SECTION 2 : DEMANDE D'ÉLECTRICITÉ ET
EFFICACITE DE LA PRODUCTION
L'offre n'a de sens que s'il existe une demande sur le
marché qui attend d'être satisfaite. La rencontre des deux est
sanctionnée par la détermination du prix
d'équilibre. L'analyse de l'offre nécessite donc aussi celle de
la demande. Celle-ci fera l'objet de cette section, ainsi que la
détermination des critères d'efficacité de la production
à l'AES-SONEL.
I. L'analyse de la demande
Avant d'analyser la demande d'électricité au
Cameroun, il s'avère nécessaire de présenter les
éléments de la définition de la fonction de demande.
I-1. La définition de la fonction de
demande
Le premier point consistera à caractériser
l'optimum du consommateur et le second permettra
de définir la notion d'élasticité de la
demande.
I-1-1. La caractérisation de l'optimum du
consommateur
L'objectif du consommateur rationnel est la maximisation
de son utilité, sous sa contrainte budgétaire. Supposons
qu'il consomme une quantité x1
d'électricité et une quantité x2
des
autres biens, son problème peut donc s'écrire sous
la forme :
s
/
c
Max
u ( x1
, x 2)
1 2
p x 1 + p
x 2 = R
La contrainte budgétaire ou droite de budget
définit une droite dans le plan
(x1,x2). La
résolution de ce programme permet d'obtenir les
quantités optimales x*1 d'électricité et
x*2
des autres biens qui maximisent l'utilité du
consommateur.
Graphiquement, cet optimum peut être
caractérisé de la manière suivante :
Figure 2.3: Choix optimal du
consommateur
X2
x*2
Source : Varian (2000).
x*1 X1
Cette figure caractérise l'optimum du consommateur.
L'utilité est maximale au point de
tangence de la courbe et de la droite de budget. Le couple
(x*1 ;x*2) représente cet optimum. Elle montre aussi que
l'augmentation de la consommation d'électricité se
traduit automatiquement par la réduction de la consommation des
autres biens, de sorte que la contrainte budgétaire soit
saturée.
Cette situation nous permet de définir la fonction de
demande de l'un des biens. La figure ci- dessous présente la fonction de
demande du bien X1.
Figure 2.4. : Courbe de demande
d'un bien
P
X1
Source : Varian (2000).
La fonction de demande d'électricité exprime le
choix optimal du consommateur en fonction
du prix unitaire de l'électricité et du revenu dont
celui-ci dispose. La courbe de demande est donc une relation inverse entre la
quantité consommée d'électricité et son prix.
I-1-2. L'élasticité et la
demande
L'élasticité prix de la demande est définie
comme la variation relative (en pourcentage) de
la quantité divisée par la variation relative (en
pourcentage) du prix :
= Q x p
[2.1]
p Q
La valeur de laisse voir deux types de biens:
>1, ce sont les biens dont la demande est élastique.
Dans ce cas, une hausse du prix
de ces biens conduit à une forte réduction de leur
consommation.
<1, il s'agit des biens dont la demande est faiblement
élastique par rapport au prix. Pour ces biens, la hausse du prix ne
réduit que faiblement la demande de sorte que la dépense
augmente. C'est généralement le cas de certains biens tels
l'électricité ou le téléphone.
De façon générale,
l'élasticité de la demande d'un bien dépend dans
une large mesure du nombre de substituts proches que ce bien possède.
Ainsi, si un bien a beaucoup de substituts
proches (biens alimentaires), il faut s'attendre à
ce que sa courbe de demande soit très
sensible à des variations de prix; si par contre,
un bien ne possède que peu de substituts,
proches (électricité, téléphone...),
il aura une demande assez inélastique.
I-2. La demande d'électricité au
Cameroun
L'évolution des abonnés et la répartition de
la consommation constitueront les deux axes de
ce paragraphe.
I-2-1. L'évolution des
abonnés
Cette évolution sera présentée à
partir du tableau ci-dessous.
Tableau 2.1 : Evolution du nombre
total des abonnés.
Années
|
Total des
abonnés
|
Basse tension
|
Moyenne tension
|
Haute
tension
|
1990/1991
|
308 124
|
307 345
|
774
|
5
|
1991/1992
|
317 547
|
316 743
|
798
|
5
|
1992/1993
|
342 879
|
342 011
|
862
|
5
|
1993/1994
|
363 792
|
363 792
|
914
|
5
|
1994/1995
|
382 000
|
381 034
|
960
|
5
|
1995/1996
|
401 873
|
400 858
|
1 010
|
5
|
1996/1997
|
420 995
|
419 932
|
1 058
|
5
|
1997/1998
|
428 269
|
427 167
|
1 097
|
5
|
1998/1999
|
447 936
|
446 823
|
1 108
|
5
|
1999/2000
|
452 192
|
451 066
|
1 121
|
5
|
2000/2001
|
452 994
|
451 855
|
1 134
|
5
|
|
2001/2002
|
456 121
|
454 969
|
1 147
|
5
|
|
UD
|
UP
|
EP
|
RG
|
RZPFI
|
|
404 922
|
45 497
|
4 550
|
974
|
173
|
5
|
2002/2003
|
459 317
|
458 144
|
1 168
|
5
|
|
UD
|
UP
|
EP
|
RG
|
RZPFI
|
|
407 749
|
45 814
|
4 581
|
993
|
175
|
5
|
2003/2004
|
461 358
|
460 177
|
1 176
|
5
|
|
UD
|
UP
|
EP
|
RG
|
RZPFI
|
|
409 559
|
46 017
|
4 601
|
995
|
181
|
5
|
Source : L'auteur, à partir
des données de l'ARSEL.
Ce tableau montre une augmentation du nombre total des
abonnés avec le temps. On constate qu'avant la privatisation, les
consommateurs étaient regroupés en trois catégories :
Les consommateurs en basse tension, en moyenne tension et en haute tension.
Les abonnés de la catégorie basse tension représentent
plus de 95% du nombre total d'abonnés.
Après la privatisation, on constate qu'en basse tension,
89% des abonnés utilisent l'électricité
à des fins exclusivement domestiques ; 10% sont des
abonnés professionnels et 1% des abonnés utilisant
l'électricité pour l'éclairage public. En moyenne tension,
plus de 85% des
abonnés appartiennent au régime
général. En ce qui concerne la haute tension, cinq
abonnés
sont classés dans cette catégorie ; il s'agit
principalement de ALUCAM, SOCATRAL, PPC (ex-CELLUCAM), CIMENCAM et CICAM.
I-2-2. La répartition de la
consommation
Cette répartition sera présentée suivant
les types de tension : basse tension (BT), moyenne tension (MT) et
haute tension (HT). La figure ci-dessous retrace cette répartition.
Figure 2.5 : Consommation
d'électricité BT, MT et HT de 1991 à 2004.
Consommation en milliers de kWh
4 000 000
3 500 000
3 000 000
2 500 000
2 000 000
1 500 000
1 000 000
500 000
-
1990/1991 1993/1994 1996/1997 1999/2000 2002/2003
Années
Consommation totale consommation BT Consommation MT Consommation
HT
Source : L'auteur, à partir
des données de l'ARSEL.
La consommation totale d'électricité a
augmenté avec le temps et avec le nombre d'abonnés.
On constate que la consommation des abonnés haute
tension représente plus de la moitié de la consommation totale
chaque année. La consommation annuelle des abonnés en basse
tension représente environ 25% de la consommation totale, et
celle des abonnés de la catégorie moyenne tension est
d'environ 23%.
Par ailleurs, les consommations en usage domestique, usage
professionnel et éclairage public sont respectivement proportionnelles
à 66%, 32% et 2% de la consommation totale basse tension. En
moyenne tension, 57% de la consommation totale est attribuée aux
abonnés du
régime général.
Après la privatisation de la SONEL, la consommation
d'électricité a augmenté en même
temps que les tarifs ; la figure ci-dessous retrace cette
évolution.
Figure 2.6 : Evolution des tarifs
(BT, MT et HT) et de la consommation totale.
Consommation en millers de kWh
80 4 000 000
70 3 500 000
60 3 000 000
50 2 500 000
Prix
40 2 000 000
30 1 500 000
20 1 000 000
10 500 000
- -
Années
Prix HT Prix moyens BT et MT Consommation totale
Source : L'auteur, à partir
des données de l'ARSEL.
On peut constater que la consommation totale
d'électricité s'est nettement accrue après la
privatisation, et a coïncidé avec l'augmentation des tarifs des
consommateurs des catégories basse tension et moyenne tension.
Cependant, les tarifs des abonnés de la catégorie haute
tension n'ont pas subit une augmentation significative, malgré que ces
derniers consomment plus de la moitié d'électricité
produite.
II. L'efficacité de la production à
l'AES-SONEL
L'un des objectifs de la privatisation de la SONEL
était d'améliorer l'efficacité de la production
d'électricité. Cette amélioration passe par
l'accroissement des investissements dans le secteur et par la
définition des critères d'efficacité par l'entreprise. Le
premier point
de ce paragraphe sera axé sur l'approche
méthodologique de la recherche de l'efficacité, et le
deuxième consistera à tester les critères permettant de
savoir si la production a été améliorée
ou pas.
II-1. Approche méthodologique
Avant de donner les critères de la mesure de
l'efficacité de la production, il est important de noter que la baisse
de la production observée après la privatisation est la
conséquence directe
de l'absence d'investissement dans le secteur de
l'électricité. En effet, la puissance totale
installée est passée de 316 MW en 1975/1976 à
757 MW en 1987/1988. Celle-ci repose sur trois aménagements
hydroélectriques (Edéa : 264 MW et Song Loulou :
384 MW dans la partie Sud du pays ; Lagdo : 72 MW dans la
partie Nord) et 42 centrales thermiques.
Au 30 juin 1988, La SONEL disposait d'un parc de
production thermique d'une puissance totale de 81 MW
exploitée comme centrale de secours dans les réseaux
interconnectés, et comme centrale de production dans les centres
isolés. En 2001, on a observé un relâchement
de l'augmentation de la puissance totale installée,
celle-ci n'est plus que de 843,5 MW.
On peut donc constater qu'entre 1975 et 1988, la puissance
totale a augmenté de 441 MW et qu'entre 1988 et 2001,
l'augmentation n'est plus que de 86,5 MW. Ceci est dû
à l'absence d'investissement dans le réseau. La
conséquence directe a donc été l'augmentation moins que
proportionnelle de la production par rapport au taux d'augmentation de la
demande. En effet, entre 1980 et 1990, la production est
passée de 1365 GWh à 2650 GWh,
soit une augmentation de 1285 GWh ; par contre, cette augmentation
n'est plus que de 824 GWh entre
1990 et 2001, soit une baisse de 461 GWh par rapport
à la première décennie.
Les problèmes décelés dans la
gestion de la SONEL, notamment la dégradation de sa structure
financière et le subventionnement des consommateurs de la
catégorie haute tension ; l'absence d'investissement dans le secteur et
la recherche de l'efficacité de la production ont conduit l'AES-SONEL
à définir deux principaux critères de mesure de
l'efficacité de la production, à savoir : les pertes
d'énergies et les énergies non fournies.
Les pertes d'énergies expriment la différence entre
les énergies produites (production totale)
et les énergies émises (part des énergies
produites acheminées vers les autres segments) ; alors que les
énergies non fournies sont exprimées par l'intensité des
délestages.
Selon ces deux critères, il y aura
amélioration de l'efficacité de la production si les
pertes
d'énergies et les énergies non fournies ont
été minimisées après la privatisation.
II-2. La mesure de l'efficacité de la production
à l'AES-SONEL
Le test consistera à observer les pertes d'énergies
et les énergies non fournies sur la période allant de 1991
à 2004, avec un accent particulier sur la période
après privatisation. Nous
allons à cet effet représenter sur une même
figure les courbes retraçant ces évolutions.
45,0
40,0
Pertes d'énergies
35,0
30,0
25,0
20,0
15,0
10,0
5,0
-
40,000
Energies non fournies
35,000
30,000
25,000
20,000
15,000
10,000
5,000
-
Années
Energies non fournies pertes d'énergies
Figure 2.7 : Evolution des pertes
d'énergies et des énergies non fournies de 1991 à
2004.
Source : L'auteur, à partir
des données de l'ARSEL.
La première observation est que les courbes
représentant les pertes d'énergies et les énergies non
fournies suivent la même évolution.
En observant la première, on constate que les pertes se
sont accentuées après la privatisation
et le pic a été atteint durant l'exercice
2002/2003. Elles sont évaluées à 39,6GWh environ,
et sont causées par la vétusté des équipements de
production qui ont à leur tour été à l'origine
de
la diminution du taux de disponibilité des principaux
barrages. Le tableau ci-dessous présente
ces taux dans les différentes centrales
(Edéa, Song Loulou et Lagdo), ainsi que les taux moyens de
disponibilité après la privatisation.
Tableau 2.2 : Evolution des taux de
disponibilité par centrale et des taux moyens après la
privatisation
Exercices
|
2001/2002
|
2002/2003
|
2003/2004
|
Centrales
|
Edéa
|
Song
Loulou
|
Lagdo
|
Edéa
|
Song
Loulou
|
Lagdo
|
Edéa
|
Song
Loulou
|
Lagdo
|
Taux de
disponibilité des centrales
|
79%
|
90,73%
|
95%
|
75%
|
87,31%
|
91,7%
|
82%
|
91%
|
94%
|
Taux moyens
de disponibilité
|
88,24%
|
84,67%
|
89%
|
Source : L'auteur, à partir
des données de l'ARSEL.
Ce tableau indique que le taux moyen de disponibilité des
centrales s'est accrû en 2003/2004
de 4,33%. Il était de 84,67% en 2002/2003 contre 89% pour
l'exercice suivant. Cependant, l'augmentation par rapport à l'exercice
2001/2002 est d'environ 0,76%.
En observant la figure 2.7, on constate que les pertes
d'énergies diminuent lors de l'exercice
2003/2004, grâce notamment aux révisions
effectuées dans lesdites centrales. Ce taux reste
légèrement inférieur à celui de l'exercice
2000/2001, qui s'élevait à 91,5%.
La courbe des énergies non fournies indique bien une
augmentation des délestages à partir de l'exercice 2001/2002,
avec un pic en 2002/2003. On observe par ailleurs que les énergies non
fournies ont augmenté à partir de 1994, période
à laquelle la SONEL était en crise. L'augmentation des
énergies non fournies est aussi due au matériel vétuste
qui ne permet pas une production efficace pouvant satisfaire la demande.
A partir de la réduction des énergies non
fournies observées en 2003/2004, l'on serait tenté de croire que
la seule conséquence de cette diminution est l'accroissement des
investissements dans le secteur en vue d'améliorer la production de
l'électricité. Cette réduction est aussi en partie due
au comportement des industries (consommateurs en moyenne tension). En
effet, celles-ci ont procéder à un réaménagement de
leur consommation en accentuant leur activité
en période hors pointe (de 23h à 6h) pour
bénéficier des tarifs plus bas. La période de pointe
(de 18h à 23h) étant caractérisée par
une élévation des coûts de production suite au recours
à
la source thermique pour suppléer la production
hydraulique
Bien que les énergies non fournies et les pertes
d'énergies aient été minimisées, lors de
l'exercice 2003/2004, on ne peut pas conclure à une efficacité de
la production au sens strict,
mais à une relative amélioration de
l'efficacité, dans la mesure où les valeurs des pertes
d'énergies et des énergies non fournies n'ont pas
encore atteint les niveaux enregistrés avant
la privatisation.
Au total, cette section consistait rapprocher les notions
de privatisation et d'efficacité, et à déterminer
s'il y a eu amélioration de l'efficacité de la production
à l'AES-SONEL ou pas.
Conclusion
Le problème posé par ce chapitre
était celui de l'efficacité de la production
d'électricité à l'AES-SONEL. L'on s'est aperçu
dans un premier temps que la privatisation devrait contribuer à
améliorer l'efficacité par le biais des investissements. En
second lieu, l'analyse
de l'offre a permis de distinguer les
différentes sources de production d'électricité :
l'hydraulique et le thermique. Afin de mesurer l'efficacité de la
production à l'AES-SONEL, deux principaux critères ont
été définis, à savoir les pertes
d'énergies et les énergies non fournies qui sont
caractérisées par l'intensité des délestages. La
mesure se faisant à partir de la
minimisation de chacun de ces critères a conduit à
une relative amélioration de l'efficacité.
|