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L'objectif de ce chapitre est d'analyser quelles sont les principales caractéristiques, du point de vue
démographique et économique de l'agglomération d'aujourd'hui et de les comparer avec la situation
de 1976. Il s'agira ensuite, de comprendre quelle a été l'évolution de son emprise spatiale, au cours
des vingt dernières années, puis de confronter l'ampleur de la ségrégation sociale actuelle avec celle
constatée auparavant. Par ailleurs, la métropole d'aujourd'hui, est-elle le reflet des prévisions du
Plan de Développement Urbain ? Les pouvoirs publics ont-ils su suivre ses directives ? Existe-t-il
des décalages ? Si oui, dans quelles proportions ?
L'utilisation des données du recensement de 1992 s'avère très utile dans la mesure où ce
recensement a été élaboré, grosso modo, selon les mêmes concepts que le précédent de 1976. C'est-
à-dire à l'aide d'une cartographie détaillée divisant le territoire urbain de manière précise en zones
auxquelles est associé un ensemble de données statistiques du type santé, scolarité, emploi,
habitat... Ceci autorise une comparaison avec la cartographie de 1976 bien qu'il faille nuancer, étant
donné que le zonage a été modifié.
Avant tout, il est important de noter que le recensement de 1992 a permis de constater un fait
important dans l'histoire de l'évolution urbaine en Bolivie. En effet la population urbaine (vivant
dans des centres de plus de 2000 habitants, selon l'INE) est devenue majoritaire en Bolivie
puisqu'elle représente 58% de la population totale nationale en 1992 contre 42% en 1976.
Toutefois, ce chiffe reste bien faible en regard des taux d'urbanisation des pays voisins (Argentine,
Chili 85% ; Brésil 75% ; Pérou 71 %) (Roux, 1997). Seul le Paraguay compte encore une
population rurale majoritaire (52%).
En 1992, dans le département de La Paz, 63% de la population vit en ville contre 48% en 1976 ce
qui le place comme étant l'un des départements les plus urbanisés de Bolivie.
De même, l'agglomération pacénienne demeure par son poids démographique, la ville la plus
importante du pays. Cependant, bien que sa part dans la population nationale ait augmenté (17,42%
en 1992 contre 13,77% en 1976), elle tend à perdre sa suprématie par rapport à Santa Cruz dans
l'Orient bolivien. Cette dernière rassemblait en 1976 seulement 5,5% de la population du pays mais
10,8% en 1992 avec 697 278 habitants. L'indice de suprématie était proche de 2,5 en 1976 mais il
n'est plus que de 1,5 en 1992. Santa Cruz a connu une croissance démographique (6,42% par an
entre 1976 et 1992) supérieure à celle de l'agglomération pacénienne. Certains la qualifient de
« ville-champignon ».
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Par ailleurs, en 1985, El Alto est reconnue pour la première fois comme une entité séparée de La
Paz, et est déclarée capitale de la IVème section municipale de La Paz (Baby V.). Ce n'est
cependant que les lois 651 et 1014 du 20 et 26 septembre 1988 qui érigent El Alto au rang de
municipalité autonome dans sa gestion administrative. La ville dispose dès lors d'une mairie
(Honorable Alcaldía Municipal de El Alto) qui se trouve vite confrontée à de nombreux problèmes.
L'imprécision de sa délimitation territoriale, la difficulté de mise à jour de son cadastre sans cesse
modifié (du fait de sa croissance démographique élevée) en sont quelques exemples. La situation
reste ambiguë, car cette autonomie administrative n'est pas accompagnée d'une autonomie
financière. Cette dernière, depuis la loi des municipalités de 1985, n'est réservée qu'aux villes
capitales de département qui, en l'occurrence, reste La Paz (Baby V.).
Néanmoins, la loi 1551 du 20 avril 1994 instaure le nouveau concept de participation populaire
(Ley de Participacion Popular). Cette loi vise à donner une plus large autonomie aux départements,
aux provinces et aux municipalités. Elle est basée sur une redéfinition des limites administratives
nationales, afin d'amorcer une décentralisation des administrations et de la gestion nationale,
excessivement concentrées dans la ville de La Paz. Cette loi ne va pas sans poser problème, plus
particulièrement en ce qui concerne les juridictions et l'attribution des fonctions. Mais dans le cas
de la ville de El Alto elle met en place une plus grande marge de manoeuvre puisque la
municipalité alténienne s'est vue attribuer l'autonomie budgétaire et la gestion des services publics
tels que l'Education et la Santé.
La séparation des deux municipalités, à l'origine de polémiques, semble donc bien être définitive et
renforce la séparation originelle matérialisée par le talus qui lie le rebord de l'Altiplano à la Cuenca.
André Franqueville dans un chapitre intitulé « Villes et réseau urbain de Bolivie » présenté dans les
Cahiers d'Outre-mer commentait en 1990 :
« Parler de deux villes jumelles est un euphémisme, mieux vaudrait parler d'une ville de plus de 1
million d'habitants totalement disloquée, et le point de vue selon lequel la création d'une
municipalité autonome, mais (jusqu'alors) sans ressources, sur El Alto, ne fut pas pour La Paz
qu'une façon élégante de se débarrasser d'un problème économique et social gênant, n'est pas dénué
de tout fondement ».
De même, un article du 11 décembre 1992 d'un quotidien pacénien, El Diario, critiquait: « ...El Alto,
à présent dispose de l'autonomie de gestion faussant totalement l'écosystème et générant des
divisions et un faux régionalisme préjudiciable au développement harmonique de la région » (p19
du mémoire de A.-C. Madelin, 1997).
L'étude comparée des caractéristiques respectives de chacune des deux municipalités s'avère
nécessaire si l'on veut aborder et comprendre de manière globale les principales composantes de
l'agglomération d'aujourd'hui.
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