S E C T I O N 2 : D E L A S O N E L A L ' A E S - S
O N E L
La Société Nationale d'Électricité du
Cameroun (SONEL), créée en mai 1974, a pour mission
la production, le transport et la distribution de
l'énergie électrique. Celle-ci a absorbé dès
juin
1974 les anciennes sociétés, Energie Electrique
du Cameroun (ENELCAM) et Electricité du Cameroun (EDC), et a repris les
activités de POWERCAM à partir du 1er décembre
1975. Les principaux problèmes décelés à la
SONEL (dégradation de la structure financière et
insuffisance des investissements) ont conduit à sa privatisation,
si bien qu'elle est devenue depuis le 18 juillet 2001, l'AES-SONEL.
La marche vers cette privatisation précèdera la
présentation de l'entreprise après la
privatisation.
I. Vers la privatisation de la SONEL
C'est à partir du 1er juin 1995 que l'Etat
camerounais à décider se désengager des entreprises
de services publics, à savoir : la SNEC, la CAMTEL et la
SONEL. La décision de privatiser cette dernière est intervenue en
octobre 1999. Les raisons de cette décision sont surtout liées
à
la structure financière de l'entreprise, et
aux insuffisances observées au niveau des investissements et
de la tarification.
I-1. La structure financière de la
SONEL
Au plan financier, l'analyse des bilans a permis de
constater que la situation financière de l'entreprise s'est
considérablement dégradée depuis 1994, si bien que
celle-ci était incapable d'honorer ses dettes (près de
21 milliards de FCFA de dettes échues et
impayées). Cette dégradation de la situation financière
s'explique par :
- Un contexte économique défavorable
(dévaluation, hausse des prix des combustibles, tarifs
préférentiels pour certaines sociétés) ;
- Des niveaux de tarifs quasiment inchangés
depuis dix ans malgré la dévaluation du FCFA,
résultant en une diminution des tarifs constants qui à ce jour
sont relativement bas ;
- Des investissements d'électrification rurale
importants pour les quels la SONEL ne reçoit pas de subvention
de l'Etat : ces investissements étaient estimés par l'AFD
à
7 milliards de FCFA en 1996/1997 ;
- Un taux de facturation faible (pertes techniques et non
techniques) : le rendement de distribution (rapport entre l'énergie
distribuée et l'énergie facturée) est estimé
à 70% ;
- Un taux de recouvrement faible, en particulier
auprès des communes et des administrations : En 1996, le
taux de recouvrement des créances hors abonnés publiques
et haute tension était estimé à 76%. Au 30 juin
1997, les créances communes étaient estimées à
près de 6,2 milliards de FCFA, les créances Etat
à près
de 7,3 milliards de FCFA, les créances
SNEC et CRTV à près de 4 milliards et
1 milliard de FCFA respectivement.
Dans le but d'améliorer cette situation
financière, il s'est imposé une restructuration de
l'entreprise. Les principaux éléments de cette
restructuration étaient : une augmentation du capital, le
remboursement des arriérés et un rééchelonnement de
la dette. Il s'est aussi imposé une amélioration de la
gestion, en particulier du rendement de distribution, du taux de
recouvrement et d'une augmentation des tarifs.
I-2. Les insuffisances de la SONEL
Les insuffisances de la SONEL ont été le plus
observées au niveau des investissements et au niveau des tarifs
appliqués à la clientèle.
I-2-1. Au niveau des investissements
Les retards d'investissements accumulés dans le secteur
de l'électricité ont été la cause des insuffisances
des moyens de production. En effet, depuis 1981, année de mise en
service de la centrale de Song Loulou, le secteur n'a plus
bénéficié des équipements de production viables
dans son réseau interconnecté Sud. Ce qui correspond à
deux décennies sans investissement véritable dans un secteur
aussi stratégique.
Il était donc impératif pour la SONEL de
procéder à des investissements de réhabilitation et
de renouvellement estimés environ à 45
milliards de FCFA pour le barrage d'Edéa et 30
milliards de FCFA pour le barrage de Song Loulou
I-2-2. Au niveau des tarifs appliqués à
la clientèle
Une autre insuffisance majeure de la SONEL s'est faite
ressentir au niveau de la gestion de sa clientèle. L'analyse comparative
des tarifs montre que de 1978/1979 à 1987/1988, les tarifs
appliqués au client ALUCAM ont augmenté de 10,75% par
an, tandis que les charges de production hydraulique ont cru à
un rythme annuel de 22,79%. Par ailleurs, cette société
consomme plus de 52% de la production en 1987/1988, mais ne
génère que 10% des recettes
de la SONEL.
Durant l'exercice 1987/1988, le coût moyen de
production de la SONEL à Edéa était de l'ordre de
12FCFA, mais le prix moyen du kWh offert à ALUCAM était
de 3,96FCFA. En
1997, le prix moyen du kWh offert à cette
dernière était de 6,5FCFA. Il s'en suit donc que les
clients basse tension subventionnent ALUCAM ; ce qui ne permettait pas
d'équilibrer les finances de la SONEL, étant donné
que cette dernière consomme plus de la moitié de la
production totale.
Toutes ces défaillances ont conduit à la
privatisation de la SONEL, mais la question qui s'est posée était
de savoir s'il fallait la privatiser par augmentation du capital ou par vente
d'actions
détenues par l'Etat. La première solution a donc
été choisie.
II. La SONEL après la privatisation
Ce paragraphe consistera à présenter les
obligations générales de l'AES-SONEL et ses principales
innovations.
II-1. Les obligations générales de
l'AES-SONEL
Dans le but de remplir le cahier de charges, l'AES-SONEL devra
respecter le principe de non- discrimination dans ses rapports avec tous ses
clients et ses fournisseurs d'énergie. Elle pourra prévoir des
tarifs, ou des conditions de service différents pour des
catégories différentes de fournisseurs ou de clients, à la
condition de :
i) Définir de manière objective les
catégories concernées sur la base notamment des
critères suivants : puissance souscrite par l'abonné,
tension sous laquelle l'énergie électrique est fournie,
modes d'utilisations de ladite puissance au cours de l'année,
conditions du raccordement de l'abonné et conditions
économiques du marché pertinent.
ii) Rendre publique par tout moyen approprié et
de tenir à la disposition de toute personne en faisant la demande,
la liste des catégories définies et des différentes
conditions tarifaires ou de service qu'elle opère entre ces
catégories.
En outre, la société limitera la fréquence
et la durée des interruptions de service éventuelles à
ce qui est strictement nécessaire à la
maintenance de ses installations et au maintien de la
sécurité des personnes et des biens. Elle devra aussi assurer la
protection de ses actifs, ainsi que de ceux dont elle aura la jouissance ;
l'entretien de ses installations et de celles mises à sa disposition, la
conduite de ses travaux ou interventions et plus généralement
l'exploitation des parties du secteur de l'électricité dont elle
est chargée.
L'AES-SONEL est aussi tenue de remettre en état, et
à ses frais, toute voie de communication affectée par les travaux
effectués dans le cadre de ses activités. Elle est
également tenue de rétablir et d'assurer à ses frais le
libre écoulement des eaux naturelles ou artificielles dont le cours
serait modifié par les travaux, à l'exception des eaux
qui seront stockées dans les ouvrages de retenue ou de production
hydroélectrique.
Afin que l'objectif d'amélioration de la
qualité du service fourni soit atteint, il est
recommandé à l'AES-SONEL de respecter les standards de
qualité du courant électrique, ainsi que toutes normes en
vigueur sur le territoire national. La société
réalisera un effort
continu en vue de faire bénéficier le secteur de
l'électricité de progrès techniques permettant
de limiter le coût des prestations ou d'en
améliorer la qualité, et contribuera aussi à
l'électrification des zones non desservies.
Par ailleurs, l'entreprise exploitera les parties du secteur
de l'électricité dont elle a la charge, dans le respect des
règles régissant la protection de l'environnement ;
s'efforcera tout particulièrement de se conformer aux
règles, directives et recommandations relatives à la
protection de l'environnement résultant des conventions internationales
auxquelles l'État est partie, ou des standards internationaux en
vigueur.
II-2. Les principales innovations de
l'AES-SONEL
Celles-ci sont constituées de la configuration de la
clientèle et de la nouvelle grille tarifaire.
II-2-1. La configuration de la
clientèle
Cette nouvelle configuration a été
appliquée aux consommateurs en basse tension et en moyenne
tension.
Les consommateurs la catégorie basse tension sont
segmentés selon trois types d'usages : usage domestique
(UD), lorsque l'électricité est utilisée à
des fins exclusivement domestiques (éclairage,
électro-ménager, etc) ; usage professionnel (UP),
lorsque l'électricité est utilisée exclusivement pour
des activités commerciales, artisanales, et de service, toutes
branches confondues (pharmacie, moulin à écraser, restaurant,
débits de boissons, ...), ou lorsque les activités ci-dessus
sont couplées aux usages domestiques. Le troisième type
d'usage est l'éclairage public (EP), qui est
utilisé exclusivement par les communes, de 18h30 à 6h00,
dans le cadre de l'éclairage des voies publiques.
Les consommateurs de la catégorie moyenne tension sont
segmentés en deux sous groupes :
les abonnés du régime général
(RG) et les abonnés du régime des zones et
points francs industriels (RZPFI). Ce sont les industries
extractives, manufacturières, de bâtiments et travaux publics,
d'eau et d'électricité.
II-2-2. La nouvelle grille tarifaire
Les objectifs poursuivis par cette réforme sont
i) L'efficacité économique à travers la
structure et le niveau des coûts ;
ii) L'accroissement des recettes de l'entreprise,
compatibles avec les augmentations
contractuelles1 pour financer le développement
du secteur et assurer la rentabilité de l'entreprise ;
iii) La rationalisation du comportement énergétique
des consommateurs.
Avant la privatisation, la structure des tarifs
était complexe : 24 prix étaient appliqués en
moyenne tension; en basse tension, les prix dépendaient
déjà des usages.
L'innovation dans cette nouvelle grille tarifaire est
l'introduction de la saisonnalité : une saison sèche
(1er janvier au 30 juin) et une Saison humide (1er
juillet au 31 décembre). Il s'agira de présenter dans
ce paragraphe, les grilles tarifaires des consommateurs
d'électricité
en basse tension et moyenne tension.
La basse tension
Avant la privatisation de la SONEL, les prix de vente dans
cette catégorie étaient de 50FCFA pour une consommation
inférieure ou égale à 90 kWh et 58,15FCFA
au-delà des 90kWh. La segmentation des consommateurs
telle que présentée ci-dessus a conduit aux
différentes grilles ci-après.
Usage domestique
La grille tarifaire pour ces consommateurs est la suivante :
Tableau 1.2 : Grille tarifaire
basse tension, abonnés domestiques.
Structure tarifaire
|
Tarifs en FCFA/kWh
|
Usage domestique
|
Consommations
mensuelles (en kWh)
|
Saison humide
(1er juillet au 31
décembre)
|
Saison sèche
(1er janvier au 30
juin)
|
Tarif social
|
<= 50
|
50,00
|
50,00
|
Tarif modéré
|
[51 ; 200]
|
60,00
|
67,00
|
Tarif normal
|
> 200
|
65,00
|
75,00
|
Source : AES-SONEL.
Ce tableau présente trois types de tarifs : un tarif
social pour des consommations inférieures à
50kWh ; un tarif modéré pour les
consommations comprises entre 51 et 200kWh et un tarif
normal pour des consommations supérieures à 200kWh.
1 Dans le cadre de la nouvelle concession, il a
été envisagé quatre augmentations successives des tarifs
Basse tension et Moyenne tension au cours des quatre premiers exercices suivant
la privatisation: 5% en année 1, et
7.65% pour les années 2, 3 et 4.
Usage professionnel
Le tarif appliqué à ce segment se compose de deux
termes : un terme fixe appelé prime fixe mensuelle et un terme
proportionnel au niveau de consommation et de la durée d'utilisation
de la puissance souscrite. La grille tarifaire est la suivante
:
Tableau 1.3 : Grille tarifaire
basse tension, abonnés professionnels.
Structure tarifaire
|
Prime fixe
mensuelle (FCFA/kVA de puissance souscrite)
|
Tarifs en FCFA/kWh
|
Usage professionnel
|
Consommations mensuelles (kWh)
|
Saison humide
er
(1 juillet au 31
décembre)
|
Saison sèche
(1er janvier au 30
juin)
|
1ère tranche
|
<=180 par kVA de
puissance souscrite
|
2000
|
63,00
|
68,00
|
2e tranche
|
>180 par kVA de
puissance souscrite
|
2000
|
55,00
|
60,00
|
Source : AES-SONEL.
Ce tableau indique que le terme fixe est de 2000FCFA, et
que le prix de vente est fonction de
la puissance souscrite par l'abonné et de sa consommation
mensuelle. Le montant total de la prime fixe mensuelle à payer est
proportionnel à la puissance souscrite lors de l'abonnement ;
si celle-ci est de 2,2 kVA (kilo Volt Ampère), ce
montant sera de 4400 FCFA (2000*2,2).
Eclairage public
Tableau 1.4 : Grille tarifaire
basse tension, éclairage public.
|
Tarifs en FCFA/kWh
|
Type de saison
|
Saison humide
(1er juillet au 31 décembre)
|
Saison sèche
(1er janvier au 30 juin)
|
Éclairage public
|
40,00
|
46,50
|
Source : AES-SONEL.
On constate que les prix de vente de l'électricité
aux communes sont de 40FCFA en saison humide et 46,5FCFA en
saison sèche.
La moyenne tension
Les abonnés de cette catégorie étaient
répartis par tranche horaire et par période avant la
privatisation. Après la privatisation, les grilles tarifaires
correspondant aux deux segments
définis ci-dessus sont les suivantes :
Tableau 1.5 : Grille tarifaire
moyenne tension, régime général.
Structure tarifaire
|
Prime fixe
mensuelle (FCFA/kVA de puissance souscrite
|
Tarifs en FCFA/kWh
|
Tranche horaire
|
Période
|
Saison humide (1er juillet au 31
décembre)
|
Saison sèche
(1er janvier au 30
juin)
|
<=200 heures
|
Pointe
|
2500
|
54,00
|
67,50
|
Hors pointe
|
43,00
|
53,75
|
>200 heures
|
Pointe
|
4200
|
49,00
|
61,25
|
Hors pointe
|
40,00
|
50,00
|
Source : AES-SONEL.
Tableau 1.6 : Grille tarifaire
moyenne tension, régime des zones et points francs industriels.
Structure tarifaire
|
Prime fixe
mensuelle (FCFA/kVA de puissance souscrite)
|
Tarifs en FCFA/kWh
|
Tranche horaire
|
période
|
Saison humide (1er juillet au 31
décembre)
|
Saison sèche
(1er janvier au 30
juin)
|
<= 200 heures
|
Pointe
|
2500
|
35,00
|
43,75
|
Hors pointe
|
30,00
|
37,50
|
>200heures
|
Pointe
|
4200
|
32,00
|
40,00
|
Hors pointe
|
25,00
|
31,25
|
Source : AES-SONEL.
Ces tableaux montrent que les tranches horaires et les termes
fixes sont les mêmes dans les deux segments. Par ailleurs, les
tarifs varient dépendamment de la période de la
journée : heures de pointe (de 18h à 23h) et hors pointe (de 23h
à 6h).
Cette section a présenté la marche de la SONEL
vers la privatisation à partir de sa structure financière et de
ses insuffisances ; et la SONEL après la privatisation. Ce dernier point
à fait ressortir les obligations générales de l'AES-SONEL
et ses principales innovations.
Conclusion
L'objectif de ce chapitre était de
présenter les fondements théoriques des politiques de
privatisation (approches microéconomique et macroéconomique),
la mise en oeuvre de la privatisation au Cameroun et le passage de la
SONEL à l'AES-SONEL. Le premier point du chapitre a permis de
s'apercevoir que le Cameroun compte à ce jour dix-huit
entreprises privatisées sur les 171 qui ont été mises en
examen. Le second point à quant à lui montré que
la dégradation de la structure financière
de la SONEL à partir de 1994, l'absence
d'investissements et les tarifs appliqués aux
différents consommateurs sont les principales
causes de la privatisation de cette société.
Celle-ci a donc été conduite à configurer la
clientèle
et d'appliquer aux consommateurs en basse tension et en moyenne
tension, une nouvelle grille tarifaire qui tient compte des usages et des
saisons. Le chapitre suivant traitera de l'efficacité
de la production d'électricité à
l'AES-SONEL.
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