L'existence d'une conception des droits de l'homme propre aux états musulmanspar Peggy Hermann Faculté de Droit de Montpellier 1 - DEA de Droit International 1999 |
§ 2 : Un «système parfait de protection » inapplicable.Ces documents sont l'oeuvre des personnes qui voient dans l'Islam un système parfait de protection des droits de l'Homme et qui, de ce fait, cherchent à faire revaloriser sa conception en lieu et en place de la conception du droit international contemporain. A l'heure actuelle, aucun de ces documents n'est entré en vigueur. Sami A.Aldeeb Abu-Sahlieh explique que : « Le fait que ces Déclarations ne soient pas entrées en vigueur prouve qu'elles sont destinées non pas au public arabo-musulmans, mais aux interlocuteurs occidentaux à des fins publicitaires »53(*). A ce titre il signale que la déclaration islamique universelle des droits de l'Homme de 1981 a été «proclamée » à Paris, dans le cadre de l'UNESCO. Aucun de ces documents n'a de valeur juridique. Ils ne prévoient donc aucune mesure d'application concrète et personne ne peut les invoquer afin d'obtenir le respect de son droit. Cela explique que les contradictions dans ces documents ne viennent pas du fait qu'ils cherchent à faire un simple lecture islamique des droits de l'Homme, mais du fait qu'ils ne consacrent aucune disposition ou institution spéciale à la protection des droits de l'Homme. La charte de la Ligue des droits de l'Homme prévoit un Comité d'experts. Mais les seules compétences de ce Comité sont «d'examiner les rapports que les Etats parties soumettent dans l'année qui suit l'entrée en vigueur de la charte ou de l'adhésion de l'Etat, les rapports périodiques remis par les Etats concernant l'application de la Charte ainsi que les rapports reçus des Etats sur requête du Comité » 54(*)(article 41 de la Charte). Les auteurs de ces documents qui voient en eux un système parfait de protection des droits de l'Homme ont omis l'essentiel, la garantie de cette protection. Il existe pourtant des systèmes de protection régionaux. Le système européen de protection des droits de l'Homme qui est fondé sur la Convention européenne des droits de l'Homme, signée à Rome le 4 novembre 1950. L'individu se voit reconnaître la possibilité de saisir une instance internationale d'une plainte dirigée contre un Etat. Il existe un organe juridictionnel, la Cour européenne des droits de l'Homme. Le système interaméricain fondé sur la Convention interaméricaine des droits de l'Homme de 1969, qui garantit quelque douzaine de droits civils et politiques. La Convention donne compétence à la Cour interaméricaine des droits de l'Homme pour connaître des questions qui concernent le respect par les Etats de leurs engagements. Le système africain repose sur la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples qui prévoit la création d'une commission auprès de l'Organisation de l'unité africaine chargée de promouvoir les droits de l'Homme et des peuples et d'assurer leur protection en Afrique (article 30). Il semble important compte tenu des efforts faits par les autres institutions régionales de mettre en place un système qui garantisse la protection des droits de l'Homme dans les Etats musulmans. Nous savons qu'il existe un Islam ouvert, tolérant, cultivé qui, loin de rejeter les apports positifs de la modernité, veut contribuer de façon solidaire à tous les efforts déployés dans le monde pour une avancée plus rapide des droits de l'Homme. La tâche est immense. Sami A.Aldeeb Abu-Sahlieh pense que cette tâche revient aux intellectuels arabes et musulmans. Qu'il est de leur devoir de créer un système politique, économique et juridique adéquat qui puisse assurer le respect des droits de l'Homme en tenant des besoins et des spécificités des Etats musulmans. Ces documents affirment l'adhésion des Etats musulmans à la « Charte des Nations-Unies, à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et des deux Conventions des Natione-Unies relatives aux droits économiques, sociaux et culturels, et aux droits civils et politiques» 55(*)(préambule de la Charte de la Ligue arabe). En relavant le fait que ces documents n'aient aucune valeur juridique, Abu-Sahlieh écrit : " Ce qu'il faut aujourd'hui c'est l'adoption d'une Convention des droits de l'Homme propre aux monde arabo-musulman qui prend en considération ses propres problèmes. Il ne suffit pas ici de copier la Déclaration universelle des droits de l'Homme en la saupoudrant de formules religieuses comme le font les différentes Déclarations islamiques actuelles."56(*). Il n'y a rien qui puisse, en principe, empêcher les Etats musulmans de s'adapter et de devenir compatible avec l'universalité des droits de l'Homme, s'ils n'en limitent pas la portée. * 53 Aldeeb Abu-Sahlieh (Sami. A), " Les droits de l'Homme conflictuels entre l'Occident et l'Islam, Revue algérienne des sciences juridiques économiques et politiques, Volume XXXI-N°1/1993, p.47, note (15) * 54 Annexe 7, Charte de la Ligue arabe, 1993, Aldeeb Abu-Sayed (Sami A.), les musulmans face aux droits de l'Homme, religion § droit § politique. Etude et documents, Bochum, Winkler, 1994,p.507-508 * 55 Annexe 7, Charte de la Ligue arabe, 1993, Aldeeb Abu-Sayed (Sami A.), les musulmans face aux droits de l'Homme, religion § droit § politique. Etude et documents, Bochum, Winkler, 1994,p.505 * 56 A.Aldeeb Abu-Sahlieh, Droits de l'Homme conflictuels entre l'occident et l'Islam, Revue Algérienne des Sciences juridiques économiques et politiques, Volume XXXI- N°01/1993, p.72 |
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