Les mécanismes internationaux de protection et l'effectivité des droits de l'hommepar Kiliya Dominique KAMWANGA Université D'ABOMEY-CALAVI (Bénin) - DEA Droit de la personne et de la démocratie 2005 |
B- Une violation certaine de l'obligation "erga omnes"Selon le droit international, écrit le professeur Hugo Ruiz DIAZ GALBUERA, il existe des « principes et des règles juridiques de base ou fondamentaux »163(*) qui ont trait à la protection internationale des droits humains dont la portée s'étend à tous les sujets de droit international tant sur le plan conventionnel que celui coutumier. Ce qui crée à l'égard desdits sujets, notamment, les Etats et les organisations internationales, une obligation de les respecter et de les faire respecter de manière inconditionnelle. Il s'agit des normes obligatoires qualifiées de normes erga omnes, spécialement, les droits humains, et entre ceux-ci, l'interdiction du crime international de l'apartheid, du génocide, etc.164(*) L'arrêt célèbre Barcelona Traction (1970) fonde cette garantie solide des droits de l'homme sur les obligations des Etats. Les unes, de l'avis du professeur Raymond GOY, sont des « obligations envers la communauté internationale dans son ensemble ». Cette formule évoque le jus cogens : elle peut être tenue pour équivalente, le rejoint sans se confondre avec lui. Ces obligations, poursuit-il, concernent notamment les droits fondamentaux de la personne humaine, concernant tous les Etats, et sont des obligations erga omnes, alors que les obligations qui naissent vis-à-vis d'un autre Etat dans le cadre de la protection diplomatique n'intéressent que ceux-ci. Donc, pour des obligations erga omnes, tous les Etats sont considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés alors que pour les obligations relevant de la protection diplomatique, tous les Etats n'ont pas un tel intérêt165(*). L'Institut de Droits International (CDI), par une Résolution adoptée le 3 septembre 1989 a déclaré, quant à lui, que « ...l'obligation de respecter les droits de l'homme incombe à tout Etat vis-à-vis de la Communauté internationale dans son ensemble et tout Etat a un intérêt juridique à la protection des droits de l'homme...» en consacrant l'obligation de respecter les droits de l'homme comme obligation erga omnes. La Résolution précise, en outre, que chaque Etat peut ainsi invoquer les violations des droits de l'homme commises par un autre Etat et appliquer à son encontre des mesures non militaires proportionnées à la gravité des violations (article5)166(*). Les normes erga omnes ont, une fois de plus été confirmées par la Cour Internationale de Justice dans l'affaire du Timor Oriental opposant le Portugal c. Australie167(*) sur le droit des peuple à disposer d'eux-mêmes. La Cour, en qualifiant ainsi certaines obligations Conventionnelles d'obligations coutumières, puis en faisant d'elles des obligations erga omnes, a cherché à imposer à tous les Etats des normes minimales inspirées des considérations élémentaires d'humanité qu'elle avait déjà invoquées dans l'affaire du Détroit de Corfou (Albanie c.Royaume-Uni) sur le règlement d'indemnités. Elle a donné de la sorte un contenu concret à ces considérations. Ce faisant, elle a jeté les bases d'un droit coutumier universel qui, sans remettre en cause le droit conventionnel, s'impose à tous. Loin des querelles doctrinales sur le jus cogens, elle a ainsi, de manière pragmatique, tenté de faire progresser les droits de l'homme et y est largement parvenu168(*). Cette avancée marquante implique dès lors, autant que le souligne le professeur Sidi Mohamed OULD CHEINA, que l'argument de la compétence nationale de l'Etat, au sens de l'article 2 paragraphe 7 de la Charte des Nations Unies, n'a plus de valeur juridique à partir du moment où l'Etat est l'auteur des violations des droits de l'homme. Par ailleurs, on notera, qu'il n'existe pas d'accord précis et définitif sur les droits protégés. Il a été soutenu que l'atteinte à ces droits doit porter sur « les droits essentiels » touchant les intérêts de l'humanité ou « droits fondamentaux » ou encore droits « auxquels on ne peut déroger en aucune circonstance »169(*). En définitive, le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures n'est plus opposable et ne saurait servir de barrière protectrice derrière laquelle les droits de l'homme pourraient être massivement et systématiquement violés en toute impunité170(*) bien que les tenants du volontarisme étatique, à l'exemple de la Chine et de la plupart d'Etats du Tiers-Monde, se maintiennent dans la logique qui fait nécessairement obstacle au développement du droit international171(*). Bref, l'internationalisation de la protection, lui offre en quelque sorte, une voie d'appel dont l'importance ne cesse de croître et dans certaines situations, face à des gouvernements « bêtes fauves », « les techniques internationales sont même les seules recours envisageables »172(*). Et la souveraineté, à en croire monsieur Perez DE CUELLAR, ancien secrétaire général des Nations Unies dépend de l'attitude d'un Etat par rapport aux droits de l'homme puisque la protection constitue la clé de voûte du système international, donc de la paix173(*). Mais il faut reconnaître que les différents paradoxes ci-dessus mentionnés et entretenus par les Etats membres des nations Unies parties aux multiples instruments de protection des droits de l'homme ont sérieusement influé sur la qualité et l'efficacité des organes de mise en oeuvre qui, au final, révèlent une inadéquation dans leurs procédures et méthodes de travail. * 163 Parmi ces principes nous pouvons citer : les droits humains sont inhérents à tout être humain quels que soient sa condition et son genre ; ont une portée universelle, sont interdépendants, étroitement liés, indissociables ; chacun a le droit de jouir de tous les droits humains sans discrimination ; ils englobent les droits des collectivités et des peuples ; certains d'entre eux sont inaliénables comme le prévoit l'article 4 du PIDCP et la violation de certains d'entre eux dans les circonstances déterminées est un crime contre l'humanité qui relève de la compétence universelles parce que ce sont les violations des normes de jus cogens. * 164 RUIZ DIAZ GALBUERA (Hugo), « Les politiques menées par les IFI et leur responsabilité par les violations massives des droits humains à l'imposition des programmes d'ajustements structurels », Equipo NIZKOR, informations, DERECHOS ( http://www.derechos.or/nizkor/econ/hdb.html ) * 165GOY (Raymond), La Cour internationale de justice et les droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 2002, p 50 * 166 Institut de Droit International, la protection des droits de l'homme et le principe de non-intervention dans les affaires intérieures des Etats, Session de Saint-Jacques-de-Compastelle, 13 septembre 1989, 4p * 167 Arrêt du 30 juin 1995 * 168 GUILLAUME (Gilbert), « La Cour international de justice et les droits de l'homme », in Droits fondamentaux, N°1, juillet-décembre 2001, pp 28-29 * 169 MOHAMED OULD CHEINA (Sidi), « La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : un processus de longue haleine » ( http://www.ould.cheina.neuf.fr/cour_aricaine3.htm) * 170 DIENG (Adama), « Droits de l'homme et culture démocratique », Actes de la cinquantième réunion préparatoire au symposium de Bamako : la culture démocratique, juin 2000 ( http://democratie.fracophonie.org/rubrique.php3?id_rubrique) * 171 CHEMILLIER-GENDREAU (Monique), Op.Cit., p29 * 172 MINKOA SHE (Alphonse), Droits de l'homme et droit pénal au Cameroun, Paris, Economica, 1999, p89. * 173 DIENG (Adama), Op.Cit. |
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