Les mécanismes internationaux de protection et l'effectivité des droits de l'hommepar Kiliya Dominique KAMWANGA Université D'ABOMEY-CALAVI (Bénin) - DEA Droit de la personne et de la démocratie 2005 |
B- La doctrine de la marge d'appréciationIl est clair que les droits de l'homme, dans le système de la Convention européenne, échappent au domaine réservé des Etats. Ce n'est pas pour autant dire que la Cour de Strasbourg ne soit pas respectueux des intérêts légitimes des Etats. Elle reconnaît, en effet, aux juridictions internes, mieux placées pour appliquer le droit interne, une certaine marge d'appréciation, c'est-à-dire une certaine latitude quant à l'interprétation de certaines notions utilisées dans la Convention comme la « protection morale », « l'ordre public », « le bien être du pays » ou encore « l'intérêt public » qui justifient les restrictions au droit. La marge d'appréciation détermine les limites à l'intérieur desquelles les agissements des Etats sont susceptibles d'échapper à la censure de la Cour qui n'abdique nullement à sa compétence de contrôle mais exerce en quelque sorte une « judicial self restreint ». Elle trouve son fondement, d'abord, dans le fait qu'il appartient en premier lieu aux autorités nationales de sanctionner les violations de la Convention. Ensuite, elle est une marque de réalisme et de sagesse dont fait preuve la Cour dans son contrôle en considérant que bien qu'étant une juridiction supranationale, aussi prestigieuse soit-elle, elle est forcément plus loin des réalités nationales. Elle admet donc que les autorités nationales sont mieux placées qu'elle. Le souci de la doctrine de la marge d'appréciation est la préservation de la spécificité culturelle propre à chaque Etat membre. C'est là incontestablement une approche prudente qui renforce l'adhésion des Etats au système de la Convention. La doctrine a été appliquée pour la première fois dans l'affaire Lawless c. Irlande en 1961 pour violation de l'article 15 de la Convention224(*). Elle a été étendue, par la suite, à l'application des restrictions aux Libertés en général notamment celles prévues aux articles 5 (1), 8 (2) et 11 (2) en vérifiant si ces restrictions sont conformes au droit interne. En définitive et à la lumière des développements qui précèdent, en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg qui s'inscrit dans une perspective moniste et plus ou moins fédéraliste, la Convention fait office de véritable constitution pour l'Europe des droits de l'homme. Qu'en est-il maintenant de l'existence d'un ordre public européen? La réponse se trouve dans le paragraphe deuxième analysé dans les lignes qui suivent. * 224 L'affaire concerne la suspension des libertés pour combattre un danger public |
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