L'existence d'une conception des droits de l'homme propre aux états musulmanspar Peggy Hermann Faculté de Droit de Montpellier 1 - DEA de Droit International 1999 |
Section II : Les incidences de cette acceptationDes progrès ont été réalisés par les Etats musulmans dans l'acceptation de l'universalité des droits de l'Homme. Toutefois, l'expérience montre que les incidences de cette acceptation restent fatales pour les droits de l'Homme. Elle se heurte à la formule laïque des droits de l'Homme ; en analysant l'élaboration du corpus juridique de l'universalité des droits de l'Homme, nous avons vu que la seule forme de gouvernement dont les droits de l'Homme- dans leur dimension onusienne- peuvent s'accommoder, est la démocratie moderne. De profondes mutations interviennent, dès lors dans la société des Etats musulmans. Elle aspire à des moeurs modernes, européennes ou américaines, avec toutes les libertés individuelles que celles-ci comportent. ( § 1) Des rapports de force naissant entre le peuple et le pouvoir ; l'un veut pouvoir exprimer librement des critiques contre le manque de libertés et de démocratie ; l'autre veut limiter pour tous les moyens ces critiques. ( § 2). § 1 : les conséquences modernistes
En permettant aux adhérants comme aux opposants de s'exprimer librement, les Etats musulmans consentiraient à accepter l'aspiration des peuples aux moeurs modernes. Mais si le peuple est souverain sur le papier, il n'a aucun moyen d'exprimer et d'exercer son droit à la souveraineté. Le peuple ne peut exercer son droit à la souveraineté " ni par la participation à la formation de la Loi, ni par le choix, le contrôle et la sanction des gouvernants, que ce soit directement ou par des organes qui le représentent et qui sont responsables devant lui. Pour ce qui est des libertés et des droits individuels et collectifs, sans lesquels la démocratie ne serait qu'une supercherie, ils sont garantis par la Constitution, mais dans "le cadre de la Loi"".103(*) Sans doute, la liberté d'expression pourrait paraître plus précieuse dans une société démocratique, car elle commande le libre débat d'idées et d'opinion. Mais elle n'est pas seulement une liberté individuelle, elle est aussi une valeur essentielle pour la société dans son ensemble. Même si les droits et libertés d'expression sont reconnus dans les Etats musulmans, on ne peut pas les exercer librement. Avec une telle conception des droits de l'Homme, les Etats musulmans peuvent adhérer à toutes les Déclarations et à toutes les Conventions internationales de protection des droits de l'Homme, sans que cela les engagent à quoi que ce soit. C'est d'ailleurs ce qu'ils ont fait systématiquement ou presque. Les Constitutions des républiques arabes et islamiques, font toute référence à ces textes et aux droits de l'Homme. Si l'on fait abstraction de la formule anodine : "dans le cadre de la Loi", ces Constitutions peuvent compter parmi ce qu'il y a de plus moderne. C'est ce qu'à fait Khomeiny en Iran, comme ce qu'ont fait les Frères musulmans au Soudan, en accélérant le processus de modernisation. Ils ont aggravé la situation au profit d'une emprise encore plus étendue de l'Etat sur la vie de la société et des individus. Ces situations représentaient un rêve dans lequel l'individu et ses libertés n'avaient pas de place. Comme la Loi est mise en dessus de la liberté et des droits de l'Homme, on ne peut faire respecter l'ordre légal que par l'usage de la force répressive (emprisonnements, assassinats, censure de la presse, suppression des libertés individuelles et collectives...) et par la sacralisation de la Loi au nom de la religion islamique traditionaliste. A l'intérieur de ces pays, l'écart entre le discours des droits de l'Homme et la pratique de ces régimes est loin d'être négligeable. La modernité engendre plus de répression et plus d'arbitraire, et donc plus de violations des droits de l'Homme.
* 103 Mohamed-Chérif Ferjani, "Islamisme, laïcité et droits de l'Homme, Comprendre le Moyen-Orient, L'Harmattan , p. 275 |
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