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Le site pacénien, nous l'avons vu, est particulièrement contraignant pour les implantations
humaines de par sa topographie, ses formations géologiques, et ses conditions climatiques... La
ville n'occupe non plus seulement le site originel abrité composé de dépôts fluvio-glaciaires
structurés et peu inclinés sur les berges du Rio Choqueyapu, mais également des secteurs en pentes,
des secteurs aux sous-sol instables, et des lits majeurs... Cela contribue à accroître les situations à
risque et par là même à augmenter la vulnérabilité des biens et des personnes, dans un contexte de
croissance urbaine à l'origine d'une demande en espace croissante déjà d'actualité en 1976.
Le risque pour l'homme et ses biens peut se définir « comme un danger éventuel, plus ou moins
prévisible, dans une aire non précisément délimitée, d'une durée indéterminée » (Bailly, 1996) ou
encore comme « la probabilité d'occurrence d'un dommage, liée à la conjonction territoriale d'un ou
plusieurs dangers et d'une présence humaine » (Pigeon, 1996).
26Il existe une grande diversité de risques; d'une part les « risques de société » (Bailly, 1996) tels que
les risques d'épidémies, les risques de guerre, les risques sociaux (chômage, ségrégation sociale...)
ou encore les risques technologiques (risque nucléaire, risque d'incendie industriel...). Existent
également des risques qui dépendent de « phénomènes d'origine présumée naturelle » (Pigeon, 1996)
tels que les risques volcaniques, les risques de raz de marée, les risques de cyclones, le risque de
sécheresse... Aussi, dans cette étude sera-t-il uniquement question des risques de ce dernier type et
uniquement de ceux qui affectent plus spécifiquement La Paz, c'est-à-dire, les risques d'inondation,
les risques de glissement de terrain, les risques sismiques.
L'homme peut donc être perçu, en premier lieu comme un élément vulnérable face à des situations
à risque. La vulnérabilité se caractérise par « toute forme de présence humaine menacée par un
danger » (Pigeon, 1996) ou encore comme « la propension d'une société donnée à subir des
dommages en cas de manifestation d'un phénomène naturel ou anthropique » (D'Ercole, 1994). Cette
deuxième définition permet d'introduire l'idée que l'homme, de par ses activités et infrastructures,
engendre indubitablement des modifications dans son environnement et dans la dynamique
naturelle d'évolution de ce dernier. Ces « impacts anthropiques » peuvent être considérés comme des
facteurs de vulnérabilité en eux-mêmes. Leur étude s'avère souvent complexe, du fait de la
multiplicité des éléments qui entrent en ligne de compte.
Dans le cas de La Paz, l'occupation irrationnelle de terrains à forte pente et/ou instables,
l'urbanisation des zones inondables, la déstabilisation de versants par déboisement et par certaines
pratiques agricoles, la modification des écoulements par l'urbanisation et par la construction d'axes
de communication, le sous dimensionnement et/ou l'absence d'entretien des ouvrages de drainage,
les constructions sur remblais et/ou sans fondations profondes... sont autant de facteurs qui tendent
à modifier le milieu physique et les processus de son façonnement et qui tendent à leur tour à
accroître les situations à risque et donc la vulnérabilité des biens et des individus (figure 15).
Concrètement, à La Paz, si les risques de glissement de terrain et d'inondation sont bien présents, le
risque sismique est quant à lui limité (Figure 16). Il n'en demeure cependant pas pour autant
inexistant. En effet, depuis la fondation de La Paz aucun foyer sismique ne s'est situé à moins de 70
km de la ville et aucune secousse dépassant l'intensité V sur l'échelle de Mercalli Modifiée (dont le
maximum est XII) ne s'est produite dans la zone (PDU, tome 1, p B-46). Dernièrement, le 22 mai
1998, un tremblement de terre s'est produit à quelque 400 kilomètres à l'Est de La Paz où il fut
également ressenti puisque l'Observatoire San Calixto de La Paz a enregistré deux secousses à un
quart d'heure d'intervalle, d'une magnitude de 5,9 et 6,8 respectivement (information recueillie sur
le site web de CNN, 22 mai 1998).
Toutefois, et il ne faut pas le négliger, les tremblements de terre de faible intensité, même s'ils
n'engendrent pas de dommages directs sur les établissements humains, peuvent déclencher et
activer des chutes de pierres, des affaissements locaux, des écroulements, des glissements de terrain
qui sont quant à eux susceptibles d'être préjudiciables aux implantations de l'homme et a fortiori
quand celles-ci sont localisées dans des zones présentant originellement un risque.
Enfin, la présence de failles à El Alto, peut, en outre, présenter un risque. Leurs rejeux demeurent
néanmoins très faibles (Ballivián, 1978).
Figure 15 - Interrelations entre implantations humaines / milieu physique de montagne / phénomènes géodynamiques et hydrométéorologiques
Figure 16 - Carte d'aléa sismique à l'échelle nationale
Au regard de cette analyse, il ressort que la vulnérabilité des personnes et de leurs biens au sein de
la ville de La Paz est un fait déjà d'actualité en 1976. Si l'on part du principe que le développement
d'une agglomération passe, entre autre, par la protection de ses structures humaines, économiques et
environnementales, on comprend que les politiques manifestent le désir d'une part de minorer ou
prévenir les risques pour les infrastructures existantes et d'autre part de trouver de nouvelles
alternatives d'expansion avec un minimum de risque. La question qui se pose maintenant est de
savoir grâce à quelles mesures le gouvernement de l'époque s'y est employé.
29C/ ...d'où l'idée d'élaborer un plan de développement urbain
L'objet de ce chapitre est de comprendre quels ont été les objectifs du Plan de Développement
Urbain de la Ville de La Paz de 1976, notamment en ce qui concerne la vulnérabilité et les risques,
et dans un deuxième temps de connaître selon quelle logique, dans quel contexte et à l'aide de quels
moyens techniques, financiers et humains il a été réalisé.
1/ Un contexte de stabilité politique et économique favorable
Depuis 1824, date de son indépendance, la Bolivie a connu pas moins de 300 tentatives de putsch
réussies ou non et quelque 80 présidents ce qui la classe comme étant le pays d'Amérique du Sud le
plus instable politiquement. En 1976-77, Hugo Banzer Suarez est à la présidence depuis 1971. Son
régime dictatorial « assure » une relative stabilité politique et économique qui permet aux pouvoirs
publics de s'intéresser de plus près au problème de la croissance urbaine. « La ville de La Paz ne
possédait alors aucun outil de référence en matière de développement » (Masure, 1996) et seules
existaient « des normes d'un règlement de zonage des sols, lui-même sujet à des changements
périodiques » (Navarro Flores, 1978). Les conditions étaient donc propices à la réalisation d'études
qui visaient à concevoir des instruments de planification adaptés au site particulièrement instable et
contraignant de l'agglomération pacénienne.