothèque Droit privé, 1978. * 13 . A. LIENHARD, « exclusion d'un associé de SAS par décision collective », Actualités Dalloz, édition Dalloz 2007 ; à retrouver dans le site WWW.Courdecassation.fr * 14 . A. LIENHARD, « validité du cautionnement d'une dette d'un associé », Actualités Dalloz, édition 2007 ; à retrouver dans le site WWW.Courdecassation.fr |
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