Les mécanismes internationaux de protection et l'effectivité des droits de l'hommepar Kiliya Dominique KAMWANGA Université D'ABOMEY-CALAVI (Bénin) - DEA Droit de la personne et de la démocratie 2005 |
Paragraphe 2 : Les mécanismes thématiques : mandats par thèmesLes principaux thèmes traités par la CDH sont : le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, le racisme, le droit au développement ; la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales où qu'elle se produise dans le monde ; la question de la violation des droits de l'homme dans les territoires arabes occupés, y compris la Palestine ; les droits économiques sociaux et culturels ; les droits civils et politiques, et notamment la question relative à la torture et à la détention, aux disparitions et aux exécutions sommaires, à la liberté d'expression, à l'indépendance religieuse ; les droits fondamentaux des femmes, des enfants, des travailleurs migrants, des minorités et des personnes déplacées ; les questions relatives aux populations autochtones ; la protection et la promotion de l'homme notamment les travaux de la Sous-Commission des organes conventionnels et des institutions nationales ; et les services consultatifs et la coopération technique dans le domaine des droits de l'homme59(*). Il existe toutefois des rapporteurs spéciaux qui, selon leur mandat, doivent présenter tous les ans un rapport devant l'Assemlée générale. Tel est le cas par exemple de la troisième Commission, à savoir, la Commission de la condition de la femme. Comme pour les mandats par pays, les mandats thématiques consistent en la mise en place des organes pouvant prendre la forme soit d'un rapporteur spécial, soit d'un groupe de travail. La seule différence est que, dans le second cas, les rapports préparés débordent le cadre d'un seul Etat dans lesquels les violations auraient été observées pour concerner les situations spécifiques prévalant dans l'ensemble des pays de la planète. Les organe thématiques, comme les autres procédures spéciales de la Commission, sont des organes ad hoc créés pour une durée déterminée avec possibilité de renouvellement de mandat à l'échéance. Le développement des mécanismes thématiques distingue les procédures ordinaires dénommées procédures de réaction qui sont curatives et a posteriori (A) des procédures d'urgence qui ont un caractère préventif et immédiat (B). A- Les procédures de réactionLa finalité des procédures ordinaires est de s'assurer de l'application du droit international des droits de l'homme par les Etats. Elle a ainsi suscité l'émergence de trois fonctions assumées de manière inégale par les différents organes, à savoir, le contrôle de l'application du droit par les Etats, le suivi des cas sous examen d'une année sur l'autre et la surveillance qui vise à instaurer un contrôle d'application des mesures prises par l'Etat en réaction des allégations de violation, aux dires du professeur Olivier DE FOURVILLE60(*). Leur origine remonte à 1980 quand la CDH créa le « groupe de travail sur les disparitions foncées ou involontaires »61(*) dans un contexte politique caractérisé par l'inquiétude face au développement d'un phénomène par lequel les éléments subversifs suspects étaient arrêtés, souvent par des personnes non clairement rattachées à une autorité légale du pays, puis détenus dans un endroit inconnu, maltraités et souvent supprimés sans que les familles en soient informées62(*). Une fois le premier mécanisme mis en place, la Commission (ou le Conseil Economique et social) a mis en place douze autres procédures thématiques (détention arbitraire, exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, tortures, intolérance religieuse, vente et prostitution d'enfants, personnes déplacées dans leur propre pays, liberté d'opinion et d'expression, violence contre les femmes, etc.)63(*). La nomination des rapporteurs thématiques dépend de la nature des violations des droits de l'homme et de l'importance que la société internationale y attache à un moment donné. Il demeure que le potentiel des violations est quasiment illimité, de même que les possibilités de création de nouveaux mandats. Les groupes de travail et les rapporteurs spéciaux s'emploient à étudier les problématiques des situations pour lesquelles ils sont institués et à faire des recommandations à la CDH en vue de l'adoption éventuelle de résolutions ou de projets de traités sur la question concernée. Pour ce faire, ils examinent dans le cadre d'une procédure écrite et contradictoire, des communications ou des plaintes émanant de toutes les sources possibles, notamment des particuliers qui peuvent être les personnes concernées par les présumées violations, leurs familles ou leurs représentants ; des ONG qui fournissent, en réalité, l'essentiel des informations recueillies ; des organisations internationales ou des gouvernements. La recevabilité des communications ne tient pas compte de la condition classique de l'épuisement des voies de recours internes64(*). Parfois, les membres des groupes de travail effectuent, avec le consentement de l'Etat concerné par les allégations des violations des droits de l'homme des enquêtes sur place. Les enquêtes grâce aux visites in situ qui, depuis qu'elles existent, ont accumulé une expérience considérable dans ce domaine. Les visites peuvent être ordinaires ou conjointes (réunir un organe géographique et un ou plusieurs organes thématiques) comme ce fut le cas pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, la Colombie. Les visites durent en général entre huit et dix jours65(*). Bien que les rapporteurs spéciaux et les groupes de travail se fondent, pour analyser les situations relevant de leurs mandats, uniquement sur la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels les Etats sont parties ainsi que les instruments autres que des conventions adoptés au sein des Nations Unies, les enquêtes qu'ils mènent ne sont pas des enquêtes judiciaires66(*). L'examen au fond des pétitions et Communications, à l'issu d'éventuelles enquêtes, se conclut par un avis rendu par les rapporteurs et groupes de travail qui est une décision qualifiant et révélant les violations de la DUDH pour les Etats non parties au Pacte. Dans le cadre du groupe de travail sur la détention arbitraire, les exemple ci-après méritent d'être retenus : Avis n° 3/1998, R-Simon c.Erythrée, 1er octobre 1997 ; E/CN.4/1999/63/Add.1, p11 ; avis n°17/1999, Liu Xiaobo c.Chine, 15 septembre 1999, E/CN.4./2000/4/Add.1, p71. La décision révèle également la violation du PIDCP si l'Etat est partie au pacte à l'exemple des avis N° 7/1998, Ngoc An Phan c.Vietnam du 12 août 1997, E/CN. 4/1999/63/Add.1, p21 et n°5 (1999, Khemois Ksila c.Tunisie du 20 mai 1999, E/CN.4/2000/4/Add.1, p3667(*). Tous les avis s'accompagnent d'une recommandation faite et adressée à l'Etat de « prendre les mesures utiles ou nécessaires pour remédier à la situation ». Ils font l'objet d'une publication dans les rapports annuels adressés à la Commission dont les conclusions dressent l'état des lieux et livrent les appréciations finales des groupes de travail et des rapporteurs de la situation au terme de l'enquête68(*). Le nombre de plaintes reçues et examinées par les groupes de travail remonte à des milliers69(*). Leur action permet ainsi d'exercer une pression politique sur les gouvernements coupables de violations graves et systématiques dans ces domaines qui espéraient éviter tout droit de regard de la Communauté internationale. Les résultats de telles procédures ne sont donc pas négligeables car ils forcent, par la qualité des enquêtes et la motivation en droit, le respect des droits de l'homme et aboutit au minimum de contrôle qui gène les Etats70(*). La fonction peut parfois s'avérer salutaire surtout lorsqu'il y a urgence. * 59 Commission des droits de l'homme ( http://www.ohchr.org/images/top_middlefGood.gif) * 60 DE FOURVILLE (Olivier), Op.Cit, p 43 * 61 Résolution 20 (XXXVI) / 1980 * 62 Nation Unies, les Nations Unies et les droits de l'Homme, Op.Cit, pp 70-71 * 63SUDRE (Frédéric), Droit international et européen des droits de l'homme, 5e Edition, Paris, PUF, 2001, p 502. * 64 ALLAND (Denis), Op.Cit, pp 599-600. * 65 DE FOURVILLE (Olivier), Op.Cit. pp 89-89 * 66 Le système des droits humains à l'ONU : bilan 1998, Procédure spéciales de la Commission des Droits de l'homme ( http://www.hri.ca/fortherecard1998/bilan1998/graphics/head-vol1.gif) * 67 SUDRE (Frédéric), 5e édition, Op.Cit., p502 * 68 DE FOURVILLE (Olivier), Op.Cit., pp98-113 * 69 Pour les années 1995 à 1998, le Groupe de travail sur la détention arbitraire a examiné, par exemple, 1904 cas de détentions ; déclarant 1126 cas de détention arbitraire, 19 cas de détention non arbitraire et classant 167 cas du fait de la libération des intéressés (E/CN.4/1998/44) * 70 ALLAND (Denis), 5e édition, Op.Cit., p 599 |
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