4.2 DEUXIÈME OBJECTIF DE RECHERCHE : LE
PROCESSUS D'AUTONOMISATION
« Analyser le discours des scripteurs/lecteurs au
sujet du developpement de leur processus d'autonomisation en lien avec
l'application des pratiques et techniques en planification et
contrôle de projet en classe de français langue
maternelle»
Tel que nous avons dejà presente, selon Morin
& Brief (1995), l'autonomie suit un processus qu'ils appellent
l'autonomisation. Ce point de vue rejoint celui d'autres auteurs tels Grangeat
(1997), Barbot & Catamarri (1999) qui, eux aussi, utilisent ce
terme dans une perspective socio-constructiviste. Tous les theoriciens
s'accordent sur le fait que nul ne devient autonome du jour au
lendemain ; c'est un processus declenche à chaque nouvelle
situation à laquelle doit faire face l'être humain. En
adaptant ce concept au domaine de l'apprentissage du français
langue maternelle par l'application des pratiques et techniques en
planification et contrôle de projet, nous cherchions à
voir le developpement du processus d'autonomisation (qui inclut
l'affectivite) en lien avec la construction des connaissances
metacognitives chez les scripteurs/lecteurs du premier cycle du secondaire ;
construction dejà demontree grâce à la contribution des
outils de planification et contrôle de projet au chapitre precedent.
Pour ce faire, les trois axes d'analyse concernant la
personne, la tâche et les strategies (Grangeat, 1997) sont conserves
afin d'etablir un parallèle avec la theorie du processus
d'autonomisation de Morin & Brief (1995) qui en exploite trois aspects :
fonctionnel, cognitif
et social. Nous pouvons faire un lien avec la visee du MEQ
(2003/2004, p. 84) concernant l'enseignement du français : former des
scripteurs/lecteurs capables d' «utiliser la langue pour satisfaire ses
besoins personnels, scolaires et sociaux ». Aux yeux du MEQ,
l'apport du
français langue maternelle serait de trois
ordres : la structuration de l'identite, le developpement du
pouvoir d'action, et la construction d'une vision du monde. Or, dans
notre recherche, la structuration de l'identite se fait avec le travail
(systematique) sur la langue,
le developpement du pouvoir d'action passe par l'utilisation
methodologique et metacognitive des pratiques et techniques en planification et
contrôle de projet, tandis que la construction d'une vision du monde se
realise grâce au developpement du transfert des connaissances par
la metacognition.
La relation entre les elements d'analyse est presentee dans le
tableau suivant. Nous precisons que les divisions entre chaque trio ne sont
que sommaires et que les coupures entre
les differents stades n'excluent pas la superposition des
categories à cause de leur progression
probablement en spirale.
MÉTACOGNITION
Grangeat, 1997
|
AUTONOMISATION
Morin et Brief, 1995
|
MEQ
2003/2004
|
Personne
|
Autoinitiation
|
Structuration de l'identite
|
Tâche
|
Autointegration
|
Developpement du pouvoir d'action
|
Strategies
|
Autorealisation
|
Construction d'une vision du monde
|
Autonomie integrale
|
Tableau 7. Relation entre les elements
d'analyse en metacognition et l'autonomisation
À la lumière de notre analyse sur le
developpement de la metacognition de ces scripteurs/lecteurs, nous avons
constate que l'entraînement systematique et methodologique à
la metacognition, dans une visee autonomisante, les a amenes
à developper la metacognition à differents stades. Cela nous
permet de faire un lien interessant avec le developpement du processus
d'autonomisation. Les trois critères d'autonomisation de
Grangeat (1997), presentes à l'encadre 2, ont servi de base dans
l'interpretation de ce developpement. Il s'agit
de voir si les scripteurs/lecteurs etaient capables de se
distancier (de soi, des autres, de la tâche dans l'immediat, des
strategies enseignees), de s'emanciper (savoir-faire en l'absence de
l'enseignante) et de se detacher (avoir des opinions propres sur soi,
sur la tâche, sur les strategies). Ce sont là aussi les
trois degres d'abstraction dejà mentionnes dans la section
portant sur la metacognition : la description chronologique,
l'analyse logique et la conceptualisation. Le parallèle se
fait alors entre ces trois stades de la metacognition et le processus
d'autonomisation tel que presente anterieurement par le tableau 6.
Comme l'autonomie integrale prend en consideration l'evolution du
Moi, selon Morin
& Brief (1995), le cadre dans lequel ce Moi se developpe
doit être defini. Dans le cas des quatre scripteurs/lecteurs
interviewes, il s'agit de l'univers didactique du français
langue maternelle, plus specifiquement, l'ecriture et la lecture. Le
scripteur/lecteur s'autoinitie, s'intègre, s'autorealise afin
d'arriver à l'autonomie integrale (Morin et Brief, 1995) dans
l'univers de l'ecriture et de la lecture. La dimension du Moi y est consideree
en accord avec ce
qui a ete note par Doly (dans Grangeat [1997]) en ce qui
concerne le concept de soi dans
l'autonomisation.
Voici l'analyse du discours des scripteurs/lecteurs selon les
quatre stades du processus d'autonomisation selon Morin & Brief (1995).
4.2.1 L'auto-initiation
Au stade de l'auto-initiation, nous observons trois
capacites : se debrouiller seul,
nommer les processus et faire une description chronologique et
factuelle des activites. Ces caracteristiques rejoignent celles de la
metacognition concernant les indicateurs sur
la personne que sont l'enonciation et la decentration. Plus le
scripteur/lecteur arrive à
se distancier du savoir comme objet, ou à se defaire de
l'emprise de l'enseignante (ou de l'influence des pairs), plus il
devient autonome (Grangeat, 1997). À ce niveau
d'autonomisation, les scripteurs/lecteurs sont fonctionnels dans l'ensemble des
tâches d'ecriture, mais sans une coordination des actions vers un but
precis. C'est l'etat general d'un grand nombre de scripteurs/lecteurs qui
arrivent du primaire, comme nous l'avons explique dans notre chapitre portant
sur la problematique.
Pour nous, le scripteur/lecteur qui entre au premier cycle du
secondaire est dejà
au stade fonctionnel en ecriture et en lecture. Pour
Morin & Brief (1995) : « Pour l'adulte comme pour l'enfant, la
nouveaute les amène à apprivoiser leur nouvel univers tant bien
que mal, ce qui les engage dans la première phase
du processus d'autonomisation » (p. 170). En effet, il est capable
d'ecrire un texte en respectant les règles de base de cette tâche
et de lire en appliquant certaines connaissances de base des micro et
macro-processus (Giasson, 1990). Il se situe alors au stade de
l'autoinitiation
du processus d'autonomisation. En repondant à
nos questions portant sur la conscience de leurs propres façons
d'apprendre, nos quatre scripteurs/lecteurs ont pu tous decrire leurs
capacites de se debrouiller seuls, de nommer les processus, mais
à differents degres. Selon les donnees recueillies en metacognition,
ces scripteurs/lecteurs ne sont pas tous situes au même niveau
d'abstraction dans leur apprentissage. Nous avons remarque que la
description faite par les scripteurs/lecteurs
E1 et E2, du niveau de la 1e secondaire, est plus factuelle
et contextualisee que celle des
deux scripteurs/lecteurs E3 et E4, de la 2e
secondaire, donc à un niveau d'autonomisation moindre,
car ils se trouvent encore plus loin du stade suivant qui est
l'autointegration. Prenons par exemple le plan. Tous les quatre en ont
mentionne dans leur façon d'organiser les idees avant d'ecrire un texte.
Seulement, les scripteurs/lecteurs E1 et E2 se sont engages dans une
description compliquee telle pour
le premier :: « ... tu fris un plrn. Pis ld, tu mets
tout sur tes sujets, toutes tes idées ld-dessus puis rprès
çr... ben ld... tu jettes ce qui n'est prs bon, tu les
plrces... », puis pour le deuxième :
« ...rdmettons, je prrlerri de... un ours, comme
exemple... Pis ld, ben, je décrirris comme rdmettons,
lr frçon qu'il vit, son mod, son mode de vie
premiêrement, lr frçon qu'il nourrrissrit ses bébés,
pis tout
çr ld... » Tandis que les deux
scripteurs/lecteurs E3 et E4, etant situe à un niveau plus abstrait
d'apprentissage, ont pu en faire une description plus conceptuelle comme :
« ru début, on frit un plrn rvec des mots-clés...Pis
rprès çr... on frit... on commence d l'écrire...
» ou pour le scripteur/lecteur E4 : « Je fris un plrn...
détrillé. OK, je fris lr siturtion initirle, puis les
péripéties, puis tout çr.... ». Le concept
« plan » demeure encore dans des details de realisation pour les
deux scripteurs/lecteurs de la 1e secondaire, tandis qu'il suffit
pour ceux de la 2e secondaire de le nommer comme une connaissance
acquise.
À nos yeux, les outils et techniques en gestion de projet
appliques en ces classes
de français ont joue un rôle important
à ce stade-ci grâce au developpement des habiletes d'ordre
general concernant les processus. En repetant les etapes de
realisations des tâches à accomplir, les
scripteurs/lecteurs sont fonctionnels en interiorisant ces processus.
Cette interiorisation est comparable à l'automatisation d'Anderson
(1983) au stade cognitif, mais avec les outils et techniques en
gestion de projet qui cherchent à garder en vue le but et le resultat,
les scripteurs/lecteurs ont pu engager leur Moi afin d'evoluer de ce
stade de niveau corporel selon Morin & Brief (1995) au suivant.
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