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Florent Demoraes juin 1998
ETUDE DE L'EVOLUTION DE L'AGGLOMERATION
DE LA PAZ-EL ALTO DEPUIS LES VINGT DERNIERES
ANNEES, COMPTE TENU DES CONTRAINTES
ENVIRONNEMENTALES DU SITE.
Une péjoration des conditions d'urbanisation ?
Une base de référence: le Plan de Développement Urbain de la Ville de La Paz (1976- 77).
Mémoire de maîtrise de Géographie réalisé sous la direction de Monsieur Robert D'Ercole
2
L'objet de cette maîtrise de géographie préparée lors d'un stage de 6 mois à la Universidad Mayor
San Andrés à La Paz, est multiple. Il s'agit tout d'abord de montrer les grandes tendances de
l'évolution de l'agglomération de La Paz et El Alto qui s'est déroulée dans un cadre fragile et érosif
au cours des 20 dernières années. La situation au milieu de la décennie 1970 est connue en détail
notamment grâce au diagnostic qui avait été établi à l'époque dans le cadre de l'élaboration du
schéma directeur de la ville par la Mairie de La Paz en partenariat avec le BRGM. Il s'agit ensuite
de mettre en évidence les décalages en terme d'expansion et de répartition de la croissance urbaine
par rapport aux recommandations formulées dans le plan de 1976. Enfin, et surtout il s'agit de faire
ressortir les implications des décalages notamment l'augmentation des situations à risque.
Je tiens à remercier plus particulièrement les personnes suivantes pour m'avoir aidé dans la
réalisation de ce mémoire de maîtrise :
Robert D'Ercole, Maître de Conférences à l'Université de Savoie- Technolac, mon directeur de
maîtrise,
Philippe Masure, chercheur au Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) de Savoie-
Technolac,
Jean Claude Roux, chercheur de l'Orstom de Montpellier,
Bertha Gozálvez Kreuzer, architecte et enseignante en géographie à l'Université Mayor de San
Andrés (UMSA), La Paz,
Jaime R. Guerra Fernandois, ingénieur et enseignant en géographie à l'Université Mayor de San
Andrés,
Hugo Zapata, directeur de la Faculté des Sciences Géologiques de l'UMSA, (Decano de la Facultad
Ciencias Geológicas)
Jorge Córdova, directeur adjoint de la Faculté des Sciences Géologiques de l'UMSA (vice-decano
de la Facultad Ciencias Geologicas)
Reynaldo Oroz Echain, directeur de l'Institut de Géographie de l'UMSA (Jefe de la Carrera de
Ingeniería Geográfica)
Daniel Dory, directeur du Service à l'Aménagement du Territoire à La Paz (Direccion General de
Ordenamiento Teritorial)
Ismael González, ingénieur du Service à l'Aménagement du Territoire, (Direccion General de
Ordenamiento Teritorial),
Jaime Tinini, Rodriguo Célada, et monsieur Guzmán, ingénieurs du Service de la Cuenca de la
Mairie de La Paz (Direccion de Cuenca-Honorable Alcaldía Municipal de La Paz),
Jaime Ayala et Sara Rivas, architectes et enseignants à l'UMSA,
le personnel de l'Orstom de La Paz,
le Service des Bourses du Conseil Régional de Rhône-Alpes,
Anne-Catherine Madelin, Virginie Baby, Susanne Dieckmann et les étudiants de l'UMSA, Nelson,
Luis, Mauricio, Pati, Milenka, Carlos
mes parents.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION..............................................................................................................................8
I/ PRESENTATION GENERALE DE L'AGGLOMERATION DE LA PAZ-EL ALTO EN 1976
ET DESCRIPTION DU CADRE PHYSIQUE ENVIRONNANT : L'IDEE D'ELABORATION
D'UN PLAN DE DEVELOPPEMENT URBAIN.............................................................................12
A/ La situation de 1976 selon l'avant-dernier recensement : caractéristiques chiffrées et analyse
cartographique..............................................................................................................................12
1/ Un ensemble urbain connaissant une croissance démographique et une immigration
galopantes depuis les années 50, qui laisse présumer un développement futur exponentiel.....12
2/ Caractéristiques du tissu urbain en 1976 et représentation cartographique...........................14
3/ Les principales fonctions de l'agglomération en 1976...........................................................16
B/ Un site confiné et hétérogène soumis à une érosion active : les prémices d'une évolution
future problématique et toujours plus ségrégative.........................................................................19
1/ Un site contraignant sensible à l'érosion : de fortes pentes et des formations édaphiques
majoritairement meubles...........................................................................................................19
2/ Topographie, altitude et variabilité des conditions climatiques: trois éléments
environnementaux à l'origine d'une ségrégation sociale au sein de la ville...............................22
3/ Une combinaison de facteurs physiques et de facteurs humains à l'origine de situations à
risque (figure 15).......................................................................................................................25
C/ ...d'où l'idée d'élaborer un plan de développement urbain........................................................29
1/ Un contexte de stabilité politique et économique favorable..................................................29
2/ Une volonté d'évaluer les contraintes et les potentialités du milieu naturel afin de réaliser un
outil de référence innovateur en matière de planification urbaine.............................................29
II/ EVOLUTION ET SITUATION ACTUELLE DE L'AGGLOMERATION : DES DECALAGES
PAR RAPPORT AUX PREVISIONS DE 1976?..............................................................................36
A/ Une agglomération, deux municipalités : le nouveau visage de la métropole d'aujourd'hui....36
1/ Un contexte différent.............................................................................................................36
2/ Un poids démographique accru.............................................................................................38
3/...qui s'explique par une immigration soutenue......................................................................39
54/ ...et par un taux d'accroissement naturel élevé......................................................................39
B/ Une économie davantage tertiarisée et dont les composantes diffèrent entre La Paz et El Alto......................................................................................................................................................41
1/ Evolution de la répartition de la population active par types d'activités en 1976 et 1992.....41
2/ La Paz aujourd'hui : une ville de services..............................................................................42
3/ Le cas de El Alto: un secteur secondaire encore important et une économie parallèle très
développée................................................................................................................................44
C/ Extension urbaine et densification accrues ; les répercussions sur le foncier...........................46
1/ Physionomie urbaine actuelle et carte du recensement de 1992...........................................46
2/ Evolution des densités et analyse cartographique comparative.............................................48
3/ Les répercussions sur les prix du foncier...............................................................................52
D/ Une ségrégation sociale très nette dans l'espace : la confirmation des tendances antérieures.55
1/ Une séparation des classes sociales accrue très visible dans le paysage urbain....................55
2/ Un taux d'équipement en services élémentaires très variable: l'exemple de la desserte en
eau: une péjoration de la situation de 1976 ?.............................................................................59
E/ Les décalages par rapport aux directives du Plan de desarrollo Urbano de 1976 : constats et
explications :.................................................................................................................................62
1/ Exemple de décalages............................................................................................................62
2/ Les explications envisagées...................................................................................................65
III/ UNE VULNERABILITE ACCRUE PAR RAPPORT A 1976 : ANALYSE DU PROCESSUS
ET SOLUTIONS ENVISAGEABLES..............................................................................................68
A/ Une urbanisation accrue dans un milieu physique originellement contraignant et de plus en
plus fragilisé par l'homme: l'étude des versants de la Cuenca :.....................................................69
1/ Des versants de plus en plus urbanisés malgré des conditions défavorables aux
implantations humaines.............................................................................................................69
2/ L'impact anthropique sur les versants: une augmentation de la vulnérabilité des biens et des
personnes..................................................................................................................................73
3/ Bilan......................................................................................................................................78
B/ L'urbanisation des fonds de vallée dans la Zona Sur : un risque d'inondation très présent :
l'exemple du bassin versant du Rio Achumani:.............................................................................80
61/ Aperçu général.......................................................................................................................80
2/ L'exemple des quartiers résidentiels implantés dans le lit majeur du Rio Achumani...........83
C/ La recherche de solutions..........................................................................................................94
1/ Les collaborations Mairie-Organismes boliviens-Organismes étrangers..............................94
2/ Les actions entreprises et/ou projetées..................................................................................94
3/ La Loi de Participation Populaire : une amélioration envisageable pour la gestion des
risques ?....................................................................................................................................99
CONCLUSION...............................................................................................................................102
ANNEXES......................................................................................................................................104
GLOSSAIRE..............................................................................................................................105
LISTE DES ABREVIATIONS...................................................................................................106
ADRESSES UTILES...................................................................................................................108
BIBLIOGRAPHIE......................................................................................................................110
LISTE DES FIGURES................................................................................................................118
7
L'étude de l'évolution de l'agglomération de La Paz-El Alto compte tenu des contraintes
environnementales de son site, est un sujet qui illustre la relation existante entre l'homme et son
milieu et qui associe aussi bien la géographie humaine que la géographie physique. Cette double
analyse s'avère nécessaire pour aborder l'ensemble des facteurs intimement liés qui ont influencé le
développement de cette métropole.
Depuis sa fondation en 1548 par le capitaine Don Alonso de Mendoza, Nuestra Señora de La Paz a
tout d'abord connu une croissance démographique lente jusqu'à la fin de la première moitié du
vingtième siècle. C'est surtout à partir de 1953, suite à la Réforme Agraire, qu'elle s'est accélérée.
En 1985, la crise de l'étain a engendré un autre courant migratoire d'importance qui est venu
accroître sa population. En 1992, l'aggloméra1ion compte 1 118 900 habitants selon l'INE (Institut
National de Statistiques). Elle demeure avec Quito la seule métropole altiplanique dépassant le
million d'individus.
En 1988, l'agglomération se sépare en deux municipalités autonomes, La Paz et El Alto. Cette
dernière située sur l'Altiplano à 4000 mètres d'altitude, n'était, il y a 50 ans, qu'une simple annexe
agricole de La Paz et regroupait environ 10 000 personnes (Baby,1995). En 1992, 405 000
habitants y vivent dans des conditions climatiques particulièrement rudes. La ville basse, se localise
quant à elle, dans le fond d'une dépression (la Cuenca) creusée par érosion régressive par le Rio
Choqueyapu, et correspond au site initial de La Paz. Elle est séparée de la ville haute par un talus
de plus de 400 mètres de dénivelé.
Tout au long du mémoire, nous serons amenés à employer des néologismes qui s'avèrent très
pratiques. Par exemple, les adjectifs alténien, pacéniens, (de El Alto et de La Paz) directement
dérivés de l'espagnol (alteños et paceños) et l'adjectif altiplanique serviront très fréquemment de
qualificatifs. Le nom La Paz sera utilisé uniquement pour faire référence à la municipalité de La
Paz stricto sensu englobant la Cuenca et la Zona Sur (ou El Bajo), partie située dans les vallées
basses Sud, Sud-Est.
L'accroissement démographique élevé a entraîné une consommation croissante d'espaces. Mais le
site présente de nombreuses contraintes et se révèle sensible à l'érosion, surtout dans la Cuenca. Les
implantations humaines se sont alors de plus en plus développées dans des secteurs à risque. En
1976, des équipes boliviennes et françaises telles que le BRGM et le BCEOM (Bureau de
Recherches Géologiques et Minières et Bureau Central d'Etudes pour les Equipements d'Outre
Mer) ont élaboré un schéma directeur ou Plan de Desarrollo Urbano de la Ciudad de La Paz (Plan
de Développement Urbain de la ville de La Paz, PDU) afin, de trouver des solutions face à
l'évolution problématique de la ville.
L'objectif de cette maîtrise est d'essayer de montrer dans quelles mesures les conditions
d'urbanisation ont évolué au sein de l'agglomération au cours des vingt dernières années. Le schéma
directeur a-t-il été suivi ? Existe-t-il des décalages par rapport aux prévisions ? La vulnérabilité des
biens et des personnes s'est elle accrue ? Quelle influence exerce le milieu environnemental sur le
développement de la métropole ? Quels problèmes majeurs connaît aujourd'hui l'agglomération et
quels moyens sont mis en oeuvre pour y remédier ? Quelles solutions sont adoptées pour réduire les
risques ? Qui s'en charge ? 9En première partie, il sera question de présenter les principales caractéristiques de l'agglomération
de 1976 qui serviront de base de référence pour la comparaison avec la situation actuelle et qui
permettront de constater les problèmes de l'époque. Nous analyserons les aspects démographiques
et économiques puis nous détaillerons les contraintes majeures liées au site et à sa fragilité. Nous
verrons aussi qu'il existe en 1976 un phénomène de ségrégation sociale à l'intérieur de
l'agglomération. Enfin, nous étudierons selon quelle logique le schéma directeur a été réalisé et
quelles directives d'évolution il préconisait.
En deuxième partie, nous essaierons de comprendre quelles modifications a connu l'agglomération
au cours des vingt dernières années et quels facteurs ont influé son évolution. Nous mettrons en
évidence l'augmentation de sa population et la tertiarisation de son économie en comparaison avec
les chiffres de 1976. Nous étudierons l'extension de son emprise spatiale corrélativement à la
densification de son centre. Nous nous attacherons également à analyser l'aggravation de la
ségrégation sociale déjà remarquée en 1976. Enfin, nous envisagerons de détailler les différents
décalages qui sont intervenus par rapport aux prévisions du plan.
En dernière partie, nous examinerons l'accentuation de la vulnérabilité des biens et des personnes
au sein de l'agglomération au cours des vingt dernières années. Nous ferons apparaître que
l'homme, de par ses activités, contribue à modifier le milieu physique, originellement fragile, et
multiplie ainsi les situations à risque. Enfin, il sera question de rechercher les diverses solutions
envisageables pour réduire les risques et minimiser les effets dommageables.
Plusieurs difficultés sont apparues lors de la réalisation de ce mémoire. La comparaison des
données du schéma directeur avec les données de l'INE (Institut National de Statistiques) n'a pas
toujours été très évidente, car bien souvent, elles ne font pas référence aux mêmes unités spatiales.
De même, entre les deux recensements (1976 et 1992), les zones recensées ont été modifiées et leur
nombre augmenté. La représentation cartographique comparative doit alors être analysée avec
beaucoup de précautions. Enfin, l'étude des décalages entre les prévisions du plan et la situation
actuelle est loin d'être exhaustive, car le schéma directeur comporte une multitude d'aspects qui
n'ont pas tous été détaillés. L'accent a surtout été mis sur l'augmentation des situations à risque et
de la vulnérabilité.
Figure 1 - Localisation et caractéristiques générales sur la Bolivie
10
Figure 2 - Découpage administratif et données globales
Note : Les mots en espagnol et les abréviations seront explicités en indexe à la fin du mémoire. Les
photos ont été prises par l'auteur sauf quand cela est indiqué.
11
12
Ce premier chapitre se consacre à l'étude des caractéristiques de l'agglomération en 1976, d'un point
de vue démographique tout d'abord, en abordant les questions d'immigration et de croissance
urbaine, puis d'un point de vue économique, en analysant ses principales fonctions. Dans dans un
deuxième temps, il sera question de définir quels sont les grands traits du cadre physique dans
lequel elle se développe en analysant les problèmes qui lui sont liés et qui sont susceptibles de
contrecarrer la pérennité de son développement. Enfin, il s'agira d'envisager, dans un contexte de
nécessité et de volonté politique, les nouvelles perspectives que le Plan de Développement Urbain
de 1976 apportent (Plan de Desarrollo Urbano, PDU) pour l'aménagement de la ville de La Paz-El
Alto.
caractéristiques chiffrées et analyse cartographique
Un des moyens de dresser la situation d'une ville à un moment donné, est de se référer à la base de
données que représente un recensement. La Bolivie en 1976 en a réalisé un afin d'établir le bilan
statistique du pays selon de nouveaux concepts, ce qui représentait une réelle nécessité car le
dernier organisé auparavant, datait de 1950. En combinant les données du Plan de Desarrollo
Urbano de 1976 avec des informations issues de sources diverses, j'ai pu esquisser les grandes
caractéristiques de la ville de l'époque. Les données de l'INE (Instituto Nacional de Estadisticas ;
Institut National de Statistiques) seront largement utilisées, et les publications de A. Franqueville
(1988 et 1990), de Ph. Masure (1978), de A. Navarro (1978), de V. Baby (1995) et de A.-C.
Madelin (1997) viendront en complément.
En 1976, l'agglomération de La Paz-El Alto ne correspond qu'à une seule municipalité et compte
635 000 habitants dont 539 800, soit 85%, vivent dans la Cuenca (Cuvette), site originel de la ville,
et dans la Zone Sud (Zona Sur), son prolongement dans les vallées Sud (INE) (Figures 3, 4 et 12).
L'ensemble de l'espace urbain couvre une superficie de 5 800 hectares contre 1 850 en 1942 (PDU,
tome 3, p 37), c'est-à-dire 3 fois plus en l'espace de 34 ans, ce qui montre une extension élevée à
l'égal de son accroissement démographique puisqu'en 1950 l'agglomération ne comptait que 267
000 habitants (INE) soit une population multipliée par 2,4 en 26 ans et qui correspond à un taux
d'accroissement annuel de 3,5% pour l'agglomération toute entière (PDU, tome 3, p 39) et de 2,71% pour La Paz, stricto sensu (Cuenca- Zona Sur). Par ailleurs, en 1976 l'agglomération pacénienne (de paceña, de La Paz) représente 44% de la population du département de La Paz contre 31% en 1950 ce qui met en évidence une certaine centralisation départementale de la population au niveau de La Paz.
13
En ce qui concerne El Alto (Le Haut), partie intégrante de la municipalité de La Paz située sur le
rebord de l'Altiplano qui domine la Cuenca, elle comprend 95 450 habitants en 1976 (INE) alors
que sa population n'était estimée, en 1950, qu'à « quelques familles » ou selon d'autres sources qu'à
11 000 personnes (Baby, 1995, p 36). Cela traduit un accroissement démographique exponentiel sur
une période de 26 ans qui s'explique, d'une part par une croissance naturelle élevée, et d'autre part,
par l'immigration massive qu'a connue l'agglomération après la promulgation, le 2 août 1953, de la
Réforme Agraire par le nouveau gouvernement démocratique révolutionnaire de Victor Paz
Estensorro (MNR, Movimiento Nacional Revolucionario). En effet, cette loi instaure le
démantèlement des grandes haciendas, jadis mises en place par la colonisation espagnole, et
l'expropriation des propriétaires dont les terres sont divisées et redistribuées aux paysans devenus
indépendants et détenteurs des parcelles. En neuf ans, l'Etat distribue 134 000 titres de propriété
(Baby, 1995, p 28). Mais bien vite, la croissance démographique élevée des campagnes associée au
maintien des techniques rudimentaires traditionnelles de culture et au morcellement accéléré des
lopins de terre au fil des générations, ne permet plus aux familles de subsister. Avec l'amélioration
et l'extension du réseau de voies de communication rendant l'accès aux villes plus facile, bon
nombre de paysans migrent dans l'espoir de trouver un emploi et une situation meilleure en milieu
urbain. Cet exode rural est à l'origine d'une immigration d'environ 8 000 personnes par an sur
l'ensemble de l'agglomération pacénienne au cours de la période 1950-76 (PDU, tome 3, p 39).
C'est ainsi qu'en 1976, 31% de la population pacénienne est migrante soit 216 000 personnes,
contre 69% native soit 439 000 personnes (PDU, tome 3, p 39).
Figure 3 - Evolution comparée des populations entre 1950 et 1976 (Source : INE)
L'immigration a donc été massive pour l'agglomération pacénienne. On peut donc se demander
quelles en sont les conséquences notamment au niveau de la physionomie du tissu urbain de El
Alto, d'une part, et de La Paz d'autre part ?
14
L'immigration intense et rapide qui a affecté la métropole a engendré, surtout pour El Alto,
davantage le développement d'urbanisations spontanées et anarchiques, que de zones planifiées.
Ces différents types d'urbanisation se sont développé conjointement le long de la Panaméricaine au
Nord (Figure 4), et plus au sud entre les routes menant à Viacha et à Oruro. Deux axes d'expansion
séparés par les terrains de l'aéroport, se différencient ainsi à El Alto.
L'urbanisation de la Cuenca, quant à elle s'étend sur une superficie de 2 500 hectares sur 2 800
urbanisables, alors que la Zona Sur ne s'étale que sur 700 hectares sur les 2 000 urbanisables (PDU,
tome 3, p 30). L'immigration et la croissance naturelle de la ville ont donc amené à une situation où
la Cuenca est pratiquement urbanisée à 100% puisque seuls 300 hectares peuvent encore y être
urbanisés selon les critères du PDU, alors que la Zona Sur, constituée davantage par la translation
des zones de résidence des classes aisées pacéniennes dans les vallées sud, que par l'immigration,
possède encore des espaces libres importants (1700 hectares selon le PDU).
Figure 4 - Physionomie de la métropole en 1976
15
Figure 5 - Croquis de l'agglomération
La carte des zones recensées de 1976 (Figure 6) constitue une autre source d'informations très
riches et innovatrices, car elle est la première en son genre réalisée en Bolivie. En effet, le
recensement de 1976 se caractérise, non plus seulement par une dimension purement statistique et
traditionnelle classée en domaines généraux (Emploi, Santé,...) appliqués par exemple à un
ensemble urbain ou selon des classes d'âge. Il comporte également une dimension cartographique
puisque pour la première fois l'INE procure des données statistiques propres pour chacun des
secteurs préalablement délimités au sein de la ville. L'avantage d'une telle méthode est qu'elle
permet une approche quantitative et qualitative plus fine et plus poussée et autorise la mise en
évidence des disparités intra-urbaines, bien souvent génératrices de problèmes entre les différentes
zones d'une ville (Voir deuxième partie).
Le recensement de 1976 pour la ville de La Paz comporte donc un ensemble de 90 zones recensées
(Zonas censales) qui sont réparties entre El Alto et La Paz (Cuenca-Zona Sur) avec respectivement
14 et 76 zones (Figure 6). Leurs délimitations ont un caractère géométrique de grandes dimensions
à El Alto, résultat de son mode d'urbanisation rapide le long d'axes, sur une étendue plane (Voir
infra), alors que la Cuenca connaît des zones beaucoup moins régulières dues à la topographie qui a
engendré une urbanisation moins ordonnée. La Zona Sur, quant à elle présente également des zones
vastes et géométriques qui correspondent en fait aux grands bassins-versants et aux lits plus ou
moins rectilignes des cours d'eau.
16
Figure 6 - Découpage du recensement de 1976
Connaissant les principales caractéristiques démographiques (leur représentation cartographique
sera abordée en comparaison à la situation de 1992 en II/C/2) et morphologiques de La Paz, il serait
désormais intéressant d'étudier quels sont ses principaux domaines d'activité.
3/ Les principales fonctions de l'agglomération en 1976
En 1976, La Paz concentre la quasi-intégralité des services du gouvernement central autrefois
localisés à Sucre qui perdit de son importance après le transfert des pouvoirs législatifs et exécutifs
à La Paz en 1899. Sucre reste cependant officiellement la capitale constitutionnelle du pays. La
Paz, avec ses nombreuses représentations diplomatiques et syndicales, est le premier centre
politique du pays et dispose d'une vocation internationale. On y trouve, en effet, de nombreuses
ambassades et organismes étrangers tels que l'Orstom (Institut Français de Recherches
Scientifiques pour le Développement en Coopération) ou la G.T.Z «(deutsche) Gesellchaft
Technische Zusammenarbeit) dans le domaine de la coopération.
De même, c'est en 1976, le centre industriel plus important de Bolivie. L'industrie du textile,
l'industrie chimique et alimentaire ainsi que la fabrication de matériaux de construction constituent
ses activités principales. Ainsi, 25% du PIB de la ville revient au secteur secondaire (PDU, tome 3,
p 20). Les activités industrielles, de logistique et les dépôts sont installées en grande partie à El
Alto qui dispose de terrains vastes et bon marché. Cette dynamique industrielle à l'échelle du pays,
s'est développé, dans un premier temps avec l'accroissement du transport ferroviaire et routier (avec
17la Panaméricaine en direction du Pérou) et, dans un deuxième temps avec l'essor de la fonction
aéroportuaire favorisant ainsi le développement de son commerce extérieur. En outre, l'aéroport de
La Paz garde une importance certaine au niveau national, car il reste la principale porte d'entrée
pour le trafic aérien en Bolivie d'où s'organise une redistribution intérieure.
Comme toutes les métropoles, elle regroupe aussi de multiples activités de services qui s'organisent
autour du centre dans la Cuenca. Le secteur tertiaire est prépondérant puisqu'il représente 60% du
PIB de la ville. De plus ce dernier tend à prendre de plus en plus d'importance du fait de la
métropolisation croissante de La Paz. En ce sens, le domaine des administrations est également très
développé puisqu'il correspond à 15% du PIB de l'agglomération et à 25% des emplois (PDU, tome
3, p 20).
D'une manière générale, la vie économique de La Paz est partagée entre la modernité et la tradition
(Madelin, 1997, p 42). En effet, il existe une branche « traditionnelle » qui regroupe la majorité des
emplois rassemblant les activités artisanales, les activités agricoles, aussi restreintes soient-elles en
milieu urbain, les petits commerces, et les employées de maison (Empleadas). D'autre part, il existe
les activités du « tertiaire moderne » (PDU, tome 3, p 23) qui comportent les activités bancaires,
administratives, et les professions libérales etc...
Enfin, l'économie pacénienne est caractérisée par l'importance des activités informelles qui tendent
à rendre aléatoire et problématique la comptabilisation statistique. La plupart des activités de la
branche « traditionnelle » y est rattachée (marchés, commerces et services de rue comme les cireurs
de chaussures...).
Au regard de cette analyse, il ressort que La Paz possède de nombreuses caractéristiques d'une
métropole (prépondérance du secteur tertiaire...) et dispose d'une influence au niveau national et
dans une moindre mesure, au niveau international. Il est maintenant intéressant de la replacer dans
son contexte physique afin de comprendre (Figure7, 8), en premier lieu, dans quelles mesures son
évolution et son aménagement peuvent en dépendre, puis d'appréhender, comment le milieu
environnemental peut entraîner l'apparition d'une ségrégation au sein de la ville et enfin d'étudier
les interactions et leurs conséquences entre l'homme et son cadre de vie.
18
Figure 7 - Aspect de la ville de La Paz en 1976 (Cuenca), photo extraite du PDU
Figure 8 - Vue de La Paz depuis le versant Ouest en direction de la Zona Sur (PDU)
19
prémices d'une évolution future problématique et toujours plus
ségrégative
Une des caractéristiques majeures du site de La Paz est sa topographie accidentée. En effet, outre
l'omniprésence des pentes fortes, le relief présente bien souvent un aspect déchiqueté. Certains
secteurs de la Cuenca peuvent connaître des pentes allant jusqu'à 70° notamment à Villa Fatima ou
à Alto Obrajes (Gozalvez, 1996). Dans la Zona Sur, apparaissent les structures de relief les plus
lacérées comme l'attestent les nombreuses quebradas (gorges, ravines) et cheminées de fée (Figures
10 et 11).
El Alto quant à elle, ne présente guère de telles contraintes topographiques. Dans son ensemble, la
surface de El Alto est légèrement inclinée du Nord-Est vers le Sud-Ouest et les déclivités ne
dépassent pas localement 10° dans les secteurs de l'aéroport et de Alto Lima (Gozalvez).
D'un point de vue géologique, trois grandes unités se distinguent (Figure 9) : le soubassement du
socle, les sédiments de l'altiplano et les dépôts contemporains de l'érosion de la vallée de La Paz,
ces deux derniers étant composés de matériaux peu consolidés (Ballivian, 1978 et Malatrait 1983).
On comprend ainsi que l'action de l'érosion ait pris toute son ampleur lors du creusement de la
vallée de La Paz dans les formations de l'altiplano, par le Rio Choqueyapu. Ce dernier, affluent du
Rio Beni, a coupé la Cordillera Real (Cordillère Royale) au Nord par érosion régressive, et ses
alluvions furent transportées jusqu'à la vallée de l'Amazone et l'Atlantique.
Les versants de la cuvette ainsi formée subissent à leur tour les effets des processus
morphogéniques d'autant qu'un réseau de rios (rivières, torrents), affluents du Rio Choqueyapu,
s'est corrélativement mis en place. Aussi, en dénombre-t-on aujourd'hui approximativement 300
(PDU, tome I). L'action combinée des torrents et du ruissellement sur les versants abrupts dont le
sous-sol est composé de formations meubles, est à l'origine de l'intensité du ravinement, de la
déstabilisation et du glissement des terrains ainsi que d'une érosion régressive active. Ceci est
d'autant plus vrai que la dénivellation est souvent grande et que les précipitations sont concentrées
sur une courte période de l'année. Cela favorise, dans un premier temps, l'imbibition des sols et leur
propension à fluer puis, dans un deuxième temps, leur saturation qui inhibe l'infiltration au profit du
ruissellement.
20
Figure 9 - Carte géologique schématique
21
Figure 10 - Exemple de versant ciselé par le ravinement (PDU)
Figure 11 - Cheminées de fée situées au sud de l'agglomération (PDU)
22En effet, sur une moyenne annuelle de 590 mm, 70% des précipitations tombent pendant la saison
des pluies de décembre à mars (d'après les données établies sur une période de 77 ans de 1898 à
1975 par l'observatoire de San Calixto in PDU, tome 2, p F-3).
De surcroît, les précipitations, souvent à caractère orageux, favorisent le déclenchement des crues
car les temps de concentration sont réduits dans des bassins versants escarpés et peu protégés par
leur couverture végétale. Cette dernière demeure clairsemée en raison des pratiques agricoles et de
la déforestation. D'autre part, les conditions climatiques localement rudes, liées à l'altitude, ne
facilitent pas non plus son renouvellement. Ces crues torrentielles sont souvent à l'origine
d'inondations dans les lits majeurs qui, en 1976, s'urbanisent de plus en plus...
Il faut ajouter à cela le rôle non négligeable des eaux souterraines qui contribuent également à
déstabiliser les terrains et à former des affaissements ponctuels.
Il ressort ainsi de ce paragraphe que le site pacénien est un secteur accidenté et peu stabilisé du fait
de ses conditions édaphiques majoritairement meubles, sensibles à l'érosion. Il serait maintenant
intéressant d'étudier de quelle façon les caractéristiques du cadre physique, couplées aux conditions
climatiques particulières de La Paz, ont des répercussions dans la répartition des implantations
humaines.
Nous l'avons vu, l'agglomération pacénienne est divisée en trois grands sous-ensembles dont les
toponymes reflètent très clairement les données du cadre physique (Figure 12 et 14).
du niveau de la mer.
La Cuenca (Dépression) pour la partie localisée dans la cuvette entre 3400 et 3800m, et dont le centre correspond au foyer initial du peuplement de La Paz à 365Om (Plaza Murillo).
vallées sud en aval du centre historique entre 3200m (Aranjuez) et 3400m (en amont de San
Miguel).
23
Figure 12 - Coupe topographique schématique
Environ 1000 mètres de dénivelée séparent donc le point le plus bas et le point le plus haut de la
ville. On en déduit qu'il existe au sein de l'agglomération des contrastes thermiques importants. En
effet, comme l'illustre la figure 13, un écart de 7°C distingue El Alto de la Zona Sur.
Figure 13 - Températures moyennes annuelles en °C à différentes altitudes
EL ALTOCUENCAEL BAJO5,810,512,7
D'après Schoop, 1981, Ciudades Bolivianas, p 53.
Figure 14 - Carte topographique simplifiée de La Paz
D'autre part, l'intensité du vent n'est pas la même, selon que l'on se trouve à El Alto où les vents
sont particulièrement fréquents, intenses et froids en provenance de l'Altiplano en hiver
principalement, ou que l'on se trouve dans la cuvette ou dans les parties basses de l'agglomération,
davantage abritées.
Enfin, l'altitude, du fait de la faible pression atmosphérique (650 mb à 3600m contre 760 au niveau
de la mer in Malatrait, 1983) et de la raréfaction de l'oxygène, entraîne une limitation des
potentialités physiques de l'homme et l'accélération de son vieillissement surtout au dessus de
4000m.
Cette analyse met en évidence une différenciation des conditions environnementales. Elles
apparaissent globalement beaucoup plus favorables, dans la Zona Sur et, dans la Cuenca, malgré
ses secteurs abrupts, qu'à El Alto davantage caractérisée par la rudesse de son climat que par une
topographie accidentée. Ceci est à l'origine, déjà en 1976, d'une ségrégation sociale au sein de la
ville, les plus défavorisés s'installant souvent dans des zones instables en pente (les versants de la
Cuenca) ou soumises à des conditions climatiques rudes (El Alto), ou pentues et « au vent » (versant
Est de la Cuenca). C'est dans ces secteurs que le prix du foncier est le plus bas. A l'inverse, la classe
aisée s'installe à plus basse altitude, là où le climat est plus clément, sur des terrains relativement
plans dont la valeur foncière est élevée, mais qui peuvent néanmoins présenter des risques comme
nous le verrons par la suite.
En 1976, l'agglomération pacénienne est donc marquée par une ségrégation sociale, qualifiée par
certains au moyen de l'image « Les riches en bas, les pauvres en haut ». Si aucune mesure n'est prise,
cette séparation a toutes les chances de se voir renforcée au cours des années suivantes.
Préalablement abordée, l'action des phénomènes hydro-météorologiques sur le milieu physique est
à l'origine du façonnement du relief. Cette approche n'intègre pas l'homme comme facteur potentiel
de la morphogenèse, or il s'avère très souvent et a fortiori en milieu urbain, qu'il y participe de
façon active, et dans la plupart des cas inconsciemment.
Le site pacénien, nous l'avons vu, est particulièrement contraignant pour les implantations
humaines de par sa topographie, ses formations géologiques, et ses conditions climatiques... La
ville n'occupe non plus seulement le site originel abrité composé de dépôts fluvio-glaciaires
structurés et peu inclinés sur les berges du Rio Choqueyapu, mais également des secteurs en pentes,
des secteurs aux sous-sol instables, et des lits majeurs... Cela contribue à accroître les situations à
risque et par là même à augmenter la vulnérabilité des biens et des personnes, dans un contexte de
croissance urbaine à l'origine d'une demande en espace croissante déjà d'actualité en 1976.
Le risque pour l'homme et ses biens peut se définir « comme un danger éventuel, plus ou moins
prévisible, dans une aire non précisément délimitée, d'une durée indéterminée » (Bailly, 1996) ou
encore comme « la probabilité d'occurrence d'un dommage, liée à la conjonction territoriale d'un ou
plusieurs dangers et d'une présence humaine » (Pigeon, 1996).
26Il existe une grande diversité de risques; d'une part les « risques de société » (Bailly, 1996) tels que
les risques d'épidémies, les risques de guerre, les risques sociaux (chômage, ségrégation sociale...)
ou encore les risques technologiques (risque nucléaire, risque d'incendie industriel...). Existent
également des risques qui dépendent de « phénomènes d'origine présumée naturelle » (Pigeon, 1996)
tels que les risques volcaniques, les risques de raz de marée, les risques de cyclones, le risque de
sécheresse... Aussi, dans cette étude sera-t-il uniquement question des risques de ce dernier type et
uniquement de ceux qui affectent plus spécifiquement La Paz, c'est-à-dire, les risques d'inondation,
les risques de glissement de terrain, les risques sismiques.
L'homme peut donc être perçu, en premier lieu comme un élément vulnérable face à des situations
à risque. La vulnérabilité se caractérise par « toute forme de présence humaine menacée par un
danger » (Pigeon, 1996) ou encore comme « la propension d'une société donnée à subir des
dommages en cas de manifestation d'un phénomène naturel ou anthropique » (D'Ercole, 1994). Cette
deuxième définition permet d'introduire l'idée que l'homme, de par ses activités et infrastructures,
engendre indubitablement des modifications dans son environnement et dans la dynamique
naturelle d'évolution de ce dernier. Ces « impacts anthropiques » peuvent être considérés comme des
facteurs de vulnérabilité en eux-mêmes. Leur étude s'avère souvent complexe, du fait de la
multiplicité des éléments qui entrent en ligne de compte.
Dans le cas de La Paz, l'occupation irrationnelle de terrains à forte pente et/ou instables,
l'urbanisation des zones inondables, la déstabilisation de versants par déboisement et par certaines
pratiques agricoles, la modification des écoulements par l'urbanisation et par la construction d'axes
de communication, le sous dimensionnement et/ou l'absence d'entretien des ouvrages de drainage,
les constructions sur remblais et/ou sans fondations profondes... sont autant de facteurs qui tendent
à modifier le milieu physique et les processus de son façonnement et qui tendent à leur tour à
accroître les situations à risque et donc la vulnérabilité des biens et des individus (figure 15).
Concrètement, à La Paz, si les risques de glissement de terrain et d'inondation sont bien présents, le
risque sismique est quant à lui limité (Figure 16). Il n'en demeure cependant pas pour autant
inexistant. En effet, depuis la fondation de La Paz aucun foyer sismique ne s'est situé à moins de 70
km de la ville et aucune secousse dépassant l'intensité V sur l'échelle de Mercalli Modifiée (dont le
maximum est XII) ne s'est produite dans la zone (PDU, tome 1, p B-46). Dernièrement, le 22 mai
1998, un tremblement de terre s'est produit à quelque 400 kilomètres à l'Est de La Paz où il fut
également ressenti puisque l'Observatoire San Calixto de La Paz a enregistré deux secousses à un
quart d'heure d'intervalle, d'une magnitude de 5,9 et 6,8 respectivement (information recueillie sur
le site web de CNN, 22 mai 1998).
Toutefois, et il ne faut pas le négliger, les tremblements de terre de faible intensité, même s'ils
n'engendrent pas de dommages directs sur les établissements humains, peuvent déclencher et
activer des chutes de pierres, des affaissements locaux, des écroulements, des glissements de terrain
qui sont quant à eux susceptibles d'être préjudiciables aux implantations de l'homme et a fortiori
quand celles-ci sont localisées dans des zones présentant originellement un risque.
Enfin, la présence de failles à El Alto, peut, en outre, présenter un risque. Leurs rejeux demeurent
néanmoins très faibles (Ballivián, 1978).
Figure 15 - Interrelations entre implantations humaines / milieu physique de montagne / phénomènes géodynamiques et hydrométéorologiques
Figure 16 - Carte d'aléa sismique à l'échelle nationale
Au regard de cette analyse, il ressort que la vulnérabilité des personnes et de leurs biens au sein de
la ville de La Paz est un fait déjà d'actualité en 1976. Si l'on part du principe que le développement
d'une agglomération passe, entre autre, par la protection de ses structures humaines, économiques et
environnementales, on comprend que les politiques manifestent le désir d'une part de minorer ou
prévenir les risques pour les infrastructures existantes et d'autre part de trouver de nouvelles
alternatives d'expansion avec un minimum de risque. La question qui se pose maintenant est de
savoir grâce à quelles mesures le gouvernement de l'époque s'y est employé.
29C/ ...d'où l'idée d'élaborer un plan de développement urbain
L'objet de ce chapitre est de comprendre quels ont été les objectifs du Plan de Développement
Urbain de la Ville de La Paz de 1976, notamment en ce qui concerne la vulnérabilité et les risques,
et dans un deuxième temps de connaître selon quelle logique, dans quel contexte et à l'aide de quels
moyens techniques, financiers et humains il a été réalisé.
1/ Un contexte de stabilité politique et économique favorable
Depuis 1824, date de son indépendance, la Bolivie a connu pas moins de 300 tentatives de putsch
réussies ou non et quelque 80 présidents ce qui la classe comme étant le pays d'Amérique du Sud le
plus instable politiquement. En 1976-77, Hugo Banzer Suarez est à la présidence depuis 1971. Son
régime dictatorial « assure » une relative stabilité politique et économique qui permet aux pouvoirs
publics de s'intéresser de plus près au problème de la croissance urbaine. « La ville de La Paz ne
possédait alors aucun outil de référence en matière de développement » (Masure, 1996) et seules
existaient « des normes d'un règlement de zonage des sols, lui-même sujet à des changements
périodiques » (Navarro Flores, 1978). Les conditions étaient donc propices à la réalisation d'études
qui visaient à concevoir des instruments de planification adaptés au site particulièrement instable et
contraignant de l'agglomération pacénienne.
afin de réaliser un outil de référence innovateur en matière de planification
urbaine
La mairie de l'époque (Honorable Alcaldia Municipal de La Paz), après avoir réalisé un premier
travail intitulé Modelo de Crecimiento Urbano (Modèle de croissance urbaine), avait fait appel à
des organismes étrangers en vue de mettre en oeuvre un plan de développement urbain à moyen et
long terme et d'approfondir certains aspects comme la géologie, les ressources en eaux et en
matériaux de construction, les ressources et contraintes spatiales, les conditions de logement,
l'activité de transport, le secteur industriel, les marchés etc...
Le maire, Mario Mercado Vaca Guzman, tenait plus particulièrement à ce que la planification
autorise une réduction, ou tout au moins une prévention des catastrophes naturelles que subit La
Paz plus spécialement en saison des pluies, de décembre à mars et d'une manière générale tout au
long de l'année. Le mois de janvier 1977 avait été marqué par un glissement de terrain dans le
secteur de Villa Armonia au Sud-Est de Miraflores (pour la localisation, voir Figure 18) qui avait
détruit une dizaine de maisons et coupé une route (Avenida Mejillones). La même année, au mois
de juillet et août, une série de glissements avait affecté la partie médiane de la gorge de Cotahuma,
sur le versant Ouest de la Cuenca, entre Tembladerani et Sopocachi, (Figure 18) mais n'avait pas
occasionné de dommages (PDU, tome 2, D-11).
30C'est ainsi que le B.R.G.M (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), le B.C.E.O.M (Bureau Central pour les Equipements d'Outre-Mer), le S.M.U.H (Secrétariat des Missions d'Urbanisme et d'Habitat) et le bureau bolivien Prudencio Claros y Asociados, furent chargés d'élaborer le Plan de Développement Urbain de La Paz (PDU). b/ Les objectifs et principes de réalisation :
L'objectif général de l'étude consistait donc à réaliser des schémas prospectifs de développement
urbain aux horizons 1990 (moyen terme, soit 15 ans) et 2010 (long terme, soit 30 ans). « Il s'agissait
de partir de perspectives de croissance démographique, économique et spatiale de la ville » (Masure,
1996) qui avaient été calculées en considérant le contexte socio-économique, l'évolution passée de
l'agglomération, puis les contraintes et potentialités environnementales.
C'est donc principalement le concept de « planification environnementale » qui a été suivi dans
l'élaboration du plan. Cette notion peut être définie comme étant la volonté « d'évaluer les
contraintes et potentialités que présente le milieu naturel pour l'aménagement »(Masure, 1996). Les
choix d'aménagement ne sont plus fondés seulement sur des critères économiques à court terme,
mais également sur la considération des coûts (sociaux, financiers, environnementaux) qu'ils
impliquent à moyen et long terme » (Masure, 1996). Ainsi, la volonté de mise en place d'outils
efficaces de gestion du développement urbain ne pouvait être envisagée sans la prise en compte des
caractéristiques physiques du site et notamment son instabilité, « sous peine de voir se multiplier la
dégradation coûteuse des constructions et les phénomènes naturels dangereux » (Masure, 1996).
Aussi, le PDU s'organise-t-il en 8 grandes phases principales (d'après Ph. Masure) :
1 -L'évaluation du cadre géologique,
2 -La définition de conditions climatiques et hydrologiques,
3 -L'étude du milieu écologique,
4 -La réalisation d'un premier niveau de synthèse,
· Evaluation et zonage des risques naturels,
· Evaluation de l'aptitude géotechnique des sols à l'aménagement,
5 -La réalisation d'un demième niveau de synthèse,
6- L'étude de l'organisation de l'espace urbain,
7- La réalisation d'un troisième niveau de synthèse, projet d'organisation environnementale de
l'espace: intégration des données du milieu physique et environnemental et des vocations des zones
élémentaires de la ville à l'aménagement (résidentiel, agricole, industriel, récréatif...),
8 -L'adaptation des plans d'aménagement, sur la base d'une analyse des impacts prévisibles des
projets d'urbanisation; plan d'actions sur le milieu naturel (protection, réhabilitation
environnementales ).
Ces études ont été entreprises par des spécialistes boliviens et français en 1976- 77 et couvrent une
surface de 340 Km carrés. Se distinguent les études écogéologiques menées par 39 spécialistes (378
hommes-mois) et les études urbaines réalisées par 43 spécialistes (280 hommes-mois). Le coût total
de l'opération s'élève à 3,5 millions de dollars américains de 1976. Ces chiffres paraissent
aujourd'hui bien exorbitants.
31
C'est avant tout l'équipe « d'écogéologues » composée de géologues, géomorphologues,
hydrogéologues, géotechniciens, sismologues, hydrologues, etc... du B.R.G.M et les spécialistes de
la mairie qui avaient pour objectif d'analyser les caractéristiques et processus naturels particuliers
au site, puis de « tenter de fixer la morphologie et la rendre plus accueillante, dans la limite des
possibilités techniques et des ressources économiques de la ville » (Masure, 1996). C'est ainsi qu'ont
été entrepris des travaux visant à la réduction de certains risques grâce à des projets spécifiques de
protection (régulation de rios, stabilisation des pentes ) comme l'illustrent, entre autre, les travaux
réalisés en 1977 dans le ravin de Cotahuma, sur le versant Ouest de La Paz. Ces opérations ont
consisté à drainer les talus à l'aide de galeries souterraines en vue de minorer au maximum les
risques de glissement de terrain, les risques d'écroulement et les risques de coulées boueuses qui
menaçaient directement certains quartiers de l'agglomération.
c/ Un exemple de réalisation: la carte de « constructibilité » de La Paz :
La réalisation de la carte d'aptitude à la construction (Figure 18) s'inscrit dans une troisième étape
de l'étude du milieu physique réalisée par les « écogéologues » du B.R.G.M et spécialistes boliviens.
Elle correspond à un document de synthèse qui combine et résume l'étude détaillée des conditions
géologiques et hydrogéologiques du site (première étape), l'évaluation des risques naturels
présentée par la carte d'aléas, et enfin les conditions géotechniques des sols présentées par la carte
géotechnique (seconde étape). Cette adaptation synthétique des informations recueillies
précédemment a servi aux urbanistes pour leurs investigations à propos des potentialités de
développement de la ville.
Cette carte au 1/10 000 présente quatre catégories de secteurs déterminant des conditions
spécifiques d'aménagement. Ces secteurs sont identifiés à l'aide de couleurs :
vert: bonne qualité géotechnique des terrains de fondation. Constructions en hauteur
possibles.
jaune : qualité géotechnique médiocre des terrains de fondation. Constructions basses ou
moyennes.
Figure 17 - Légende de la carte de constructibilité de la Cuenca
33
Figure 18 - Extrait de la carte de constructibilité, secteur de la Cuenca, PDU
Le but de cette première partie a donc été tout d'abord de dresser un diagnostic de la situation de
l'agglomération en 1976 d'un point de vue démographique, social, économique puis
environnemental en abordant les principales caractéristiques topographiques, géologiques,
hydrologiques et climatiques de son site. Cela nous a permis de constater que La Paz en 1976 est
une ville en pleine expansion, caractérisée par une forte croissance démographique, par une
ségrégation socio-économique relativement marquée et par des conditions physiques plutôt
contraignantes pour l'homme dans un cadre où il représente lui-même un élément de perturbation
potentielle pour son milieu. Nous avons pu en second lieu, détailler les notions de risque et
vulnérabilité, particulièrement vérifiées dans le site pacénien, pour enfin envisager l'étude de la
réalisation du Plan de Développement Urbain de la Ville de La Paz (PDU). Ce dernier a été mis en
oeuvre grâce à la collaboration d'équipes françaises et boliviennes en vue de définir des schémas
d'évolution tendancielle en tenant compte des potentialités et des obstacles du milieu physique et
aussi en vue de minorer les risques et la vulnérabilité des biens et des personnes.
Il serait maintenant intéressant de savoir quelles sont vingt ans après les nouvelles caractéristiques
de l'agglomération pacénienne. Les conditions de vie se sont-elles amélioré, la ségrégation socio-
économique s'est-elle réduite, les prévisions du PDU se sont-elles réalisées?
35
DEUXIEME PARTIE
36
L'objectif de ce chapitre est d'analyser quelles sont les principales caractéristiques, du point de vue
démographique et économique de l'agglomération d'aujourd'hui et de les comparer avec la situation
de 1976. Il s'agira ensuite, de comprendre quelle a été l'évolution de son emprise spatiale, au cours
des vingt dernières années, puis de confronter l'ampleur de la ségrégation sociale actuelle avec celle
constatée auparavant. Par ailleurs, la métropole d'aujourd'hui, est-elle le reflet des prévisions du
Plan de Développement Urbain ? Les pouvoirs publics ont-ils su suivre ses directives ? Existe-t-il
des décalages ? Si oui, dans quelles proportions ?
L'utilisation des données du recensement de 1992 s'avère très utile dans la mesure où ce
recensement a été élaboré, grosso modo, selon les mêmes concepts que le précédent de 1976. C'est-
à-dire à l'aide d'une cartographie détaillée divisant le territoire urbain de manière précise en zones
auxquelles est associé un ensemble de données statistiques du type santé, scolarité, emploi,
habitat... Ceci autorise une comparaison avec la cartographie de 1976 bien qu'il faille nuancer, étant
donné que le zonage a été modifié.
Avant tout, il est important de noter que le recensement de 1992 a permis de constater un fait
important dans l'histoire de l'évolution urbaine en Bolivie. En effet la population urbaine (vivant
dans des centres de plus de 2000 habitants, selon l'INE) est devenue majoritaire en Bolivie
puisqu'elle représente 58% de la population totale nationale en 1992 contre 42% en 1976.
Toutefois, ce chiffe reste bien faible en regard des taux d'urbanisation des pays voisins (Argentine,
Chili 85% ; Brésil 75% ; Pérou 71 %) (Roux, 1997). Seul le Paraguay compte encore une
population rurale majoritaire (52%).
En 1992, dans le département de La Paz, 63% de la population vit en ville contre 48% en 1976 ce
qui le place comme étant l'un des départements les plus urbanisés de Bolivie.
De même, l'agglomération pacénienne demeure par son poids démographique, la ville la plus
importante du pays. Cependant, bien que sa part dans la population nationale ait augmenté (17,42%
en 1992 contre 13,77% en 1976), elle tend à perdre sa suprématie par rapport à Santa Cruz dans
l'Orient bolivien. Cette dernière rassemblait en 1976 seulement 5,5% de la population du pays mais
10,8% en 1992 avec 697 278 habitants. L'indice de suprématie était proche de 2,5 en 1976 mais il
n'est plus que de 1,5 en 1992. Santa Cruz a connu une croissance démographique (6,42% par an
entre 1976 et 1992) supérieure à celle de l'agglomération pacénienne. Certains la qualifient de
« ville-champignon ».
37
Par ailleurs, en 1985, El Alto est reconnue pour la première fois comme une entité séparée de La
Paz, et est déclarée capitale de la IVème section municipale de La Paz (Baby V.). Ce n'est
cependant que les lois 651 et 1014 du 20 et 26 septembre 1988 qui érigent El Alto au rang de
municipalité autonome dans sa gestion administrative. La ville dispose dès lors d'une mairie
(Honorable Alcaldía Municipal de El Alto) qui se trouve vite confrontée à de nombreux problèmes.
L'imprécision de sa délimitation territoriale, la difficulté de mise à jour de son cadastre sans cesse
modifié (du fait de sa croissance démographique élevée) en sont quelques exemples. La situation
reste ambiguë, car cette autonomie administrative n'est pas accompagnée d'une autonomie
financière. Cette dernière, depuis la loi des municipalités de 1985, n'est réservée qu'aux villes
capitales de département qui, en l'occurrence, reste La Paz (Baby V.).
Néanmoins, la loi 1551 du 20 avril 1994 instaure le nouveau concept de participation populaire
(Ley de Participacion Popular). Cette loi vise à donner une plus large autonomie aux départements,
aux provinces et aux municipalités. Elle est basée sur une redéfinition des limites administratives
nationales, afin d'amorcer une décentralisation des administrations et de la gestion nationale,
excessivement concentrées dans la ville de La Paz. Cette loi ne va pas sans poser problème, plus
particulièrement en ce qui concerne les juridictions et l'attribution des fonctions. Mais dans le cas
de la ville de El Alto elle met en place une plus grande marge de manoeuvre puisque la
municipalité alténienne s'est vue attribuer l'autonomie budgétaire et la gestion des services publics
tels que l'Education et la Santé.
La séparation des deux municipalités, à l'origine de polémiques, semble donc bien être définitive et
renforce la séparation originelle matérialisée par le talus qui lie le rebord de l'Altiplano à la Cuenca.
André Franqueville dans un chapitre intitulé « Villes et réseau urbain de Bolivie » présenté dans les
Cahiers d'Outre-mer commentait en 1990 :
« Parler de deux villes jumelles est un euphémisme, mieux vaudrait parler d'une ville de plus de 1
million d'habitants totalement disloquée, et le point de vue selon lequel la création d'une
municipalité autonome, mais (jusqu'alors) sans ressources, sur El Alto, ne fut pas pour La Paz
qu'une façon élégante de se débarrasser d'un problème économique et social gênant, n'est pas dénué
de tout fondement ».
De même, un article du 11 décembre 1992 d'un quotidien pacénien, El Diario, critiquait: « ...El Alto,
à présent dispose de l'autonomie de gestion faussant totalement l'écosystème et générant des
divisions et un faux régionalisme préjudiciable au développement harmonique de la région » (p19
du mémoire de A.-C. Madelin, 1997).
L'étude comparée des caractéristiques respectives de chacune des deux municipalités s'avère
nécessaire si l'on veut aborder et comprendre de manière globale les principales composantes de
l'agglomération d'aujourd'hui.
38
En 1992, l'agglomération compte 1 118 870 habitants contre 635 300 en 1976 (INE) c'est-à-dire
483 600 personnes de plus en 16 ans.
La Paz stricto sensu compte 713 400 habitants en 1992 contre 539 800 en 1976 soit un taux de
croissance démographique annuel de 1,78% au cours de cette période et un accroissement de 32%
de sa population (Figure 19). Quant à El Alto, elle comptait 95 450 habitants en 1976 et 405 500 en
1992 (INE) soit un accroissement de sa population de 325% en 16 ans!
En 1992, elle est classée au quatrième rang du réseau urbain bolivien après La Paz, Santa Cruz et
Cochabamba. El Alto a enregistré entre 1976 et 1992 un taux de croissance démographique
annuelle de l'ordre de 9,23% (INE), taux presque record au niveau national et très élevé dans le
contexte sud-américain. Alors qu'en 1976, El Alto ne représentait que 15% de la population de
l'ensemble urbain, 36% des habitants de l'agglomération en 1992 y vivent. Cela montre
l'importance croissante que tend à prendre la ville altiplanique par rapport à la ville basse.
Si ces taux restaient constants, la population de El Alto doublerait ses effectifs tous les 8 ans, alors
qu'il en faudrait au moins 35 pour La Paz (Madelin A.-C.). D'autre part, la population de El Alto
dépasserait celle de La Paz aux environs de l'an 2002!
Figure 19 - Evolution comparée de la population et de la croissance démographique (Source : INE)
39
Les taux de croissance démographique exponentielle sont à mettre tout d'abord en rapport avec
l'immigration massive et inopinée qu'a connu l'agglomération toute entière mais avec une plus
grande ampleur El Alto, dans les années 80. En effet, la Bolivie a connu de grands bouleversements
dans sa structure économique compte tenu de la crise mondiale des années 80 appelée decada
perdida (décennie perdue) en Amérique Latine. Cette crise a été à l'origine d'un autre courant
migratoire d'importance (le premier résultait de la Réforme Agraire en 1953, cf. I/A/1) en direction
de la plupart des grandes villes boliviennes.
« L'effondrement des prêts internationaux au début de la décennie, la hausse des taux d'intérêt de la
dette extérieure, la chute des cours des matières premières minières sur le marché international, et
notamment de l'étain, qui provoque indirectement une baisse des indices de production nationaux,
ont tragiquement affaibli l'économie bolivienne. La production agricole a chuté de 11%, les
exportations de 25% et l'hyperinflation provoquée par la crise a atteint un indice cumulé de
22 000% de 1982 à 1985 » (Baby, 1995).
Face à cette situation de crise, le nouveau gouvernement de Victor Paz Estenssoro, élu au pouvoir
en 1985, décide d'entreprendre un Nuevo Plan Economico (Nouveau Plan économique). Celui-ci
amorce la privatisation des mines nationales entraînant la fermeture de nombreuses mines peu
rentables ou en faillite. C'est ainsi que furent licenciés du jour au lendemain, des milliers de
mineurs qui se virent contraints de migrer en masse avec leur famille en direction des villes, dans
l'espoir d'y retrouver un emploi et une situation meilleure, venant grossir les rangs des migrants
issus de l'exode rural « traditionnel ». Ceux qui migrèrent vers La Paz se sont implantés
principalement à El Alto où les terrains étaient moins chers et où la mairie avait entrepris des séries
d'action comme par exemple la construction du lotissement Villa Adela (El Alto Norte)
spécialement conçu pour eux. Toutefois, comme certains auteurs le soulignent (P. Van Lindert, en
particulier), l'installation des migrants à la périphérie des capitales n'est pas toujours immédiate et
est souvent précédée d'une phase d'installation transitoire dans le centre-ville. En effet, les
nouveaux arrivants sont bien souvent logés temporairement chez un parent installé dans le centre.
En 1992, 42% des alténiens disent être nés hors de la ville contre 24% des pacéniens (INE) et on
estime que 35 000 migrants sont arrivés chaque année dans l'agglomération entre 1976 et 1992
(d'après Dockweiler Cordenas, p 22 du mémoire de A.-C. Madelin, 1997).
D'une manière générale, il apparaît que le peuplement de El Alto résulte beaucoup plus de
l'immigration que le peuplement de La Paz. Ceci est à l'origine de différences notoires entre les
deux sous-ensembles urbains, notamment au niveau de leur comportement démographique.
Les taux de natalité et de mortalité bien qu'ils soient d'une manière générale inférieurs aux taux de
1976 n'en restent pas moins élevés et plus particulièrement à El Alto. Ces indices sont des éléments
révélateurs des différences ethniques et sociales qui existent au sein de l'agglomération.
Il est généralement admis que les migrants d'origine rurale, en l'occurrence particulièrement
nombreux à El Alto, ont un comportement nataliste supérieur à celui des citadins. Ils ont tendance à
40garder leur propension à fonder de grandes familles comme dans les milieux paysans traditionnels.
A l'inverse, les citadins adoptent davantage un comportement malthusianiste.
De surcroît, cette idée se vérifie particulièrement bien dans le contexte bolivien dans la mesure où
vient s'y combiner l'origine ethnique hétérogène des habitants. En effet, les immigrés d'origine
rurale venant s'installer dans la métropole altiplanique sont en grande majorité des indiens aymaras
et dans une moindre mesure des indiens quechuas. Ces groupes ethniques sont caractérisés par leur
taux de fécondité traditionnellement élevé. On retrouve d'ailleurs leur trace au travers des langues
parlées. L'aymara est parlée par 60,5% des alténiens et le quechua par 7,5% (INE).
Ainsi, à El Alto, on dénombre en moyenne 5 à 6 enfants par femme contre 5 au niveau national et
contre 3 au niveau de l'agglomération toute entière. Le taux de La Paz beaucoup plus faible vient en
effet minorer le chiffre. Cela s'explique par sa composition ethnique différente, d'une manière
générale moins indigène, bien qu'il faille nuancer, par rapport à celle de El Alto. La population de
La Paz regroupe, certes des indigènes, mais aussi tout un ensemble de communautés blanche et
métissée beaucoup moins procréatrices. Ces derniers correspondent aux descendants d'espagnols,
aux descendants d'espagnols métissés ou encore aux communautés d'européens implantés
récemment (allemands, français pour l'essentiel).
La métropole est donc caractérisée par une natalité beaucoup plus soutenue à El Alto qu'à La Paz.
Cela nous permet de comprendre que 52,2% de la population alténienne a moins de 20 ans! (INE)
ce qui contribue à maintenir sa dynamique démographique naturelle.
Par ailleurs, en 1992, le taux de mortalité et le taux de mortalité infantile (calculé pour ce dernier en
considérant uniquement les nourrissons vivant à la naissance et mourant avant leur premier
anniversaire, selon l'INE) restent élevés puisqu'ils atteignent respectivement 15 pour mille et 59
pour mille à La Paz proprement dite (Madelin, 1997). Ces chiffres sont encore supérieurs à El Alto
mais inférieurs aux chiffres relevés dans les campagnes. Les conditions sanitaires et les
infrastructures de santé sont meilleures en ville, et au niveau de l'agglomération, meilleures à La
Paz.
Entre 1976 et 1992, les taux de natalité et de mortalité ayant baissé surtout pour la ville La Paz
(respectivement 26 pour mille et 15 pour mille), on peut donc en déduire que cette dernière est
passée au deuxième stade de sa transition démographique ce qui n'est pas le cas pour El Alto
(Madelin, 1997).
Même si le taux de croissance migratoire tend à diminuer en direction de El Alto, l'importance de
sa croissance démographique (9,23% par an) est pour l'instant assurée par un accroissement naturel
soutenu. Celui-ci est le résultat de la vitalité nataliste de ses habitants couplée à une baisse de la
mortalité (qui reste malgré tout élevée).
Au terme de ce paragraphe, il ressort que l'agglomération est aujourd'hui divisée en deux sous-
ensembles aux comportements démographiques très distincts. Cela se comprend en analysant
l'origine ethnique des habitants qui les composent. On constate finalement l'importance que tend à
prendre de plus en plus El Alto sur La Paz. Il serait intéressant dorénavant d'étudier quelles sont les
principales caractéristiques économiques de la ville d'aujourd'hui afin de comprendre les
changements qui ont pu se produire depuis 1976, et afin de voir si l'on retrouve également des
disparités majeures entre La Paz et sa voisine altiplanique.
41
Le recensement de 1992 fournit des chiffres séparés pour chacune des deux municipalités. Cela
autorise une évaluation plus fine de la situation économique actuelle et surtout cela permet une
comparaison des deux entités de l'agglomération.
Dans un premier temps, on constate en 1992, en dépit du fait qu'il existe de légères différences, que
la répartition classique par branches économiques pour les deux sous-ensembles, présente de
nombreuses similitudes. En effet, si le secteur primaire ne représente que 2% de la population
active dans les deux cas (Fig. 20), taux particulièrement faible mais caractéristique dans les villes,
le secteur tertiaire occupe quant à lui, une place importante aussi bien à La Paz, où il regroupe 73%
de la population active, qu'à El alto dans une moindre dimension avec 63% des actifs (INE).
Toutefois, le recensement distingue pour El Alto, 45% des actifs dans le secteur tertiaire et 18%
dans « autres ». Ce dernier chiffre correspond aux personnes recensées ne spécifiant pas la branche
dans laquelle elles travaillent mais dont on peut supposer qu'elles appartiennent au secteur tertiaire
comme le confirment d'autres travaux menés sur l'économie alténienne (Baby, 1995). Le secteur
secondaire rassemble quant à lui 25% de la population active de La Paz contre 31% à El Alto.
Figure 20 - Répartition de la population active en 1992 à La Paz et à El Alto
42
Cette répartition est tout à fait représentative d'une métropole de pays en développement dans la
mesure où le secteur tertiaire occupe une part très importante de la population active alors que le
secteur secondaire demeure faible avec moins de 1/3 des actifs.
En 1976, sur l'ensemble de l'agglomération, 36% des emplois appartenaient au secteur secondaire
et 64% au secteur tertiaire (PDU). Ces chiffres montrent que la tertiarisation de l'économie s'est
confirmée en l'espace de 20 ans. Dans le détail, on remarque qu'aujourd'hui, l'aggloméra1ion
connaît deux entités économiques très distinctes : La Paz et sa soeur altiplanique.
L'étude de la situation de La Paz, met en évidence un affaiblissement de son secteur industriel
pendant la crise des années 80 et un développement de la concurrence. En effet, de nombreuses
industries notamment du textile ont dû déposer leur bilan car des tissus de meilleure qualité et
surtout moins chers, produits entre autre par le Chili voisin, sont arrivés sur le marché. Cela
explique que le paysage urbain soit à présent jalonné de grands établissements manufacturiers ou
industriels à l'abandon, plus particulièrement dans la zone de Vino Tinto en montant vers
Achachicala au Nord de la Cuenca (pour la localisation, voir Figure 33).
Par ailleurs, La Paz avec une population active qui s'élève à 30% de la population totale,
correspond davantage à une ville de services. Les activités du tertiaire se concentrent, de manière
encore plus marquée qu'en 1976, dans le centre de la Cuenca le long d'avenues comme la avenida
Camacho, la avenida Mariscal de Santa Cruz, la avenida ]6 de Julio ou encore dans le Casco
Antiguo (centre ancien intra muros). La Paz est la ville en Bolivie où l'on compte le plus grand
nombre de banques et le plus grand nombre de groupes d'assurance. Elle demeure également,
comme en 1976, le premier centre politique du pays et la ville des ambassades.
La morphologie urbaine centrale est marquée par de nombreux immeubles dépassant souvent les
vingt étages et renforçant son image de Central Business District (Figures 21 et 22). Mais si 73% de
ses actifs travaillent dans le secteur tertiaire, tous ne travaillent pas dans le tertiaire « moderne ». En
effet, quelle ressemblance existe-t-il entre un lustrador (cireur de chaussures) et un avocat ? Ils sont
pourtant classés dans la même branche, d'où l'intérêt de ne pas considérer uniquement l'étude des
trois secteurs d'activité classiques.
Au même titre qu'en 1976, plus de la moitié des pacéniens travaillent encore dans le secteur
d'activités traditionnelles comme l'artisanat, les activités agricoles, les activités d'employées
domestiques (empleadas) et les petits commerces traditionnels en grande majorité tenus par des
femmes (Madelin, 1997).
43
Figure 21 - Aspect de la ville moderne d'aujourd'hui
Figure 22 - Les marchés, une activité traditionnelle omniprésente
44
En outre, la crise des années 80 a contribué à développer l'économie de la cocaïne, dans la mesure
où les boliviens ont du adopté des mesures de survie et ont trouvé dans ce marché une façon
d'augmenter leurs ressources. Comme le souligne Anne Catherine Madelin, ce sujet étant complexe
et délicat, une analyse plus poussée serait nécessaire en vue d'en saisir des éléments
supplémentaires.
Au cours des vingt dernières années, après la crise des années 80, l'économie pacénienne s'est donc
tertiarisée et les activités traditionnelles restent encore bien présentes.
En ce qui concerne El Alto, bien que la répartition de sa population active dans les grands secteurs
d'activités conventionnels soit assez ressemblante à celle de La Paz, elle n'en demeure pas moins
très différente dans le détail.
En effet, avant tout, 40% de la population est active à El Alto contre seulement 30% à La Paz (est
considéré comme actif, selon l'INE, toute personne âgée de plus de 7 ans ou cherchant un travail).
La différence peut s'expliquer par le fait qu'il y a beaucoup plus de jeunes à El Alto (52,2% des
alténiens ont moins de 20 ans) et que ceux-ci travaillent plus précocement qu'à La Paz. Leur
scolarisation est très réduite voire inexistante devant la nécessité d'aider leurs parents à vivre ou à
survivre.
L'économie alténienne, nous l'avons vu, est dominée par le secteur tertiaire puisqu'il occupe 63%
des effectifs. La première activité de la ville est le commerce qui rassemble 18% des emplois
(INE). Les activités de foire et marché sont omniprésentes dans les rues de El Alto et plus
particulièrement dans le centre La Ceja (pour la localisation, voir Figure 33), à l'Est de la ville au
rebord du talus surplombant La Paz. Deux fois par semaine, le jeudi et le dimanche, a lieu la grande
foire 16 de Julio (du nom du quartier dans lequel elle se déroule), qui s'étend sur des kilomètres et
qui attire des commerçants venus de toute la ville, des alténiens, des pacéniens mais aussi des
personnes originaires des campagnes et villages environnants. Ces foires et marchés sont des lieux
de sociabilité privilégiés et contribuent à animer la vie de la ville.
D'autre part, El Alto regroupe davantage d'industries et d'entreprises artisanales que La Paz. Cette
localisation préférentielle s'explique essentiellement par l'existence de grands espaces bon marché
et par la proximité d'axes de communication dont dispose la ville altiplanique. Mais d'une manière
générale, le secteur secondaire est largement dominé par la construction qui rassemble 1/3 des
emplois du secondaire avec 10% des actifs alténiens (INE). « Les chantiers sont permanents dans la
mesure où la ville est en extension continuelle, mais ce secteur est relativement instable, car les
revenus des travailleurs dépendent des chantiers qui les emploient et de leurs commandes » (Baby,
1995).
45
L'autre caractéristique majeure du secteur secondaire alténien est sa composition poussée en micro-
entreprises dont la plupart sont « invisibles ». Dans une plus grande proportion encore qu'à La Paz,
l'économie informelle est très développée à El Alto comme l'atteste le grand nombre de micro-
entreprises qui sont localisées dans les quartiers d'habitation, dans le logement même des citadins,
sans enseigne donnant sur la rue (Baby,1995). Ces micro-entreprises se caractérisent « par une
rationalité économique où prévaut la subsistance familiale sur celle de l'accumulation » (Baby,
1995). Le niveau de formation y est généralement bas, la productivité y est faible de même que la
rentabilité économique mais elles représentent tout de même une opportunité d'embauche pour les
nouveaux arrivants peu qualifiés qui viennent augmenter chaque année un peu plus la population
alténienne (cf. infra).
« Au niveau spatial, les activités urbaines sont très concentrées dans le secteur de La Ceja, au
détriment des quartiers périphériques où l'on trouve les grandes industries, notamment dans les
quartiers de Alto Lima au Nord et de la zone franche industrielle à l'Ouest » (Baby V.).
Quoiqu'il en soit l'activité parallèle représente indubitablement la véritable dynamique économique
de l'agglomération alténienne. Mais cette situation demeure malgré tout précaire. En effet le taux de
chômage reste élevé puisqu'il est de l'ordre de 12% contre seulement 5% à La Paz. Ce fort taux de
chômage peut s'expliquer, entre autre, par le fait que de nombreux immigrants ne réussissent pas
toujours à trouver du travail. De même, ce sont, selon les sources, entre 80 et 100 000 personnes,
soit ¼ de la population alténienne en 1992, qui descendent quotidiennement travailler à La Paz.
L'intensité de ces mouvements pendulaires montre l'importance de la dépendance de El Alto vis-à-
vis de la ville basse.
Enfin, l'aéroport au cours des « vingt dernières années, a perdu de son poids au niveau national car
celui de Santa Cruz est venu le concurrencer de façon sévère. Ce dernier draine aujourd'hui la
majorité des flux aériens vers la Bolivie aussi bien en ce qui concerne le transport des passagers que
celui du fret. De plus, l'urbanisation alténienne a fini par encercler le site de l'aéroport rendant d'une
part la situation dangereuse et inhibant d'autre part toute potentialité de développement futur.
Au terme de cette analyse il apparaît que, dans le détail, l'aggloméra1ion a connu de nombreuses
modifications dans sa structure économique par rapport à 1976. Il existe aujourd'hui deux entités au
sein de la métropole actuelle bien distinctes de part leurs activités qui reprennent les disparités de
comportement démographique remarquées préalablement entre El Alto et La Paz. Les deux sous-
ensembles sont cependant intimement liés comme l'atteste la vigueur des mouvements pendulaires
visible quotidiennement au départ de El Alto en direction de La Paz. D'autre part, El Alto
représente une réserve d'espaces non négligeable pour les industries pacéniennes. Après avoir
étudié l'agglomération du point de vue de sa démographie et de son économie, l'analyse de sa
dimension spatiale permettrait d'appréhender l'évolution de la trame urbaine depuis 1976.
46
En 1992, l'agglomération toute entière couvre 13 000 hectares répartis entre El Alto et La Paz qui
occupent respectivement 6 600 et 6 400 hectares (Baby, 1995). Cette répartition met en évidence
par rapport à 1976, une extension importante de l'agglomération qui ne couvrait alors que 6 000
hectares (PDU), soit une surface urbanisée 2,2 fois plus vaste en l'espace de 16 ans (Figure 23) !
Cet état de fait est bien sûr à mettre en rapport avec l'importante croissance démographique qu'a
connue l'agglomération au cours de cette période. On constate, en outre, que la superficie de El
Alto est supérieure aujourd'hui à celle de La Paz, ce qui n'était pas le cas en 1976 puisque La Paz
occupait environ 3 300 hectares contre 2 700 pour El Alto. Ce devancement s'explique par une
croissance démographique qui a été beaucoup plus élevée à El Alto qu'à La Paz (9,23% contre
1,78% par an). De même cette extension urbaine accrue sur un milieu physique fragile et
contraignant ne doit pas manquer, surtout pour La Paz, de causer aujourd'hui des problèmes.
L'extension s'est déroulée pour La Paz dans la Zona Sur et dans une moindre mesure au Nord dans
la vallée du Rio Achachicala et dans la vallée menant aux Yungas (vallées tropicales humides) en
amont de Villa Fatima (voir carte, page suivante). Les espaces libres en 1976, sur le versant Ouest
de la Cuenca sous le rebord de l'Altiplano, ont été également comblés. L'extension de El Alto quant
à elle, s'est organisée en confirmant les tendances antérieures en direction de l'Ouest, du Nord et du
Sud, le long des principales voies de communication et a fini par encercler l'aéroport.
L'étude de la carte du recensement de 1992 (Figure 24) est intéressante en ce sens qu'elle dénombre
en 1992, 225 zones contre seulement 90 en 1976 (Figure 6). Cela autorise une approche plus
détaillée de l'agglomération dans la mesure où les zones préexistantes ont été divisées (9 seulement
ont été créées). Cette augmentation du nombre de zones recensées s'est avérée nécessaire, car
l'agglomération s'est certes étendue mais également densifiée.
47
Figure 23 - Physionomie de l'agglomération en 1976 et 1996
Figure 24 - Découpage du recensement de 1992 en 225 zones
48
La densification urbaine procède de plusieurs facteurs. A La Paz, nous l'avons vu, la population a
fortement augmenté au cours des vingt dernières années dans un site confiné aux capacités d'accueil
limitées. La pression démographique a été telle, que chaque espace vide a été urbanisé, sans
d'ailleurs forcément tenir compte de leurs caractéristiques géotechniques.
Parallèlement s'est opéré la « consolidation » des espaces déjà construits par une verticalisation du
bâti afin d'accroître le rapport surface au sol/personnes logées. Le centre de la Cuenca a vu et voit
encore fleurir de multiples immeubles qui dépassent bien souvent 20 étages pour répondre à la
pénurie de logement. Toutefois le loyer des appartements y est très coûteux et par conséquent seule
la population à hauts revenus peut y habiter. De même, la présence de ces édifices en hauteur tend à
détériorer sévèrement le patrimoine architectural de la ville ancienne. Un autre type de
densification plus discret et plus progressif existe également. Il s'agit la plupart du temps d'un
processus individuel qui consiste à ajouter en fonction des besoins et des ressources financières des
familles, d'autres pièces, d'autres étages à la construction initiale. Ces pratiques sont surtout visibles
à El Alto et sur les versants pauvres de la Cuenca.
L'évolution des densités urbaines de La Paz entre 1976 et 1992, a été étudiée par Anne Catherine
Madelin dans son mémoire de maîtrise. Ses cartes, élaborées à partir de photos aériennes,
permettent une analyse détaillée par quartier pour les deux périodes (Figure 25). En ce qui concerne
les densités de El Alto, Virginie Baby dans son mémoire de DEA, a dressé une carte de la situation
de 1992 mais comme elle le souligne, l'INE ne dispose pas de la superficie des zones recensées ce
qui rend le calcul des densités difficile et approximatif. Il en ressort néanmoins que les quartiers les
plus « anciens » à l'Est de l'agglomération sont les plus densément peuplés, car on y dénombre
jusqu'à plus de 240 habitants à l'hectare alors que les quartiers périphériques de l'Ouest, du Nord et
du Sud, plus récemment urbanisés, comptabilisent quant à eux, bien souvent moins de 25 habitants
à l'hectare.
49
Figure 25 - Evolution des densités du bâti entre 1976 et 1992
50
Aujourd'hui, la densité moyenne de l'agglomération est de l'ordre de 86 habitants par hectare. Mais
si l'on compare la densité moyenne des deux municipalités, on constate que bien évidement celle de
La Paz est supérieure avec 111,5 hab./Ha contre 61,5 pour El Alto.
La version 2.0.7 pour Macintosh du logiciel Cabral 1500 inventé par Philippe Waniez, chercheur à
l'Orstom, est innovatrice en ce sens qu'elle permet une représentation des quantités à l'intérieur des
unités spatiales par un semis de points aléatoire. Un point correspond à une valeur choisie
préalablement. C'est la méthode que j'ai retenue pour l'élaboration des deux cartes de la Figure 26
dans la mesure où la représentation classique de la population en cercles proportionnels n'était pas
pertinente. Les populations par zones recensées sont souvent plus ou moins égales et la petitesse
des unités spatiales rendait la lecture de la carte difficile voire impossible. D'autre part le semis de
points aléatoire peut donner une idée des densités par secteur au sein de l'agglomération. Sur la
carte suivante, un point équivaut à 30 individus.
Alors que la carte des zones recensées de 1992 a largement été diffusée par le l'INE, la carte du
recensement de 1976 reste à l'inverse très méconnue et pratiquement inexploitée. Au cours de mes
6 mois de recherche, je ne l'ai rencontrée dans aucun document, dans aucun livre et personne n'en
avait jamais entendu parlé! L'INE m'a finalement révélé son existence et m'en a fourni une copie,
moyennant pécule, dans un format très peu pratique (3 planches de 1m x 1,6m!). D' autre part, alors
que les données statistiques sur l'ensemble de l'agglomération correspondent à 64 zones, la carte en
dénombre 90 ! Il m'a donc fallu pratiquer un réajustement, dans la mesure où certaines données
s'appliquent à plusieurs unités recensées (entre 2 et 5), en divisant alors ces valeurs par le nombre
de zones qui leur est associé.
Le résultat n'est par conséquent qu'une approximation de la réalité et met en évidence les limites du
recensement dès que l'on en exploite les données d' autant que, comme nous l'avons vu, le nombre
et la forme des zones de référence ont changé ce qui complique la comparaIson.
Quoiqu'il en soit, les cartes suivantes permettent de conclure que la trame urbaine s'est
particulièrement densifiée dans les quartiers anciens, alors qu'en même temps son extension
spatiale s'est fortement accrue au cours des vingt dernières années.
51
Figure 26 - Evolution des densités de population entre 1976 et 1992
52
D'une façon générale, la concentration dans l'espace d'hommes et de leurs infrastructures tend à
faire augmenter les prix du foncier. Ce processus est encore plus vrai à partir du moment où des
actions commerciales de spéculation se mettent en place, aboutissant à la longue à un
surenchérissement des terrains et, la plupart du temps, à des périodes de crises (schéma de la bulle
spéculative). Le cas de La Paz n'échappe pas à la règle. Les valeurs foncières élevées sont
directement imputables à la spéculation. Celle-ci est visible au travers du décalage marqué qui
existe entre les prix cadastraux et les prix pratiqués par les promoteurs et investisseurs
correspondant pour ces derniers, davantage à la loi de l'offre et de la demande.
Il arrive, en cas de forte spéculation, que les prix pratiqués atteignent jusqu'à 4 fois leur valeur
cadastrale (cas de San Jorge). La spéculation est aussi perceptible dans le prix des loyers, souvent
surévalué dans les secteurs densifiés.
La valeur cadastrale d'un terrain définie par la mairie est établie en fonction de ses équipements en
services (adduction d'eau, installation électrique et téléphonique, connexion à un réseau d'égout..)
puis en fonction de sa localisation par rapport au centre-ville et par rapport aux services
commerciaux et administratifs. Son accessibilité entre également en ligne de compte. De même, les
caractéristiques topographiques, climatiques et de constructibilité influence cette valeur. Ceci est
d'autant plus vrai pour la ville de La Paz, dont les caractéristiques environnementales sont très
hétérogènes et contraignantes (voir I/B).
La schématisation cartographique des valeurs cadastrales de La Paz proprement dite, nécessite au
préalable de définir le terme de « macrozone » utilisé par la Direction Générale des Impôts
(Direccion General de Impuestos, qui en distingue trois.
La première correspond aux secteurs de la zone Sud et aux secteurs comme le centre-ville qui
connaissent une densification accrue avec des valeurs cadastrales élevées atteignant jusqu'à 390
USD par mètre carré (valeur d'août 1996). Appartiennent aussi à ce groupe, deux zones isolées au
sud de l'agglomération, la Urbanización del Valle de Aranjuez (B sur la Figure 27) et la
Urbanización Providencia, (Mallasilla) (C sur la Figure 27). Ces dernières correspondent à des
secteurs résidentiels privés, protégés par des enceintes et gardés par des vigiles, où vit la « Haute
Société Pacénienne », dans des villas somptueuses.
La Macrozone 2 est associée à des secteurs dont les valeurs atteignent un maximum de 115 USD
par mètre carré et un minimum de 5,5 USD. Ces secteurs sont majoritairement situés dans une
première couronne extérieure au centre urbain.
Enfin, la dernière macrozone dévoile un ensemble de zones dont la valeur minimale est 4 USD par
mètre carré. Elle correspond aux secteurs non urbanisés alentours où la pression foncière demeure
faible. On la retrouve essentiellement en périphérie Nord, Est et Sud de la ville de La Paz avec
quelques exceptions comme la zone de Callapa (A sur la Figure 27) qui est encerclée par des
secteurs appartenant aux macrozones 1 et 2.
Cette dernière macrozone n'existe pas à l'ouest de la commune de La Paz, car c'est dans ce secteur
de rebord de l' Altiplano que convergent, bien que les pentes soient fortes du côté pacénien,
l'urbanisation de El Alto et celle de La Paz.
53
Figure 27 - Zonage du cadastre
EL
54
En ce qui concerne El Alto, les valeurs cadastrales sont largement inférieures à celles de La Paz, car
la densité urbaine y est moindre. Les prix du cadastre diminuent rapidement depuis La Ceja, le
centre actif, où ils s'élèvent au maximum à 40 USD par mètre carré, vers les périphéries Nord, Sud
et Ouest où les terrains ne valent plus que 2 USD par mètre carré (Gozálvez, 1996).
Il est intéressant de comparer la carte des macrozones cadastrales (Figure 27) avec la carte
topographique (Figure 14) ou avec la carte de constructibilité de La Paz (Figure 18). La première
comparaison montre que les zones à valeurs cadastrales élevées se calquent parfaitement sur les
fonds de vallée. Inversement, les zones des deuxièmes et troisièmes macrozones correspondent aux
parties en pente comme la bordure Ouest de La Paz ou aux secteurs au relief accidenté comme le
secteur de Achocalla au Sud ouest de l'aggloméra1ion (Figure 27). Cette première comparaison
semble logique dans la mesure où les fonds de vallée correspondent généralement à des endroits
disposant d'espaces plus ou moins vastes et plus ou moins plans où l'implantation urbaine s'est
développée en premier lieu et s'y est densifiée (cas du centre colonial).
L'urbanisation des fonds de vallée au Sud et au Sud-Est s'est amorcée lorsque la classe aisée n'a
plus trouvé à proximité du centre que des terrains pentus et instables. Ces fonds de vallée, en dépit
du fait que les prix du foncier y soient élevés, n'en restent pas moins des zones inondables (Valle
Irpavi, Valle Achumani, voir Figure 27). Ce dernier point nous permet maintenant d'introduire la
comparaison avec la carte de constructibilité de La Paz qui va fournir en outre, une explication à la
faible valeur cadastrale des terrains de Callapa (A sur la Figure 27). En effet, nous l'avons souligné
auparavant, ce secteur de la troisième macrozone est encerclé par des secteurs appartenant aux deux
premières zones, de valeurs cadastrales plus fortes. L'observation de cette carte fait remarquer que
cet espace ne permet aucun aménagement possible, d'où la faible valeur du foncier, malgré sa
localisation relativement proche du centre.
En ce qui concerne les deux îlots d'urbanisation Mallasilla et Valle de Aranjuez (B et C sur la
Figure 27), ils correspondent à une exigence d'une partie de la catégorie sociale la plus aisée. Celle-
ci recherche la tranquillité (quartiers éloignés du centre), des conditions climatiques plus favorables
(basse altitude), sans tenir compte des caractéristiques géotechniques peu propices à l'urbanisation.
Ceci sous-entend que des aménagements onéreux ont du être entrepris, et seule la classe aisée
pouvait financer.
Ce dernier point est un élément révélateur en ce sens qu'il permet de mettre en évidence que la terre
est particulièrement prisée dans la ville de La Paz. Cela amène les pacéniens à bâtir de plus en plus
loin du centre surchargé, en négligeant d'ailleurs bien souvent l'aptitude géotechnique des terrains.
Ce processus est bien sûr, directement lié à la densification et à l'extension spatiale accrues qu'a
connues l'agglomération au cours de ces 20 dernières années. D'autre part, l'exemple des quartiers
résidentiels de Mallasilla et del Valle Aranjuez permettent d'évoquer également la ségrégation
sociale qui affecte la ville de La Paz.
Quelle est sa part actuelle dans l'agglomération ? S'est-elle globalement accrue par rapport à 1976
et si oui dans quelle mesure ?
55
Dans le premier chapitre, nous avons remarqué qu'en 1976, il existe déjà à La Paz, des disparités
sociales flagrantes liées aux conditions environnementales. Les populations pauvres s'installent le
plus souvent à El Alto et sur les versants de la Cuenca où les conditions topographiques,
géologiques et climatiques ne sont guère favorables et où le prix du foncier demeure bas. A
l'inverse les habitants aisés s'implantent de préférence dans la Zona Sur où les conditions
environnementales paraissent meilleures (d'après les promoteurs immobiliers...) et où la valeur des
terrains est élevée.
Nous avons vu aussi que l'agglomération de El Alto s'est fortement étendue en direction de l'Ouest,
du Nord et du Sud, et celle de La Paz en direction du Sud et du Sud-Est. Parallèlement, les quartiers
déjà urbanisés se sont notablement densifiés au cours des vingt dernières années. L'étude des
valeurs cadastrales a, en outre, permis de constater qu'il existe des différences spectaculaires en ce
qui concerne le prix du foncier résultant, pour une grande part, de la spéculation immobilière. On
note 2 USD par mètre carré dans la périphérie occidentale alténienne, contre 280 USD pour la
Urbanización Valle de Aranjuez à l'extrême Sud de La Paz (valeurs de 1996). On peut en déduire
que, dans un premier temps, les secteurs d'implantation de la classe aisée et de la classe défavorisée
s'éloignent de plus en plus les uns des autres, et de plus en plus du centre-ville, et que, dans un
deuxième temps, le schéma antérieur, « les riches en bas, les pauvres en haut », se confirme. De
surcroît, l'accès au logement s'avère de plus en plus difficile et problématique pour les nouveaux
arrivants, la plupart originaires du milieu rural pauvre. Bien souvent, ces derniers ont tendance à
s'implanter illégalement.
Par ailleurs, il y a 20 ans, on constatait déjà un certain favoritisme dans le domaine des dépenses
municipales pour la Zona Sur aux dépens de El Alto. Cette dernière fournissait 8% des recettes
fiscales de l'agglomération et ne bénéficiait en retour que de 5% des dépenses alors que les
quartiers résidentiels aisés de El Bajo ne fournissaient que 10% des recettes fiscales mais recevaient
22% des investissements (Baby, 1995). Aujourd'hui, les municipalités de El Alto et de La Paz sont
indépendantes. Mais cette dernière continue à orienter de façon préférentielle ses dépenses vers la
Zona Sur. De même, les opérations municipales (connexion aux services de base du type eau,
électricité...) en faveur de l'intégration et de la revalorisation de certaines banlieues, entraînent
inévitablement une augmentation de la valeur de leurs sols et du prix des locations et anticréticos
(sorte de crédit bail immobilier). Bien souvent, les habitants d'un quartier récemment équipé se
voient dans l'obligation de migrer vers un autre secteur généralement excentré, leurs revenus ne
leur permettant plus de faire face à ces augmentations. Ces constats permettent de souligner le rôle
inattendu et ambigu que peut jouer une mairie dans l'augmentation de la ségrégation à l'intérieur de
sa juridiction.
56Le type d'habitat, au même titre que le lieu d'implantation, est également un élément révélateur vis-
à-vis des inégalités sociales. L'agglomération pacénienne possède des quartiers très distincts les uns
des autres dans lesquels la superficie des propriétés est très variable. Les populations à hauts
revenus sont dans l'ensemble de grandes consommatrices d'espace, alors qu'à l'inverse les
populations défavorisées se voient dans l'obligation de s'entasser. De bas en haut de la ville, on
passe progressivement, des villas somptueuses dans les vallées Sud (Figures 28, 29), aux
immeubles du centre-ville (Figure 21), puis aux maisons en adobe (mélange de glaise et de paille)
et en ladrillos (briques rouges) avec toit de tôle, sur les versants de la Cuenca et à El Alto (Figures
30, 31). Sur les pentes, plus on gagne en altitude et plus les maisons sont rudimentaires et ne
possèdent qu'un rez-de-chaussée, parfois composé d'une seule pièce.
Bien sûr, l'équipement des différents quartiers en services élémentaires (eau, électricité...) n'en
demeure pas moins très inégal.
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Figure 28 - Calacoto, un quartier résidentiel bourgeois au Sud de La Paz
Figure 29 - Rue pavée, arbres d'ornement et voitures onéreuses, aspect d'une rue de Calacoto
Figure 30 (ci-dessus) - Le versant Ouest de la Cuenca :
au premier plan, des blocs d'adobe, au second plan des constructions dont la
base est en adobe et l'étage en brique rouge, signe d'ascension sociale
Figure 31 (à gauche) - Une ruelle sur le versant Ouest, un secteur défavorisé
D'une manière générale, dans un pays en développement, le taux d'équipement des constructions en
services de base (eau, électricité, égout, et éventuellement téléphone) est fonction de la richesse de
leurs habitants. Que nous enseigne la représentation cartographique, élaborée à titre d'exemple, du
pourcentage de logements équipés en eau courante (amenée par canalisation à l'intérieur ou à
l'extérieur de l'habitation) par quartier en 1976 et en 1992 au niveau de l'agglomération pacénienne
? Vient-elle confirmer ce propos ? Y apporte-t-elle des nuances ? Y a-t-il une réduction des
déséquilibres ?
D'après les données de l'INE, en 1976, 90,2% des logements disposaient de l'eau sur l'ensemble de
l'agglomération. Cette proportion a chuté en 1992 à un taux de 88,3%. Dans le détail, on remarque
qu'une plus grande proportion d'habitations y a aujourd'hui accès à El Alto (85,6% contre 83,6% en
1976) contrairement à La Paz, où elle a diminué (89,8% en 1992 contre 91,3% en 1976).
D'après la figure 32, en 1976, au moins une maison sur deux avait accès à l'eau. En 1992, dans
certains secteurs seulement 10% des habitations sont équipées. On pourrait donc penser que d'après
la représentation cartographique, la situation semble avoir empiré entre les deux dates. Il faut
toutefois prendre garde. En effet, la faiblesse de la dernière valeur s'explique dans la mesure où la
carte du recensement de 1992 autorise une approche beaucoup plus fine de la situation, car elle
possède, comme nous l'avons vu, 225 zones au lieu de 90 en 1976. Ceci permet de déceler
l'existence de secteurs très mal desservis alors qu'en 1976, le découpage en zones beaucoup plus
grandes ne le permettait pas. La comparaison nécessite donc de prendre toutes ses précautions.
L'analyse cartographique révèle qu'en 1976, les secteurs les mieux équipés (où plus de 90% des
habitations dispose de l'eau) se localisent essentiellement dans le centre de la Cuenca, puis dans son
prolongement en direction des vallées Sud et de manière isolée à El Alto. Le fort taux d'équipement
du centre de la Cuenca s'explique par le fait que les quartiers sont pour la plupart déjà anciens et ont
été les premiers reliés au réseau d'eau municipal. Le prolongement Sud-Est est également bien
équipé car il correspond au secteur résidentiel en pleine expansion de la classe aisée qui a des
exigences et qui peut se les offrir.
A priori, de façon surprenante, 5 zones à El Alto connaissent, en 1976, un taux d'équipement
compris entre 90 et 95% et les zones Ciudad Satelite et Villa Los Andes, un taux supérieur à 95%,
bien qu'elles soient récentes et habitées par la classe défavorisée (Figure 32). Leur desserte en eau
très satisfaisante se comprend dans la mesure où elles ne résultent pas d'un développement spontané
et anarchique. Au contraire, elles correspondent à des quartiers planifiés, entrepris par les pouvoirs
publics pour répondre à la pénurie de logements, et conçus avec un réseau d'adduction d'eau.
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Figure 32 - Disponibilité en eau courante par secteur
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En 1992, on remarque que le centre de la Cuenca demeure toujours le secteur le mieux équipé. De
même, le quartier de Miraflores situé dans une vallée adjacente à l'Est du centre, et les quartiers de
Calacoto, San Miguel et Achumani dans la Zona Sur, habités par les gens à haut revenus, ont connu
une amélioration notoire de leur desserte en eau (Figure 32). Cependant, certaines maisons
bourgeoises, notamment dans le secteur de Achumani, ne disposent toujours pas de l'eau courante,
et chaque semaine un camion-citerne vient les ravitailler! En effet, l'urbanisation a été extrêmement
rapide et a devancé la viabilisation des parcelles. Ceci reste néanmoins exceptionnel et provisoire.
Le versant abrupt à l'Ouest de la Cuenca reste, quant à lui, dans son ensemble moins bien équipé
que le centre, dans la mesure où il correspond, comme nous l'avons vu, au lieu d'habitation de gens
à bas revenus implantés plus ou moins légalement. Toutefois, les constructions de cette zone sont
davantage approvisionnées qu'en 1976 grâce aux opérations d'intégration et de revalorisation
municipales préalablement étudiées, mais surtout grâce aux captages d'eau et systèmes d'adduction
mis en place par les habitants eux mêmes, regroupés en coopératives, pour palier aux carences du
réseau de la S.A.M.A.P.A (Sociedad Autonoma Municipal para Agua Potable y Alcantarillado :
société autonome municipale pour l'eau potable et le réseau d'égouts).
En ce qui concerne El Alto, la bordure Est, surplombant La Paz, apparaît très bien équipée puisque
au moins 90% des logements y ont l'eau courante, ce qui n'était pas le cas en 1976. Les immenses
terrains de l'aéroport s'avèrent desservis à plus de 90%. En réalité, ils n'abritent qu'un faible nombre
de logements (560) sur lesquels seulement 43 n'ont pas accès à l'eau courante (INE). Les zones
périphériques, surtout à l'Ouest, sont les moins bien alimentées, car l'urbanisation y est très récente,
très peu dense, très excentrée et occupée par les plus défavorisés. Sur l'ensemble de l'agglomération
alténienne, depuis 1976, le nombre de foyers équipés en eau a augmenté aussi bien en valeur
absolue qu'en valeur relative, mais la proportion de logements équipés extérieurement aussi. Ceci
met en avant l'idée que la desserte en services augmente mais elle tend à perdre en qualité. En
outre, certains secteurs équipés ne disposent de l'eau que quelques heures par jours (Baby, 1995).
En résumé, l'agglomération pacénienne révèle des disparités flagrantes en ce qui concerne l'accès à
l'eau, alors que la ressource hydrique abonde avec la proximité de la Cordillera Real, et ce, de
manière encore plus accentuée qu'en 1976. Ces constats confirment l'idée que la ségrégation
augmente à l'intérieur de la métropole. Il serait également intéressant, de cartographier l'équipement
électrique ou téléphonique des logements et leur connexion à un réseau d'égout. Cela permettrait de
souligner aussi les inégalités sociales et les déséquilibres qui affectent l'ensemble urbain. Mais ce
sujet étant un thème d'étude à part entière, nous en resterons à l'exemple de l'équipement en eau.
Les principales composantes démographiques, économiques, spatiales et sociales de la métropole
d'aujourd'hui, nous ont permis de mettre en évidence un certain nombre de problèmes et de
déséquilibres. Cette situation nous amène à penser que l'agglomération a suivi d'autres schémas
d'évolution que ceux proposés par le Plan de Desarrollo Urbano de 1976. Qu'en est-il réellement ?
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L'histoire de l'évolution de l'agglomération pacénienne au cours de ces vingt dernières années,
montre que beaucoup de facteurs inopinés sont venus influencer son développement. Ceci permet
d'expliquer l'existence aujourd'hui, de nombreux décalages par rapport aux prévisions formulées
par le Plan de Desarrollo Urbano en 1976. Quelle est l'ampleur des principales déviations visibles
aujourd'hui ? Quelles en sont les causes ?
Rappelons-le, le PDU fut élaboré en 1976-77 par des équipes de spécialistes français et boliviens en
vue d'établir un bilan global de la capitale et de proposer des schémas d'évolution tendancielle à
deux échéances, 1990 et 2010.
Le PDU prévoyait que l'agglomération passerait de 655 000 habitants en 1976 à 1 015 000 en 1990.
En 1992, l'INE recense 1 118 870 individus sur l'ensemble de la métropole. Si les pronostics pour la
première échéance s'avèrent globalement vérifiés au niveau de l'agglomération, dans le détail ils
n'en demeurent pas moins très éloignés de la situation actuelle. En effet, d'après le plan, El Alto
devait comptabiliser 215 000 personnes en 1990. Or, en 1992, cette ville rassemble 405 500
individus, selon l'INE, soit presque le double des prévisions.
D'autres erreurs de calcul concernent également la population de Achocalla, une dépression voisine,
plus au Sud (Figure 33) et la population de Rio Abajo. Le plan estimait respectivement leur
population à 65 000 et 10 000 habitants en 1990. Or, on constate aujourd'hui que ces secteurs n'ont
pas connu le développement escompté. En 1992, la partie en aval des gorges de Aranjuez ne
comprend que 4 670 habitants selon l'INE, répartis entre les quartiers Valle de Aranjuez, Mallasa et
Mallasilla, pour l'essentiel (Figure 33). La population de Achocalla, restée largement rurale, est
estimée à moins de 2 000 personnes (elle ne figure pas dans le recensement de La Paz, ni dans celui
de El Alto et n'apparaît pas non plus comme centre de plus de 2 000 habitants dans la province de
Murillo).
D'autres zones non plus n'ont pas été urbanisées. Alors que le plan prévoyait le développement du
Sud de El Alto, en contournant la dépression de Achocalla, l'urbanisation alténienne s'est surtout
opérée de manière concentrique à partir du centre La Ceja (Figure 33). Les périphéries Nord, Ouest
et Sud se sont développé de manière plus ou moins égale, le long des axes de communication
(Figure 23). L'urbanisation a fini par encercler l'aéroport, alors que le schéma directeur projetait de
le déplacer beaucoup plus à l'extérieur de la ville, sur l'Altiplano (plusieurs sites avaient été
proposés). Il semble qu'il y ait aujourd'hui, peu de chances pour qu'on le change d'emplacement.
Les pouvoirs publics alténiens en manifestent certes l'envie, mais les moyens financiers manquent
d'autant que, comme nous l'avons vu, ce dernier a perdu de son importance au niveau national, au
profit de l'aéroport de Santa Cruz. Cette localisation dans le tissu urbain est dangereuse pour les
habitants qui en plus doivent supporter des nuisances sonores considérables.
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