L'aménagement des droits des actionnaires après l'ordonnance du 24 juin 2004par Julien Carsantier Université Paris Dauphine - DEA 122 2005 |
(ii) La durée de la période de souscription62. - Aux termes de l'article L. 225-141 du Code de commerce, la période minimale de souscription a été réduite de dix à cinq jours de bourse. 63. - Les critiques étaient nombreuses sur le régime contraignant applicable aux augmentations de capital avec droit préférentiel de souscription170(*). Le point le plus délicat tenait au délai de réalisation d'une augmentation de capital avec maintien du droit préférentiel de souscription, qui était d'environ trois semaines. Ce délai faisait courir un risque de marché important à l'opération ; si le cours de bourse de l'action vient à descendre en-dessous du prix de souscription des actions nouvelles, il est plus intéressant pour les investisseurs d'acquérir des actions sur le marché que dans le cadre de l'augmentation de capital, et cette dernière court à l'échec. Pour éviter ce risque, il est nécessaire de fixer le prix de souscription des actions nouvelles à un niveau suffisamment bas pour raisonnablement estimer qu'il ne sera pas atteint par le cours de bourse de l'action pendant la période de trois semaines. Ceci explique les fortes décotes constatées au cours de ces dernières années sur les opérations avec maintien du droit préférentiel de souscription. Cette décote n'est pas à l'avantage des émetteurs dans la mesure où elle se traduit par une moins grande collecte de fonds, ni des actionnaires existants, dans la mesure où l'émetteur tend à compenser le faible prix de souscription en créant plus de titres pour atteindre le montant de fonds propres attendus. Dans ce dernier cas, l'opération peut devenir très dilutive et le bénéfice net par actions du titre peut être sérieusement réduit, ayant un effet négatif sur le cours, le titre devenant moins attractif pour les investisseurs171(*). 64. - La durée de la période de souscription est un facteur qui est considéré comme contribuant à allonger les délais de réalisation des augmentations de capital avec maintien du droit préférentiel de souscription. La loi du 8 août 1994 avait déjà réduit la durée de la période de souscription de vingt jours à dix jours de bourse. Le législateur avait en effet constaté à l'époque que le délai trop long était en fait peu favorable aux actionnaires existants dans la mesure où il introduisait un risque important sur la valeur du droit qui pouvait ne plus être représentative. Mais l'expérience montre que le raccourcissement de la période de souscription à dix jours de bourse n'a pas réglé les problèmes ainsi identifiés : « répartis sur un délai de dix jours, les ordres arrivent de manière désordonnée et induisent donc des cours extrêmement erratiques [...]. Seule une concentration des ordres sur une période plus brève est susceptible de mieux garantir la représentativité économique du marché des droits préférentiels de souscription »172(*). La volatilité du prix des droits préférentiels de souscription est encore très grande et s'est même accrue avec l'accroissement de la volatilité des actions sous-jacentes. La période de dix jours de bourse contribuait toujours à l'allongement des délais, faisant porter un risque significatif de marché aux émetteurs, et nécessitant l'application de décotes qui restaient significatives, d'où un mal pour les actionnaires existants. 65. - La fixation de la durée de la période de souscription a pour contrainte le temps jugé nécessaire pour que les porteurs de droits préférentiels de souscription puissent apprécier la nature de l'offre qui leur est faite, prennent une décision informée sur la question et décident soit d'exercer leur droit, soit de le vendre, soit de ne rien faire. 66. - Le délai de cinq jours de bourse retenu par l'ordonnance essaie de répondre aux critiques évoquées ci-dessus. De l'avis des auteurs173(*) et de la pratique, ce délai reste néanmoins conservateur et insuffisant pour réduire de façon significative les délais de réalisation d'une augmentation de capital avec maintien du droit préférentiel de souscription. Le délai minimal nécessaire pour que les actionnaires prennent une décision d'investissement a d'ailleurs fait l'objet de débats et de décisions réglementaires dans d'autres contextes174(*). * 170 V. P.-Y. CHABERT, « L'encadrement excessif des opérations d'augmentation de capital », in Quel avenir pour le capital social ?, Actes du colloque organisé par le Centre de recherche en droit financier de l'Université Paris I, Dalloz, 2004, sous la dir. de A. COURET et H. LE NABASQUE, p. 45 et s. * 171 D'autres critiques formelles tiennent à la difficulté d'organiser l'ouverture d'une opération avec droit préférentiel de souscription au marché international. Dans la mesure où les droits sont négociables et peuvent être exercés à tout moment jusqu'au dernier jour de la période de souscription par leur porteur (initial ou cessionnaire), il n'est pas possible de prévoir combien de titres seront disponibles pour la souscription par des tiers à l'issue de la période de souscription. Il est donc en pratique très difficile d'organiser un quelconque placement d'actions par un syndicat bancaire dans le cadre d'une telle augmentation de capital, sauf à ce qu'un actionnaire important décide de céder ses droits préférentiels de souscription à un syndicat bancaire lors du lancement de l'opération afin de lui permettre d'assurer un placement pré-dimensionné. Par ailleurs, il n'existe pas de possibilité de déterminer le prix de souscription des actions nouvelles en fonction de la demande réelle du marché, comme ceci est fait dans le cadre du marché international. Dans les opérations internationales, une période de pré-marketing est organisée (en général, une semaine) afin de sonder le marché, le prix étant fixé à l'issue de ce processus. Dans le cadre des augmentations de capital avec maintien du droit préférentiel de souscription, l'obligation de fixer le prix lors de l'annonce de l'opération (et de la publication de l'avis d'émission d'actions nouvelles au BALO) et la durée de l'opération rendent cette approche impossible. Le prix est donc fixé non au regard des possibilités réelles de placement des actions, mais du risque de variation du marché du titre pendant la période de souscription. * 172 Rapport TRÉMÈGE, rapp. préc., p. 159. * 173 En ce sens, P.-Y. CHABERT, « Les augmentations de capital après l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales », art. préc., n° 46 ; M. BANDRAC, P. BIROTHEAU, C. DEBIN, J.-P. DOM, S. GAILLET, F. LE ROQUAIS et M. SUPIOT, « Le régime et l'émission des valeurs mobilières après les ordonnances de 2004 », art. préc., n° 117. * 174 Ainsi, la Commission des opérations de bourse (COB) a pris pour position que le délai minimal d'exercice des bons de souscription dans le cadre d'une augmentation de capital avec bons à prix ouvert devait être de trois jours de bourse suivant la date de détermination du prix ; ce délai est cohérent avec le délai de trois jours de bourse applicable aux offres à prix ouvert ou aux offres à prix fermé (Bull. COB 2002, n° 370, p. 30). Il est également en adéquation avec le délai de trois jours de bourse demandé par la COB en cas d'extension d'une offre publique suite à une modification des termes initiaux d'une opération d'augmentation de capital. |
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