Les mécanismes internationaux de protection et l'effectivité des droits de l'hommepar Kiliya Dominique KAMWANGA Université D'ABOMEY-CALAVI (Bénin) - DEA Droit de la personne et de la démocratie 2005 |
CONCLUSION GENERALEEn abordant cette étude portant sur « les mécanismes internationaux de protection et l'effectivité des droits de l'homme », le principal souci était celui de démontrer que, malgré l'évolution de la législation internationale en matière des droits de l'homme, les mécanismes onusiens ne suffisent plus pour assurer une réelle garantie de ces droits du fait de l'inexistence de juridiction universelle spécifique en la matière. L'étude des systèmes régionaux spécialement celui européen considéré comme un véritable modèle nous inciterait à affirmer que les progrès y enregistrés permettraient aux premiers de se parfaire grâce à une possibilité de réforme en vue d'une justiciabilité effective des droits de l'homme dans le monde. Dans cette perspective, la problématique centrale regroupait quatre questions, lesquelles ont consisté à savoir si les constatations et arrêts des organes internationaux de garantie des droits humains assuraient effectivement leur protection et rétablissaient réellement les droits des victimes des violations. Dans le cas contraire, il était alors question de déceler les facteurs empêchant leur garantie efficace avant d'étudier les possibilités de renforcement des moyens de protections existants. La démarche comparative adoptée et matérialisée dans le plan de travail a permis de répondre à ces questions et de vérifier, par ce fait même, les hypothèses préalablement avancées tant pour les mécanismes universels que ceux européens. La lecture du système onusien de protection des droits de l'homme prouve, en effet, que d'énormes avancées ont été réalisées en faveur de la protection grâce à la mise en place des mécanismes de contrôle de ces droits. Ces mécanismes, à la fois non-conventionnels et conventionnels, permettent tant aux Etats qu'aux particuliers de s'en prévaloir en respectant certaines conditions et procédures précises. Il a toutefois été constaté que ces mécanismes demeurent inadaptés vu les insuffisances dont ils font montre, notamment : d'une part, le reflet d'un universalisme factice suite à la réticence des Etats, le manque de sanctions appropriées, le ménagement de la souveraineté par l'utilisation abusive du principe de non-ingérence dans les affaires internes et du non respect de l'obligation erga omnes dont doivent bénéficier normalement les règles relatives aux droits humains. D'autre part, la politisation à outrance du principal organe intergouvernemental qui a pour effets la partialité dans le traitement des dossiers et l'amplification de la culture de l'impunité ainsi que le caractère non-juridictionnel de l'organe technique ont rendu précaire la garantie universelle des droits de l'homme. Le système européen, par contre, démontre sa capacité de répondre véritablement aux problèmes liés à la garantie des droits individuels. La Convention européenne des droits de l'homme, conçue comme une supra constitution plutôt qu'un simple traité et interprétée, à ce titre, de façon fédéraliste ; soumet, en effet, les Etats parties à n'en avoir qu'une seule vision. En outre, l'imposition d'un ordre public européen oblige à ne défendre qu'une conception de la vie sociale, laquelle est fondée sue les mêmes valeurs, à savoir : la démocratie, la primauté du droit et le respect des droits et libertés fondamentales de l'homme. Aucun Etat ne peut y déroger sous peine d'être exclu du Conseil de l'Europe. De même, toute personne sous la juridiction d'un quelconque pays membre a droit à la jouissance effective de ses droits fondamentaux. Ce qui écarte toute idée de réciprocité au profit du jus cogens qui limite ainsi la souveraineté des Etats en leur interdisant de conclure tout autre traité contraire aux normes impératives du droit international général. De plus, la Cour européenne des droits de l'homme rend des arrêts très contraignants dont les effets en droit interne sont incontestablement visibles car la mise en compatibilité, résultat de l'interprétation uniforme de la Convention, avec sa jurisprudence est obligatoire. Le système européen exprime ainsi la ferme volonté des Etats membres du Conseil de l'Europe de protéger réellement les droits de l'homme. Tout ceci nous a convaincu de plaider pour une relecture du système onusien tant dans son approche matérielle que celle institutionnelle de protection des droits de l'homme dont, d'ailleurs, certains éminents auteurs sont conscients des faiblesses et défauts qui le gangrènent. C'est pourquoi nous nous sommes contentés de suggérer, vu que c'est déjà au centre des discussions, une innovation du schéma institutionnel intergouvernemental existant afin de le rendre plus utile et efficace. Du point de vue juridique, une unification normative et une reconnaissance d'un véritable recours juridictionnel au profit des individus sont plus qu'une urgence en ce moment où « la démocratie et les droits de l'homme suscitent l'unanimité »321(*) et constitue un acquis pour tout système de protection. L'exercice des droits reconnus à l'individu sera désormais sous le contrôle du juge qui pourra redresser les erreurs, harmoniser les interprétations et combler les lacunes. Sans doute, pas plus que les Cour européenne et interaméricaine, les décisions de la Cour internationale des droits de l'homme ne permettront pas totalement l'enrayement des violations des droits de l'homme qui se commettent dans le monde, mais on peut espérer qu'elle contribuera, même modestement, à réduire le scandale que constitue l'impunité de leurs auteurs. Il faut aussi reconnaître que la réalisation de ces réformes suppose, comme l'avait si bien suggéré Amnesty International dans sa déclaration publique du 24 juin 2005, que les Etats membres de l'organisation universelle :
Sans cela, il est illusoire de penser mettre sur pied un système de défense des droits humains enrichi et consolidé pour l'organisation universelle.322(*) Ainsi au cas où, ces réformes adoptées, les violations continuent d'exister, cela ne sera plus dû à un vide juridique au plan international mais il ne s'agira, une fois de plus, que de la confirmation du perpétuel reproche fait à l'endroit des Etats qui, pourtant, sont à la fois artisans du succès des systèmes régionaux : leur manque de volonté à s'acquitter au niveau universel, au même titre qu'au plan régional, des obligations qui sont les leurs conformément à la Charte des Nations Unies et aux autres instruments internationaux de protection des droits de l'homme, c'est-à-dire, grosso modo, en vertu du droit international des droits de l'homme. De ce point de vue, le triomphe des droits de l'homme qui demeure, du reste, un défi n'appelle-t-il pas l'existence d'un réel et véritable ordre public international qui libérerait les droits individuels de la dépendance et de la soumission intolérable à la volonté étatique ? Ou alors s'il est aussi difficile de pourvoir le système onusien d'une juridiction des droits de l'homme, ne serait-on pas obligé de lui reconnaître uniquement le rôle de législateur mondial dont les normes édictées seraient exécutées par les systèmes régionaux plus évolués dans la garantie des droits de l'homme ? * 321 DENQUIN (Jean-Marie), Démocratie et droits de l'homme, Paris, Montchrestien, 1996, p19. * 322 Amnesty International, « Réforme des Nations Unies : liberté de vivre dans la dignité », EFAI, AI : IOR41/049/2005, 24 juin 2005 ( http://efai.amnesty.org/ ). |
|