CHAPITRE II : LE PROGES OU L'HISTOIRE D'UNE
INTERVENTION INACHEVÉE
Introduction
Le PROGES est un projet initié par le
gouvernement du Sénégal dans le cadre de sa politique
d'aménagement des bas-fonds rizicoles de Casamance. Financé par
l'USAID, ce projet avait pour vocation la construction de petits
ouvrages hydro agricoles (les barrages anti-sel) En 1996, il intervient dans
l'aménagement de la vallée de Goudomp.
I- Les Aménagements
A l'instar des autres barrages anti-sel construits par
le PROGES, celui de Goudomp a répondu a la demande des paysans
qui ont vu s'étendre la contamination de leurs terres
rizicultivées par les eaux salées du fleuve Casamance.
Les études pédologiques menée dans
la vallée ont conclu que pour récupérer au mieux un
maximum de terres marginales, il est nécessaire de submerger ces
sols le plus longtemps possible et de lessiver les éléments
toxiques avec des lâchages d'eau. A cet effet, la digue anti-sel
de type Giraudet passage busé, mieux adaptée, fut retenue.
La digue anti-sel
Le choix de son emplacement obéit a des
critères techniques. La digue doit permettre de désenclaver le
site a aménager et de protéger contre d'éventuelles
inondations. Le site de Birkama4 fut choisi. Mais cet
emplacement ne fait pas l'unanimité parmi les paysans car
quelques notables du village de Bacoundi interrogés, estiment qu'elle
doit être construite sur
le chenal d'étiage de la rivière pour permettre une
bonne évacuation des eaux pluviales.
Cette idée a refit surface en 1999, année
particulièrement pluvieuse, quand des plants de riz ont
été submergés par les eaux du marigots pendant
plusieurs jours faute d'évacuation occasionnant du coup de nombreux
dégâts. Il faut signaler qu'il était prévu de
creuser un bassin vers l'ouvrage de régulation construit hors du lit du
marigot pour permettre l'évacuation des eaux. Ce bassin n'a pas
été creusé de même que l'ouvrage de rétention
prévue sur le marigot de Birkama a hauteur de la route nationale.
La digue anti-sel de Goudomp, construite a 500 m en
amont de l'ancienne Route
Nationale-digue, est longue de 1779,48m. La crête est a la
côte 2,60 m, la crête du déversoir
a 2m IGN, la largeur en crête 3m et la pente du talus
½ .
La digue est protégée contre
l'érosion (ravinement lié a la pluie) par un
revêtement en latérite en crête et sur le talus aval. Afin
de protéger le talus amont au niveau du marigot principal contre la
pluie et le batillage de l'eau il a été posé des moellons
latéritiques.
4 La digue a été construite sur le lit
de crue abondante du marigot à côté du village de
Birkama
L'évacuateur : ouvrage de
régulation
Il constitue le dispositif clé de la gestion
des barrages anti-sel. L'ouvrage évacuateur est conçu pour
évacuer la crue décennale sans mettre en danger la digue. Celui
de Goudomp est un évacuateur en bec de canard muni de douze vannes
conçues sur la base d'une étude
de vidange dans laquelle une crue décennale transite par
la vallée sans que les plants de riz soient submergés pendant
plus de 72 heures.
II- La gestion des ouvrages
L'un des éléments majeurs des
activités du PROGES concerne l'assistance directe aux associations
villageoises dans la planification, la construction, l'utilisation et la
maintenance des digues. Le projet a crée des CVGE /
CIVGE, formés par ses agents qui ensuite prendraient en
charge la formation des autres villageois. Chacun des villages de Goudomp,
Birkama, Bacoundi a été érigé en CVGE
(Comité Villageois de Gestion) qui est, en fait, un groupe
d'organisation de travail ayant pour rôle le suivi et l'entretien de la
digue, la gestion
de l'eau, la mise en valeur et l'amélioration du
rendement. Ces CVGE sont composés de quatre commissions :
i. Protection de la digue ;
ii. suivi et entretien du barrage ; iii. gestion et maItrise
de l'eau ; iv. gestion du matériel.
Le CIVGE (Comité Inter Villageois de Gestion)
regroupe les représentants de chaque CVGE. Il joue le rôle
d'intermédiaire entre le projet et les paysans. Le CIVGE dispose d'une
caisse alimentée directement par les paysans (sous forme de
participation) qui lui permet de faire face a sa mission de coordination de
l'ensemble des travaux organisés dans le cadre
de la gestion du barrage.
Le CIVGE souffre aujourd'hui de problèmes financiers
liés aux difficultés économiques des villageois qui ont du
mal a honorer leur cotisation, mais aussi en raison de l'impact des ouvrages
qui, quant au dessalement effectif des bas-fonds, n'est que très peu
visible. En effet, les paysans en viennent a s'interroger sur
l'efficacité du barrage tant sont faibles la superficie de terres
récupérées et les rendements tirés de ces
rizières. A ce sujet
M. Edouard SADIO, Président du CIVGE, rassure :
« cette année (2000), où beaucoup d'amélioration
et de récupération des terres ont été
observées, on peut s'attendre a cet investissement financier des
populations» L'impact réel d'une bonne gestion des ouvrages hydro
agricoles a véritablement créé une dynamique dans la zone.
Cependant beaucoup de travail d'autonomisation de ces ouvrages sur le plan de
la gestion qu'elle soit technique ou financière reste a faire.
III- Analyse critique de l'action du PROGES
Le PROGES, particulièrement important dans sa
conception, son approche et les actions prévues, a failli dans son
objectif principal dans la mesure où la part des investissements qui
va aux paysans est réduite par rapport aux coUts de
rétribution et de fonctionnement de l'assistance technique. Ce qui
réduit l'impact prévu quant a l'amélioration de la
condition paysanne. Aussi peut- on déplorer quelques couacs
notamment le bassin et l'ouvrage de rétention qui n'ont pas
été aménagés jusqu'au terme du contrat.
Mais dans l'ensemble, le PROGES, privilégiant les
actions de proximité au bénéfice des populations locales
a apporté une contribution non négligeable notamment dans
l'organisation et l'accompagnement d'initiatives de bases communautaires,
ainsi que la formation et la qualification aux techniques de gestion
des projets pour en assurer l'auto- prise en charge et la
durabilité.
IV- 40 années d'opération de
développement agricole: un bilan global mitigé
Les projets qui ont été initiés dans le
bassin, dans le cadre du relèvement du niveau de vie des populations,
ont permis d'amortir le processus de paupérisation. De manière
générale,
ils articulent leurs interventions autour de la
réalisation d'infrastructures hydrauliques (digues
de retenue, micro- barrages), de pistes de
production, d'aménagement de terres, d'introduction de nouvelles
variétés culturales. Ils ont beaucoup contribué, a
travers la récupération de terres cultivables,
l'introduction de thèmes techniques (même si le taux
d'adoption est faible), a entretenir l'espoir de sortir
définitivement de l'état d'insécurité
alimentaire qui prévalait.
Les programmes étatiques comme le PRS ont
cherché a susciter un développement local autonome et
endogène. Leurs succès peuvent s'analyser en terme
d'introduction d'un paquet technique et a la création d'emploi.
Certaines organisations paysannes comme l'AJAC et la FADECBA ont
eu a jouer un rôle très important dans le bassin en s'investissant
dans la promotion d'activités génératrices
de revenus, de même que dans le micro crédit qui
permet aux femmes de mener le petit commerce.
Ces projets, dans l'ensemble, ne sont malheureusement
pas parvenus a pérenniser leurs actions. Les expériences
s'arrêtent avec la fin du projet. En plus leur intervention est
sectorielle et privilégie uniquement l'agriculture.
L'une des limites qui demeure encore est
l'insuffisance de coordination des interventions et l'absence des
mécanismes de suivi, mais aussi la faiblesse dans la
mobilisation des ressources, insuffisance technique et absence de mesures
d'accompagnement des initiatives.
Bref, cherchant a qualifier le bilan de 40 années de mise
en valeur, échec semble sévère et excessif, car des
résultats approuvables ont été obtenus, insuffisance
pourrait convenir. Il
reste alors a revenir, pour mieux les cerner, sur les facteurs a
l'origine de ces insuffisances.
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