CHAPITRE 2
P R I V A T I S A T I O N D E L A S O N E L E T E
F F I C A C I T E D E L A P R O D U C T I O N
Introduction
L'industrie électrique désigne un ensemble
d'activités qui regroupent la production, le transport et la
distribution de l'électricité. Ces trois segments qui
étaient gérés par l'Etat avant
la privatisation de la SONEL ont été
cédés à l'opérateur privé AES. L'une de ses
missions est d'améliorer l'efficacité au niveau de ces trois
segments. Le premier étant considéré comme le moteur du
secteur (PERCEBOIS, 1997), l'objectif du présent chapitre
est donc de s'appesantir sur ce segment. Deux points seront abordés
à cet effet : le premier permettra de définir le concept
d'efficacité et d'analyser l'offre du secteur au Cameroun ; le
deuxième point nous conduira à l'analyse de la demande
d'électricité à la mesure de l'efficacité de la
production à l'AES-SONEL.
SECTION 1 : EFFICACITE ET OFFRE D'ELECTRICITE AU
CAMEROUN
Parmi les objectifs de la privatisation de la SONEL,
l'un consistait en l'amélioration de l'efficacité dans la
production, le transport et la distribution de l'énergie
électrique au Cameroun. Le segment de la production est
considéré comme le segment moteur du secteur
de l'électricité et son efficacité est
indispensable à la viabilité du secteur. Avant d'analyser
l'offre de ce secteur au Cameroun, on ressortira d'abord le lien
entre privatisation et efficacité.
I. La privatisation et l'efficacité
Nous définirons d'abord le concept d'efficacité et
nous ferons par la suite le rapprochement entre la privatisation et
l'efficacité.
I-1. Définition de l'efficacité
De manière absolue, une firme est techniquement
efficace si l'une de deux situations suivantes est vérifiée
:
- Etant donné un panier d'inputs, la firme produit le
maximum d'output techniquement
possible.
- Etant donné un niveau d'output, la firme utilise le
minimum d'inputs nécessaire pour l'atteindre.
On dira qu'une firme est inefficace lorsqu'elle n'est
pas incitée à minimiser ses coûts de production.
L'absence de motivation pour rechercher une allocation efficace des ressources
entraîne la diminution des profits de l'entreprise. Cette situation est
communément appelée inefficacité-X (LEIBENSTEIN, 1966).
Sur le plan théorique, c'est une situation fondée sur
l'incapacité de la firme à traiter toute
l'information pouvant conduire à l'efficacité ; notamment
l'intensité de l'effort des dirigeants et la nature des
contrats de travail qui sont souvent libellés de manière
incomplète (PLANE, 1995).
I-2. Le lien entre la privatisation et
l'efficacité
Nous allons analyser cette relation à
l'AES-SONEL, à partir des travaux de SCHMIDT (1991). Il suppose
que lorsque la firme est publique (cas de la SONEL), le gouvernement est mieux
informé à son sujet et n'a donc pas besoin de créer de
distorsions informationnelles ex post. Les subventions dont
bénéficiait la SONEL n'incitaient pas l'Etat à lui
laisser un surplus. La conséquence était donc un
découragement à investir de la part du dirigeant de
l'entreprise. SCHMIDT (1991), caractérise ce découragement
à investir de coût de la propriété publique.
Quand l'entreprise est privée (cas de
l'AES-SONEL), le gouvernement introduit des distorsions
informationnelles à cause de l'asymétrie d'information,
engendrant ainsi le coût de
la propriété privée. Cependant, le
manager investit plus ex ante car il garde une partie du
surplus de l'entreprise ex post. Cette analyse indique donc qu'il y a
dans une entreprise, un arbitrage entre l'efficacité productive (le
manager investit plus quand la firme est privée) et l'efficacité
allocative (le niveau de production socialement efficace est obtenu quand la
firme
est publique). Dans le secteur de
l'électricité au Cameroun, la préférence a
été accordée à l'efficacité productive,
car la SONEL n'était plus techniquement efficace. Elle a donc
été privatisée dans le but de retrouver cette
efficacité.
II. L'analyse de l'offre
Il s'agira d'abord de présenter l'équilibre
du producteur en situation de monopole, ensuite, analyser l'offre du
secteur de l'électricité au Cameroun.
II-1. L'optimum du producteur en situation de
monopole
Le problème du producteur est de déterminer
la quantité Q qui maximise son profit (la
différence entre son chiffre d'affaires et son coût de
production). Le profit ë (Q) = PQ - CT
est donc fonction de la quantité produite. Sa
maximisation conduit à l'égalité de la recette
marginale et du coût marginal. La production choisie est donc
définie par cette égalité. La figure ci-dessous
présente cette situation d'équilibre.
Figure 2.1 : L'équilibre
du monopole
Prix
Cm
PM
P* PROFIT CM
RM
Rm
Source : Picard (2002).
QM Q* Quantités
La fonction Q(P), qui associe au prix de vente la
quantité produite est appelée fonction d'offre
de l'entreprise. Elle est représentée par la
partie de la courbe de coût marginal située au- dessus de
la courbe de coût moyen (CM). C'est une fonction croissante du
prix.
Un monopole opère donc en un point où le prix
est supérieur au coût marginal, alors qu'une entreprise en
concurrence opère en un point où le prix est fixé au
niveau du coût marginal. En situation de monopole, comme cela est le cas
pour l'AES-SONEL, le prix sera plus élevé et la production
faible (PM et QM), alors qu'en situation
de concurrence (P* et Q*), c'est le cas contraire. La
conséquence est que les consommateurs d'électricité
bénéficieront d'un niveau
de satisfaction moindre quand le secteur est organisé sous
la forme d'un monopole plutôt que
sous la forme concurrentielle.
II-2. L'offre du secteur de l'électricité
au Cameroun
Nous présenterons les différentes sources de
production d'électricité et la relation entre cette production et
les prix.
II-2-1. Les différentes sources de production
d'électricité au Cameroun
La production désigne la quantité
d'électricité produite par tout moyen, ainsi que toute
activité auxiliaire de transport jusqu'aux jeux de barres haute tension
des postes de centrales. Les sources de production sont d'origines hydraulique
et thermique.
L'hydroélectricité constitue prés de 95%
de la production électrique au Cameroun, et le fleuve Sanaga1
est la principale source de cette production. Sur son cours,
sont construits les barrages de Song-Loulou, qui a une capacité
d'environ 390 MW, et d'Edéa, dont la capacité
est d'environ 263 MW. Des barrages de retenue,
(Mape, Bamendjin et Mbakaou) ont été construits en amont
de la Sanaga pour réguler son cours en période
d'étiage. La capacité totale de ces barrages est d'environ
7,8 milliards de m3.
Au cours de l'exercice 2001/2002, la capacité totale de
ces barrages est passée à 5,1 milliards
de m3, soit une baisse de 3,7 milliards
de m3. On a assisté progressivement à
l'augmentation
de cette capacité en 2002/2003, mais le niveau
atteint reste inférieur à celui de l'année
2000/2001. La conséquence directe a été la
baisse de la production d'électricité. La figure ci- dessous
présente l'évolution de la production
d'électricité à partir des deux principales
sources, à savoir : l'hydraulique et le thermique.
1 Pendant la saison sèche, le débit
naturel de la Sanaga peut baisser de 5000m3/S à
80m3/S.
Figure 2.2 : Evolution de la
production par sources de 1991 à 2004.
Production en milliers de kWh
4 000 000
3 500 000
3 000 000
2 500 000
2 000 000
1 500 000
1 000 000
500 000
-
1990/1991 1993/1994 1996/1997 1999/2000 2002/2003
Années
Production totale Hydraulique Thermique
Source : L'auteur, à partir
des données de l'ARSEL.
On constate une baisse de la production
d'électricité en 2002/2003 suite à la baisse du
débit
du fleuve Sanaga. La conséquence directe a
été la baisse de la production d'origine hydraulique. On
note par ailleurs une augmentation de la production en 2003/2004. Ce
rattrapage de la production est en partie dû à
l'accroissement de la production d'origine thermique en début
d'année 2003.
Le renforcement de la production d'électricité
à partir de cette source permet de pallier les insuffisances pouvant
être observées en périodes d'étiages. Il constitue
l'une des priorités de l'AES-SONEL qui en deux ans, a construit
de nouvelles centrales thermiques à Yaoundé (Oyomabang),
Douala (Log-baba et Bassa III B) et Bafoussam, pour une
production supplémentaire de 47 MW. Le coût total de ces
investissements a été évalué à 35
milliards de FCFA. Par ailleurs, la société a investit
près de 25 milliards de FCFA dans la construction d'une
centrale de 80 MW à Limbé fonctionnant au fioul lourd et
qui est déjà opérationnelle. L'AES-SONEL entend
également construire une centrale thermique à gaz de
150 MW qui sera opérationnelle en 2006. En outre, 64
milliards de FCFA ont été investis en cette année
2004 et 30 milliards de FCFA seront injectés en
2005 pour améliorer le fonctionnement du réseau.
II-2-2. L'offre d'électricité et les
prix
La première augmentation des tarifs
opérée en 2002 (5%) a coïncidé avec la baisse
de la production totale d'électricité. Cette baisse a
nécessité le renforcement par la production
thermique, ce qui a contribué à accroître les
coûts totaux de production. Ceux-ci seraient en
effet plus élevés en saison sèche
(janvier-juin) qu'en saison humide (juillet-décembre), à
cause de la forte utilisation de la source thermique en période
d'étiage. La prise en compte des saisons dans la fixation des prix
de vente peut donc être la conséquence directe de cette
élévation des coûts. Les différentes
grilles tarifaires présentées au chapitre
précédent (tableaux 1.2 ; 1.3 ; 1.4 ; 1.5 et 1.6) montrent le
réaménagement des tarifs. On a pu constater à travers ces
tableaux que les prix sont plus élevés en saison sèche
qu'en saison humide, ce qui pourrait refléter le niveau des
coûts d'une part et la consommation qui est plus
élevée en saison sèche d'autre part.
Il était question dans cette section, de
ressortir le lien entre privatisation et efficacité, et
d'analyser l'offre du secteur de l'électricité. Il importe
à présent d'analyser la demande d'électricité
au Cameroun.
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