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L'exception de copie privée face aux dispositifs techniques de protection des oeuvres

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par Marjorie PONTOISE
Université Lille II - Master 2 pro Droit du cyberespace (NTIC) 2005
  

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Section 2. DE L'INTEROPÉRABILITÉ À L'EXISTENCE DE « VERROUS NUMÉRIQUES »

La généralisation des moyens techniques de protection des oeuvres suscite de nombreuses contestations par les associations de consommateurs mais pas uniquement : en effet certains producteurs utilisant ces moyens découvrent qu'ils ne sont parfois pas compatibles entre eux, ce qui peut poser des problèmes pour la diffusion auprès du public. En l'absence de format standard, les grands groupes industriels qui contrôlent les mesures techniques de protection se voient assurer une réelle suprématie. Une oeuvre téléchargée sur un site payant ne sera pas lisible par le baladeur numérique qui ne reconnaît pas son format. Autrement dit, pour profiter de son baladeur, il faut nécessairement télécharger des oeuvres sur le site proposé par le fabricant dudit appareil. Les difficultés rencontrées pour assurer l'interopérabilité des formats relèvent bien les limites de la régulation technique (1) : « ces systèmes ont pour conséquence de produire des logiques commerciales propriétaires, dans lesquelles les consommateurs sont enfermés 208(*)». Pour pallier à la diversité des formats, une solution avait été proposé par le législateur pour garantir l'interopérabilité (qui garantie elle-même l'exception de copie privée), malheureusement ce projet innovant n'a jamais vu le jour : le Conseil Constitutionnel s'étant prononcé récemment sur son inconstitutionnalité. Cette position bouleverse non seulement le monde numérique et les possibilités d'échanges, mais par ricochet celle-ci a aussi une incidence sur la prise en compte des peines en courues (2).

1. L'interopérabilité des formats : une faveur éphémère accordée aux utilisateurs

Les articles L. 331-5 et suivants du Code de la propriété intellectuelle fixent le cadre juridique des mesures techniques de protection, le texte essayant d'atteindre un équilibre entre les intérêts contradictoires de l'industrie culturelle et ceux des consommateurs. Il s'agit selon la loi d'assurer « l'interopérabilité ». Les mesures techniques de protection doivent être compatibles avec les systèmes de lecture des oeuvres (a). En pratique, une oeuvre couverte par un « verrou » doit être accessible par les systèmes de lecture qui le souhaitent. C'est alors la seule alternative qui s'offre aux utilisateurs pour « forcer » la protection de mesures techniques et parvenir à lire le contenu de l'oeuvre quelqu'en soit la provenance (b).

a) L'accessibilité à l'oeuvre passe par l'interopérabilité des formats propriétaires

L'interopérabilité est la seule solution pour les utilisateurs de prendre connaissance de l'oeuvre quand celle-ci est soumise à une mesure de protection qui n'est pas reconnue comme compatible avec un format propriétaire différent.

Nous pouvons rappeler, pour exemple, une décision du Conseil de la Concurrence en date du 9 novembre 2004209(*) : la société VirginMega210(*), qui gère une plate-forme de musique en ligne active sur le seul territoire français, avait saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en oeuvre par la société Apple211(*) Computer France. En effet il s'avérait que les consommateurs qui téléchargeaient des titres musicaux sur la plate-forme VirginMega ne pouvaient pas les transférer directement sur les baladeurs numériques iPod, fabriqués et commercialisés par Apple. L'impossibilité de transfert direct provenait de l'incompatibilité des DRM utilisés par la plate-forme VirginMega et les baladeurs iPod. VirginMega utilise le DRM de Microsoft, tandis que le seul DRM compatible avec l'iPod est le DRM propriétaire d'Apple, FairPlay212(*).

VirginMega a dans un premier temps demandé, une licence à Apple, contre le paiement d'une redevance, de manière à avoir accès à FairPlay et s'est vue opposer un refus. La plaignante, considérant que ce refus d'accès constituait un abus de position dominante d'Apple, avait donc saisi le conseil de la concurrence. En effet selon la société VirginMega, Apple détiendrait avec son baladeur iPod et sa plate-forme iTunes Music Store une position dominante sur le marché téléchargement payant de musique sur Internet

Outre la reconnaissance de l'abus de position dominante, la plaignante souhaitait voir la société Apple enjointe d'« accorder à toute entreprise qui en ferait la demande, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et dans des conditions économiques équitables et non discriminatoires, un accès direct à tous les éléments permettant le téléchargement et le transfert des fichiers musicaux notamment sur lecteur iPod, tels que les formats et son logiciel DRM de gestion des droits numériques ou « digital rights management» FairPlay, avec la documentation technique associée permettant à l'homme de l'art d'exploiter les systèmes et de gérer les droits pour ledit téléchargement ».

Le conseil de la concurrence a retenu, selon les jurisprudences communautaires antérieures, que le caractère indispensable ou non de l'accès à FairPlay pour le développement des plates-formes payantes de téléchargement de musique en ligne devait être apprécié au regard des trois éléments :

- les usages actuels de la musique téléchargée,

- les éventuelles possibilités de contournement par les consommateurs

- et l'évolution de l'offre de baladeurs numériques.

« Sur le 1er point il a été jugé par le conseil que le transfert sur baladeur numérique n'est pas un usage actuel prépondérant. Sur le second point le conseil a retenu que le contournement de la protection est possible légalement et aisément permettant ainsi de télécharger tout de même la musique sur les baladeurs en question. Enfin pour le 3ème point le Conseil a remarqué que l'offre en matière de baladeurs numériques évolue de plus en plus vers des baladeurs compatibles multi formats et notamment avec les formats de Virgin qui sont disponibles en France. Par conséquent la saisine opérée par la société VirginMega a été rejetée ».

L'enjeu des mesures de protection est de pouvoir faire émerger des normes standard, même si ces normes n'ont aucun caractère obligatoire, la majorité des acteurs qui les utilisent les rendent « presque obligatoires ». En effet un produit qui ne serait pas compatible avec elles, aurait des difficultés à se développer sur un marché donné. L'ensemble des contenus produits et distribués doit être lisible par les utilisateurs, c'est-à-dire que ceux-ci doivent être stockés, distribués ou diffusés dans un format qui puisse être reconnu par l'ensemble des lecteurs vendus dans le commerce indépendamment de leur provenance213(*).

* 208 B. Du Marais, « Régulation de l'Internet : des faux-semblants au retour à la réalité », Revue F. d'administration publique 2004, n°109, p.83.

* 209 Décision du Conseil de la Concurrence n° 04-D-54 du 9 novembre 2004 relative à des pratiques mises en oeuvre par la société Apple Computer, Inc. dans les secteurs du téléchargement de musique sur Internet et des baladeurs numériques.

* 210 http://www.virginmega.fr/

* 211 http://www.apple.com/

* 212 Il s'agit d'un format destiné à assurer la gestion numérique des droits (DRM) pour les morceaux vendus sur iTunes Music Store et installé également dans les baladeurs iPod ( http://www.apple.com/lu/support/itunes/authorization.html).

* 213 Si les techniques de cryptologie sont nécessaires à la gestion numérique des contenus, cela ne peut pas se faire sans un langage approprié. Cela implique en ce domaine une convergence de l'ensemble des acteurs vers un langage commun. A l'heure actuelle, il n'y a pas encore de standards ; en revanche, on peut d'ores et déjà indiquer que les standards ont une base commune, le métalangage XrML déjà utilisé et adopté dans l'industrie. Cette question est déterminante dans la mesure où, la description des droits « détermine aussi bien la nature originaire des droits de propriété littéraire et artistique que la place et la fonction des acteurs respectifs, et l'ensemble des modes d'utilisations des oeuvres, autrement dit les stratégies commerciales présentes et futures ».

L'intérêt majeur du langage, est qu'il s'agit d'un langage dit de description des droits permettant par là même de mettre en place contractuellement des documents ayant vocation à définir précisément « les conditions juridiques d'exploitation et d'utilisation de certaines oeuvres par certaines personnes sous certaines conditions (...) : Un système de gestion numérique des droits associe donc un langage de description de l'information sur les droits avec des mesures de protections techniques visant à contrôler le respect du contrat ».

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