D. Les projets concurrents d'Anvers et Rotterdam
Des projets de création d'axes lourds
réservés à l'acheminement du fret existent
déjà à l'étranger et visent à
améliorer techniquement et commercialement les modalités de
pré- et post-acheminement des ports du Bénélux. Ils
cherchent manifestement eux aussi à rendre plus compétitive
l'évacuation des conteneurs maritimes et à repousser ainsi la
profondeur de l'hinterland des ports d'Anvers et de Rotterdam. Deux projets
sont proposés dont celui de Rotterdam qui a été
signé par le gouvernement néerlandais :
Les autorités hollandaises ont pour leur part
établi un projet de ligne ferroviaire dédiée au fret,
à l'instar du GCP en France, appelée la « Betuwe
Lijn ». Longue de 160 km, la Betuwe Lijn sera apparemment apte
à des procédures d'exploitation innovantes pour un chemin de fer
européen : trains longs et lourds affichant un poids à
l'essieu de 35 tonnes avec la technique nord américaine du double stack
(deux conteneurs superposés). Conçue comme une artère
d'évacuation massive par navettes des terminaux de la Maasvlakte
à Arnhem(extension la plus occidentale du port de Rotterdam) vers les
réseaux de distribution routiers, fluviaux et ferroviaires
européens à partir de la frontière allemande, le projet
prévoit une ligne à deux voies avec une capacité de dix
trains par heure dans chaque sens pour une vitesse commerciale de 120 km/h. Un
projet qui peut faire rêver Le Havre. La ligne est la première
étape d'un axe qui devrait être prolongé jusqu'à la
frontière suisse selon les accords pris entre les gouvernements
hollandais et allemands. Mise en service attendue en 2004.
Ce projet revêt une importance capitale pour le premier
port européen car le chemin de fer n'a pour l'instant qu'une part
très faible de la desserte terrestre de Rotterdam (4,5% en 1997) mais le
port a vite pris conscience de l'enjeu de l'outil ferroviaire sous
système de navettes pour intensifier les flux de conteneurs vers
l'arrière-pays et de répondre ainsi efficacement à la
massification du transport maritime. Actuellement sous la menace de la
congestion ferroviaire, Rotterdam pourra ainsi accompagner l'expansion du rail
et prévoit à partir de 2005-2006 de quintupler la capacité
des infrastructures.
Ce projet a été retenu parmi les 14 projets
d'infrastructures de transport prioritaires définis par Bruxelles au
Conseil Européen d'Essen en 1994 et sera entièrement
financé par l'Union Européenne.
De leur côté, les belges qui ont également
compris l'enjeu du rail poussent un « vieux projet »
concurrent, desservant la Rhur et la « banane bleue », d'un
enjeu capital pour le port d'Anvers : il s'agît du « Rhin
d'acier » ou « Ljzeren Rijn », la
réhabilitation d'une voie existante depuis l'embouchure de l'Escaut
à Anvers en direction de l'Allemagne (Mönchengladbach) et qui
serait utilisée selon les mêmes principes que ceux de la Betuwe
Lijn (trains blocs par navettes).
L'existence de cette voie réduit ainsi
considérablement le coût d'aménagement de l'infrastructure
qui s'élèverait de 300 millions à un milliard de francs
(selon électrification ou pas) contre 74 milliards pour la Betuwe
Lijn !
Ce projet est donc une formidable opportunité pour le port
belge qui pourrait rapidement concurrencer la desserte terrestre des ports
concurrents et notamment celle de Rotterdam.
Cependant, le projet belge traverse une partie du territoire
hollandais avant d'atteindre l'Allemagne. Ces derniers ont ainsi la
« chance » de pouvoir bloquer le projet belge
éminemment dangereux pour le projet de Rotterdam.
Des pourparlers sont actuellement engagés entre les deux
parties pour trouver un terrain d'entente.
La concurrence entre les ports se joue là bien à
terre.
CONCLUSION
La rationalisation du transport maritime a conféré
une importance accrue à l'organisation et à l'efficacité
des opérations à terre où la desserte intérieure et
le passage portuaire représentent à eux seuls plus de la
moitié du coût total de la chaîne de transport.
La compétitivité du transport maritime se joue
aujourd'hui à terre, et la compétitivité des places
portuaires qui s'efforcent chacune d'attirer les armements, dépend
désormais très étroitement des performances des
réseaux et de l'offre de services terrestres.
Si les performances nautiques d'accessibilité sont
essentielles à l'accueil du navire, elles ne suffisent plus à
déterminer les choix d'escale du navire et les ports de transit pour les
marchandises. Les caractéristiques de productivité, de
fréquence et de massification des vecteurs terrestres de transport sont
devenus des critères différentiels justifiant le choix final des
armements. C'est l'attractivité vis à vis des armements qui
conditionne le développement futur.
Port 2000 paraît évident pour faire face à la
concurrence dans la mesure où le port a besoin de nouveaux postes
à quai susceptibles d'accueillir les plus grands porte conteneurs,
à la fois pour des raisons quantitatives et qualitatives
(réduction de la durée des escales et massification du trafic).
Aussi, sa réalisation doit intervenir avant que les trafics ne soient
durablement stabilisés sur d'autres ports européens.
Le projet n'est pas uniquement maritime et concerne aussi
l'intégration de l'ensemble des dispositifs de desserte terrestre. C'est
pourquoi le port havrais souhaite développer en même temps la
qualité de sa desserte terrestre, au niveau du transport routier qui
constitue le premier mode de transport pour le pré- et les
post-acheminement des marchandises qui transitent par le port sur un
arrière-pays largement concentré sur la région parisienne,
au niveau du transport fluvial qui pourrait contribuer même s'il est
limité à l'Ile de France, à la massification des
acheminements, mais aussi et surtout au niveau des infrastructures de transport
ferroviaire qui permettraient au Havre de bénéficier d'une
desserte développant les atouts et avantages du transport ferroviaire,
à savoir le transport de conteneurs sur longues distances. Celui-ci
permettrait à la place portuaire, dans un contexte favorable à la
généralisation et à l'harmonisation du transport
ferroviaire à l'échelle européenne grâce à la
mise en place des freeways (TERFF) et freightways, d'approfondir son
hinterland.
A la qualité de la desserte terrestre doit s'additionner
l'extension de l'hinterland au sein duquel le port peut offrir aux armateurs
les meilleures conditions d'acheminement terrestre au meilleur prix, bref le
meilleur rapport coût/efficacité.
Pour cela Le Havre doit disposer d'une infrastructure apte
à renforcer ces éléments de compétitivité,
qui permette d'optimiser la réduction des délais d'acheminement
et des coûts.
Le grand contournement ferroviaire du bassin parisien serait une
formidable opportunité pour améliorer la fluidité du
trafic vers l'est de la France et vers l'Europe Centrale et atteindre les
grands centres industriels européens tournés vers
l'économie mondiale. Mais il ne faut pas oublier que si le fond de
commerce du port est aujourd'hui presque exclusivement français(plus de
90%), sa part de marché de 30% n'est pas satisfaisante surtout dans des
zones particulièrement et géographiquement à sa
portée comme le sud-est en plus desservi par les ports du nord. Un
accès compétitif en temps comme en prix est primordial à
garantir pour prendre un leadership incontesté dans le sud-est et une
part significative du marché vers l'Italie. L'emprunt de l'axe Le
Havre-Mantes demeure indispensable pour la compétitivité
commerciale dans ces zones. Le passage par la Rocade nord représente
vraiment un détournement d'itinéraire avec des allongements de
parcours de 20 à 40% qu'il est difficilement concevable de voir
compensés par la qualité de l'acheminement.
Il est cependant indispensable d'investir massivement pour la
modernisation de cet axe. L'observation de la situation géographique de
la section Amiens/Chalons en fait néanmoins le chaînon manquant
d'un axe d'intérêt stratégique dans les relations ouest est
ou ouest sud est (Grande Bretagne, France, Europe Centrale).
L'aménagement de cet itinéraire rapide doublant l'artère
nord-est est donc de l'intérêt général du
réseau national et encore plus du réseau européen.
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