L'existence d'une conception des droits de l'homme propre aux états musulmanspar Peggy Hermann Faculté de Droit de Montpellier 1 - DEA de Droit International 1999 |
§ 2 : La législation affranchie de la Loi islamiqueDe nombreux Etats musulmans ne prévoient pas dans leur Constitution, de rapport entre la Loi islamique et la législation. Il en est ainsi en Algérie, au Cameroun, à Djibouti, au Burkina Faso, en Gambie, en Guinée Bissau, en Irak, au Mali, au Maroc, au Niger, au Sénégal, au Tchad, en Tunisie, en Turquie. La législation dans ces Etats est juridiquement libérée de toutes références islamiques, implicites ou explicites. Il faut préciser que tout affranchissement à la Loi islamique dans les Etats musulmans demeure relatif. Afin de limiter notre étude nous mettrons l'accent dans nos références sur deux Etats musulmans particuliers qui font partis du Maghreb.
Le règne du nouveau monarque du Maroc, Mohamed VI se retrouve face au défi de la modernité. Après la mort de Hassan II, le nouveau roi du Maroc doit rapidement s'atteler à des problèmes complexes, dont font partis les droits de l'Homme. La légitimation du système législatif du Maroc oscille entre un système moderne et un système qui, au fond, reste traditionnel, donc opposé aux principes modernes de la démocratie. La Constitution confère au Monarque des pouvoirs quasi-absolus, mais par ses prises de positions en faveur d'une monarchie inspirée des modèles anglo-saxons ou espagnols, le roi Mohamed VI est devenu, la référence de ceux qui veulent moderniser le régime. Selon une première interprétation, Le Maroc se serait donné une Constitution moderne et occidentale, plus ou moins calquée sur celle de la Vème République française. Cette Constitution romprait avec le passé et introduirait de nouvelles procédures ; l'influence occidentale serait importante, surtout en ce qui concerne l'affranchissement à l'égard de la Loi islamique. La deuxième interprétation donnée, serait que la Constitution marocaine resterait dans la ligne des anciennes traditions : le sommet de l'Etat est conforme au modèle du califat et le système juridique du califat imprègne les normes juridiques "modernes". En un mot, la question est de savoir si la législation actuelle du Maroc repose sur une base islamique ou sur une base démocratique à l'occidentale ? Il est impossible de trancher cette controverse en partant du texte de la Constitution, car la contradiction décrite ici se trouve dans les formulations même du texte. L'article 1er de la Constitution dit que le Maroc est une " une monarchie Constitutionnelle, démocratique et sociale", l'article 29 dit que " la souveraineté appartient au peuple"29(*). Il reste que de nombreux problèmes internes et externes attendent le nouveau souverain, qui devra jongler entre ces deux visions du système législatif et politique de son pays. En exemple, sur le plan interne, le Maroc souffre des maux qui frappent les pays en développement sans distinction de régime. L'indépendance de la justice est encore un voeu pieux. La corruption salit le système social à tous les étages, les prisons marocaines regorgent encore des pensionnaires condamnés dans des conditions obscures, à l'image de Mohamed Serehane, journaliste qui réclame justice depuis des années. Le responsable de la Ligue de droits de l'Homme, après des nombreuses enquêtes sur place, dénonce au Maroc du non-respect des droits de l'Homme et appelle de ses voeux l'instauration d'une réelle démocratie. On en revient à la même conclusion que pour la Tunisie, à savoir que tout affranchissement à l'égard de la Loi islamique demeure relatif.
* 29 Wolff ( Jurger H.), la pensée politique dans l'Islam, la légitimation du pouvoir et la démocratie moderne: le cas du Maroc, Annuaire de l'Afrique du Nord, XXXII (1993), Ed. C.N.R.S, pp. 361ss |
|