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Réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) au Maroc : Une analyse par un modèle d'optimisation spatiale

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par Bouba HOUSSEINI
Institut National de Statistique et d'Economie Appliquée(INSEA) de Rabat - Maroc - Ingénieur d'Etat 2006
  

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II. Analyse descriptive et choix des variables explicatives

Avant d'entamer cette partie, il convient tout d'abord de présenter la base de données utilisée et de clarifier la signification de certaines variables.

Préliminaire : Présentation de la base des données et des variables

La réalisation de cette étude a nécessité la construction d'une base de données contenant l'ensemble des variables issus des trois objectifs retenus. Vu la non disponibilité des données en séries chronologiques pour traiter une telle problématique et surtout pour se conformer à l'approche provinciale adoptée, il a fallu faire appel aux résultats de plusieurs enquêtes différentes, principalement ceux du RGPH 2004 pour se rapporter à une unique année d'étude. Notre base de données est donc un ensemble d'observations provinciales en coupe transversale relative à l'année 2004, reconstruite à partir des résultats du RGPH 2004,

de l'enquête emploi de la Direction de la Statistique et des statistiques des différents

ministères (Education, Industrie, Agriculture et Santé). Les données relatives à la pauvreté telles que les variables mesurant le niveau de vie et l'équipement en infrastructures de base sont tirées essentiellement des résultats du RGPH 2004. L'enquête emploi de la Direction de

la Statistique a servi d'information sur l'emploi des enfants et le chômage. Toutes les données portant sur l'éducation ont été recueillies des statistiques du ministère, notamment les taux d'achèvement, les taux de scolarisation et les niveaux d'infrastructures dans l'enseignement.

Cependant, vu l'inadéquation du découpage administratif du territoire entre nos différentes sources des données et la non représentativité provinciale de certaines enquêtes, nous avons eu à faire à quelques observations manquantes. Les observations de la région ont

été utilisées pour représenter certaines observations provinciales manquantes. Ce fut le cas pour la province d'Aousserd pour les données de l'éducation primaire et la province de Zagoura pour les données de l'enseignement supérieur. Par ailleurs, faute d'indisponibilité totale des données provinciales pour certaines variables (emploi des enfants, chômage des diplômés et proportion des femmes parmi les chômeurs) les taux régionaux ont été utilisés pour l'ensemble des provinces. Telles sont les manipulations qui ont conduit à la mise en place de la base de données complète, constituée de 37 variables et 61 observations, utilisée dans notre étude.

Du côté des variables, les définitions sont celles qui figurent en annexe, exception faite des variables production agricole par tête et taux d'achèvement qui nécessitent une clarification. En effet, la production agricole par tète utilisée dans cette étude ne mesure pas exhaustivement la production agricole de la province. Elle a en effet été approchée par la somme des productions provinciales en céréales, en légumineuses, en oléagineuse, en canne à sucre et en betterave à sucre. De même pour les taux d'achèvement qui ne sont que des taux apparents et non des taux réels. Définis respectivement comme le rapport du nombre d'inscrits en 1ère année du collège sur le nombre d'inscrits en 1ère année du primaire six ans plutôt et le rapport du nombre d'inscrits en 1ère année du qualifiant sur le nombre d'inscrits

en 1ère année du collège trois ans plutôt, ces deux taux ne tiennent pas compte d'élèves qui redoublent ou qui quittent l'école à la fin de la sixième année du primaire ou la fin de la 3ème année du collège. Ce qui fait qu'ils sont sous estimés pour certaines provinces et pour d'autres ils dépasseraient les 100%.

Après cette clarification de la source des données et de la signification de certaines variables, cette partie peut prochainement entamer l'analyse descriptive des données et la prospection des variables explicatives.

II.1. Objectif 1 : réduire l'extrême pauvreté et la faim

II.1.1. Distribution provinciale de la pauvreté

Au niveau national, le taux de pauvreté s'élève en 2004 à 14,20%. Un chiffre très proche de la médiane des observations qui est de l'ordre de 14,18%. Cependant on note une grande disparité au niveau des différentes provinces du Royaume caractérisée par un coefficient de variation de l'ordre de 52%. De manière plus précise, le tableau qui suit illustre

un classement des provinces suivant le taux de pauvreté et selon la position par rapport au taux national. On remarque que le taux de pauvreté au niveau des provinces varie de 2,38% pour la province la moins pauvre (Rabat) à 33,58% pour la plus pauvre (Zagoura).On notera que 30 provinces, soit la moitié environ affichent des taux supérieurs au taux national et 31 provinces des taux inférieurs.

Tableau2 : Classification des provinces selon le taux de pauvreté

Taux inférieur à la moyenne nationale

Taux supérieur à la moyenne nationale

Provinces

Taux de

pauvreté en

%

Provinces

Taux de

pauvreté en

%

Rabat

2,38

El jadida

14,41

Casablanca

2,73

Taza

15,21

Oued Ed-Dahab

2,78

Khemisset

15,5

Aousserd

3,22

Chefchaouen

16,02

Mohammadia

4,28

Ifrane

16,03

Es-Semara

4,74

Safi

16,12

Boujdour

5,87

Sefrou

16,27

Laayoune

6,43

Chtouka Ait Baha

17,06

Salé

6,45

Nador

17,3

Assa-Zag

6,88

Fahs-Anjra

17,59

Nouaceur

7,19

Khenifra

18,18

Tan-Tan

7,7

Kenitra

19,9

Marrakech

7,91

Tiznit

20,13

Agadir Ida ou Tanane

8,86

Al Haouz

20,75

Beni Mellal

9,22

Sidi kacem

21,39

Tanger-Assilah

9,37

El hajeb

21,43

Inezgane Ait melloul

9,57

Moulay Yacoub

22,41

Shirat-Temara

10,26

Taroudant

22,59

Guelmim

10,37

Ouarzazate

22,79

Fes

10,66

El Kelaa des sraghna

23,15

Tétouan

11,04

Boulemane

23,85

Mediouna

11,93

Azilal

23,98

Oujda-Angad

11,93

Tata

24,54

Alhoceima

12,66

Figuig

27,09

Meknes

12,7

Taourirt

27,29

Khouribga

12,85

Chichaoua

29,09

Settat

12,86

Jerada

29,28

Larache

13,7

Errachidia

29,49

Benslimane

13,78

Essaouira

29,8

Berkane

13,92

Zagora

33,58

Taounate

14,17

National

14,20

Source de données : Carte de pauvreté 2004 (HCP).

La plupart des provinces les plus pauvres sont les provinces du sud comprenant zagora (33,58%), Essaouira (29,8%), Errachidia (29,49%), Jerada (29,28%), Taourirt (27,29%), Ouarzazate (22,79%) et Taroudant (22,59%). Nous remarquons que pratiquement toutes les provinces urbaines du Royaume ont des faibles taux de pauvreté. On pourrait donc confirmer aisément le constat selon lequel la pauvreté au Maroc est un phénomène beaucoup plus rural.

L'indice de Gini quant à lui ne varie pas significativement au niveau des différentes provinces. Il est compris entre 0,3 et 0,4. Ce constat associé aux remarques précédentes démontrent les fortes inégalités tant inter qu'intra provinciales que connaît le Maroc et interpellent les décideurs sur la nécessité d'un meilleur ciblage des politiques de lutte contre

la pauvreté tenant compte des provinces les plus prioritaires et les communes les plus pauvres

II.1.2. Corrélations et graphiques descriptifs liés à la pauvreté

Tableau 3 : Matrice des corrélations des variables liées à la pauvreté

 

PAUV94

GINI

PAUV04

DEPMTET

AGR_TET

IND_TET

SITES_TETE

POPACT

PAUV94

1,00

-0,02

0,73

-0,71

0,20

-0,36

0,01

-0,05

GINI

-0,02

1,00

-0,08

0,18

-0,05

0,05

-0,16

-0,03

PAUV04

0,73

-0,08

1,00

-0,76

0,20

-0,34

-0,13

-0,21

DEPMTET

-0,71

0,18

-0,76

1,00

-0,40

0,48

-0,02

0,11

AGR_TET

0,20

-0,05

0,20

-0,40

1,00

-0,13

0,07

0,20

IND_TET

-0,36

0,05

-0,34

0,48

-0,13

1,00

0,02

0,17

SITES_TETE

0,01

-0,16

-0,13

-0,02

0,07

0,02

1,00

0,16

POPACT

-0,05

-0,03

-0,21

0,11

0,20

0,17

0,16

1,00

ALPHA

-0,67

0,23

-0,72

0,70

-0,23

0,38

0,16

0,23

E_POT

-0,36

0,13

-0,33

0,27

-0,19

0,07

0,24

0,23

ELECT

-0,55

0,21

-0,61

0,58

-0,21

0,25

0,16

0,16

NB_DISP

0,34

0,01

0,30

-0,49

0,34

-0,14

0,12

0,47

DIS_RGD

0,07

-0,02

0,22

-0,19

-0,11

-0,23

-0,12

-0,25

PRO_FEM

0,35

0,14

0,50

-0,27

0,10

-0,07

0,09

0,13

T_MOYMEN

0,57

-0,13

0,71

-0,60

0,19

-0,22

-0,12

-0,06

TX_URBA

-0,48

0,02

-0,49

0,46

-0,11

0,27

0,21

0,29

Tableau 3 : Matrice des corrélations des variables liées à la pauvreté (suite)

 

ALPHA

E_POT

ELECT

NB_DISP

DIS_RGD

PRO_FEM

T_MOYMEN

TX_URBA

PAUV94

-0,67

-0,36

-0,55

0,34

0,07

0,35

0,57

-0,48

GINI

0,23

0,13

0,21

0,01

-0,02

0,14

-0,13

0,02

PAUV04

-0,72

-0,33

-0,61

0,30

0,22

0,50

0,71

-0,49

DEPMTET

0,70

0,27

0,58

-0,49

-0,19

-0,27

-0,60

0,46

AGR_TET

-0,23

-0,19

-0,21

0,34

-0,11

0,10

0,19

-0,11

IND_TET

0,38

0,07

0,25

-0,14

-0,23

-0,07

-0,22

0,27

SITES_TETE

0,16

0,24

0,16

0,12

-0,12

0,09

-0,12

0,21

POPACT

0,23

0,23

0,16

0,47

-0,25

0,13

-0,06

0,29

ALPHA

1,00

0,71

0,88

-0,33

-0,29

-0,17

-0,59

0,76

E_POT

0,71

1,00

0,78

-0,16

0,01

0,22

-0,31

0,69

ELECT

0,88

0,78

1,00

-0,41

-0,17

-0,12

-0,44

0,71

NB_DISP

-0,33

-0,16

-0,41

1,00

0,08

0,31

0,33

-0,29

DIS_RGD

-0,29

0,01

-0,17

0,08

1,00

0,18

0,31

-0,23

PRO_FEM

-0,17

0,22

-0,12

0,31

0,18

1,00

0,36

-0,09

T_MOYMEN

-0,59

-0,31

-0,44

0,33

0,31

0,36

1,00

-0,57

TX_URBA

0,76

0,69

0,71

-0,29

-0,23

-0,09

-0,57

1,00

Une lecture du tableau précédent montre que le taux de pauvreté en 2004 est

positivement et fortement corrélé avec le taux de pauvreté de 1994 (0.73). Cela pourrait laisser dire que la pauvreté est un processus continu et se transmet de génération en génération. De plus la pauvreté en 2004 est positivement liée à la taille moyenne des ménages

et à la proportion des femmes (0,71 et 0,49 respectivement), ce qui signifie que la pauvreté toucherait essentiellement les femmes et les familles nombreuses. Cependant, la relation est négative avec la dépense moyenne par tête, le taux d'alphabétisation et le taux d'urbanisation. Par ailleurs, les infrastructures de base telles que l'électricité, l'eau et la disponibilité des centres de santé, malgré leurs effets restreints agissent dans le sens de réduction de la

pauvreté alors que les routes, représentées par la distance moyenne par rapport aux routes

goudronnées agit dans le sens contraire. On pourrait imputer cette inefficacité des infrastructures de base à l'approche monétaire de la pauvreté adoptée dans cette étude. En effet, il pourrait bien y avoir des hôpitaux et des routes mais sans qu'il y ait le minimum en coût monétaire nécessaire pour y avoir accès. Ce qui justifie donc l'optique d'encouragement des activités créatrices de revenus retenue dans les nouvelles politiques de lutte contre la pauvreté. Paradoxalement, la production industrielle par tête agit négativement sur la pauvreté contrairement à la production agricole par tête. Par ailleurs, la corrélation est faible et négative avec l'indice de Gini. En effet, plusieurs politiques visant à réduire la pauvreté pourraient augmenter les inégalités. Le nombre élevé de sites de microcrédit par tête, quoi qu'à faible effet, constituerait une initiative de réduction de la pauvreté. Bien entendu, l'augmentation de la population active reste un facteur réduisant la pauvreté.

Cependant l'indice de Gini reste faiblement corrélé avec toutes ses variables explicatives candidates (le taux de pauvreté, la dépense moyenne par tête, les productions agricole et industrielle par tête, la population totale, le taux d'urbanisation et le taux d'emploi

des enfants).

Du côté des variables explicatives, nous constatons une forte corrélation entre le taux

de pauvreté de 1994 et la dépense moyenne par tête (-0,71), le taux d'alphabétisation (-0,66),

le taux d'urbanisation (-0,47), la taille moyenne des ménages (0,56) et le taux de branchement

en eau potable (-0,35) et en électricité (-0,54). Cela pourrait être expliqué par le fait que la pauvreté a gardé un profil constant pendant les dix dernières années. La production agricole

par tête ressort positivement liée à la population active (0,19), ce qui est tout à fait naturel. Elle a également le même comportement avec le nombre de sites de microcrédit et la production industrielle par tête. Ce constat conjugué aux faibles corrélations existantes entre

les trois variables nous amène à les retenir toutes comme variables explicatives de la pauvreté.

Graphique 1 : Variation provinciale de certaines variables explicatives (fortement corrélées entre elles) du taux de pauvreté

8 8

6 6

4 4

2 2

0 0

-2

5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60

-2

5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60

SITES_TETE POPACT AGR_TET

SITES_TETE

POPAC T

AGR_TET

IND_TET

TX_URBA

La taille moyenne des ménages est quant à elle négativement liée à l'alphabétisation, à

l'urbanisation, à la dépense moyenne par tête et au taux de branchement en eau et en électricité.

Graphique 2 : Variation provinciale de certaines variables explicatives (fortement corrélées

entre elles) de l'indice de Gini

 
 
 
 
 
 

6

4

2

0

-2

-4

5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60

ALPH A

TX_URBA

D EPM TET

T_M OYM EN

Le graphique ci dessus illustre l'évolution opposée de la taille moyenne des ménages

et du taux d'alphabétisation, du taux d'urbanisation et de la dépense moyenne par tête. Les autres variables qui ne sont pas présentées faute d'encombrement du graphique varient dans

le même sens, tel qu'il est explicité dans le paragraphe précédent.

En gros, compte tenu de toutes ces remarques statistiques et leurs pertinences économiques, les candidates variables explicatives retenues pour l'équation de la pauvreté sont : la pauvreté 94, l'indice de Gini, la dépense moyenne par tête, la taille moyenne des ménages, la production industrielle par tête, la production agricole par tête, l'indicateur eau potable, l'indicateur électricité, la distance moyenne par rapport à une route goudronnée, le taux d'alphabétisation et le taux d'urbanisation. Pour l'équation relative à l'indice de Gini, nous avons retenu : la population totale, la production industrielle par tête, la production agricole par tête, le taux d'urbanisation, le taux de pauvreté, la dépense moyenne par tête et le taux d'emploi des enfants.

Une minutieuse analyse sera faite au chapitre suivant pour ne retenir que les variables les plus pertinentes, les plus significatives et les moins corrélées entre elles.

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