Les mythes fondateurs de l'A.P.R.A: Témoignages et production historiographique( Télécharger le fichier original )par Daniel Iglesias Université Paris VII-Denis Diderot - Maîtrise d'Histoire 2004 |
b) La mise en place d'une Assemblée ConstituanteFinalement, après avoir obtenu des conditions de sortie et des garanties pour l'avenir, l'armée décida de mettre en chantier une Assemblée Constituante (élections en 1978 et installation le 28 juillet 1978), soumise au contrôle sans faille de ses généraux. Les participants durent se plier aux exigences des militaires, qui leur imposèrent leurs prérogatives en matière de libertés individuelles, tout comme ils les obligeaient à s'aligner sur la continuité du processus révolutionnaire. Les forces en présence se devaient en conséquence d'institutionnaliser les réformes imposées par Morales Bermúdez, car comme les avait prévenu le chef de l'Etat avant leur élection, l'Assemblée serait dissoute si elle remettait en cause les politiques du régime273(*)». Néanmoins, elle offrit pour la première fois depuis plus de dix ans, la possibilité d'analyser avec un plus grand critère, les réformes et réalisations de la Révolution péruvienne. Mais, les mesures proposées par la société civile ne purent jamais s'émanciper de la tutelle militaire, et elle vit toutes ses tentatives d'entériner la réforme agraire, et la main mise de l'Etat sur l'économie s'estomper. Le grand vainqueur de cette entreprise de transition constitutionnelle fut sans aucun doute l'APRA. Il su faire peser tout son poids de parti de masse et de mobilisation en sa faveur, assumant même un rôle central en tant que médiateur entre la junte et les forces politiques civiles, au moment où ses ennemis d'extrême gauche subissaient les foudres du régime. Le charisme de Haya de la Torre, son aura de par son passé et son rayonnement international, ainsi que l'anti-communisme à présent déclaré du parti, firent de lui un interlocuteur incontournable sur la table de négociation. Sa base électorale, son poids syndical croissant depuis 1975, ses liens étroits avec une partie des officiers au pouvoir, firent de l'APRA, la force politique la plus en apte à mener à bien en partenariat avec l'armée, ladite transition. Cette convergence d'intérêts facilita d'ailleurs l'élection de Haya de la Torre comme président de l'Assemblée Constituante, lui rendant ainsi une place de premier ordre sur un échiquier politique en pleine mutation, et dont les regards commençaient déjà à se tourner, vers les prochaines élections au suffrage universel. Paradoxalement, ce fut le parti jadis conspué, persécuté, et instrumentalisé comme le pire ennemi, qui devînt en quelques années, le principal partenaire de l'armée, en vue de trouver un débouché à une grave crise politique et de légitimité. Certes, la junte de Morales Bermúdez détenait encore la force dans le pays, mais elle ne bénéficiait plus d'une investiture, même symbolique, du pouvoir, sans quoi elle ne pouvait réellement le transformer en autorité. Malgré ce retour politique fracassant et l'élection de son caudillo à la tête de l'Assemblée Constituante, l'APRA souffrait d'une usure et d'un vieillissement de ses cadres, et de son idéologie. Le temps était dorénavant venu de repenser l'aprisme, au moment même où, Haya de la Torre était déjà donné vainqueur des élections présidentielles à se tenir en 1980. L'APRA devait dès lors se prémunir de toutes erreurs, afin de refonder sa crédibilité, et de se repositionner au sein de la gauche péruvienne. Or, la gauche péruvienne, tout comme les autres mouvements analogues dans le monde, connaissait à la fin des années soixante-dix, des remous internes, suite à la prise de distance face au marxisme-léninisme, à l'idée de lutte des classes, ou encore à la nature du socialisme. Elle se livrait alors dans ses organes de presse à un examen de conscience, sans pour autant cesser de clamer haut et fort son anti-aprisme grandiloquent, et son intention d'empêcher l'APRA d'accéder au pouvoir.
* 273 Pease Garcia Henry et Filomeno Alfredo (éd.), Perú 1977. Cronología Política, t.VI, Lima, Desco, 1979, p.2778 |
|