L'aménagement des droits des actionnaires après l'ordonnance du 24 juin 2004par Julien Carsantier Université Paris Dauphine - DEA 122 2005 |
(ii) Les limites afférentes à la fixation du prix de l'émission382. - Il a déjà été précisé que, en cas de délégation de pouvoir, celle-ci ne porte que sur la définition des modalités d'émission des titres, l'assemblée générale décidant de l'augmentation et en fixant le montant679(*). De même, en cas de délégation de compétence, l'assemblée générale extraordinaire doit fixer le plafond global d'émission. L'organe de direction ne se voit donc pas déléguer ces facultés, qui ressortent toujours de la seule compétence de l'assemblée générale des actionnaires. 383. - L'article L. 225-136, 2° du Code de commerce précise par ailleurs que, pour toutes les émissions réalisées par voie d'appel public à l'épargne par des sociétés non cotées, ainsi que les émissions par des sociétés cotées de titres de capital non assimilables, « le prix d'émission ou les conditions de fixation de ce prix sont déterminés par l'assemblée générale extraordinaire ». Il en est de même pour les augmentations de capital réservées à personnes dénommées ou à catégories de personnes identifiées680(*). 384. - En outre, il a été vu que la règle des « dix parmi les vingt » en cas d'augmentation de capital avec appel public à l'épargne a été supprimée, pour être remplacée par un nouveau mécanisme681(*). L'objectif était de concilier la protection des actionnaires avec la prise en compte des contraintes du marché. Les règles de prix minimum visent en effet à garantir des droits minimum aux actionnaires. Un auteur682(*) critique toutefois le nouveau mécanisme mis en place, en arguant que la pratique des dernières années démontre l'inadaptation des règles de prix minimum reposant sur des constatations historiques683(*). La protection réelle des actionnaires vient de la bonne réflexion du marché dans les conditions de fixation du prix, le risque réel pour les actionnaires étant une dilution artificielle liée à la fixation d'un prix plus bas que ce que le marché aurait été prêt à offrir. Il semblerait donc plus opportun de s'attacher aux modalités de réalisation du placement qu'à un historique quelconque de cours. L'auteur suggère ainsi que des réflexions soient initiées sur la possibilité de réaliser les augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription sans contrainte légale ou réglementaire de prix minimum, dès lors que le prix est fixé dans le cadre d'un processus élaboré de placement et de confrontation de l'offre et de la demande, comme par exemple dans le cadre de la construction d'un livre d'ordres. La protection des actionnaires sera assurée par l'établissement du prix de marché à travers les opérations de placement. 385. - En cas d'émission « au fil de l'eau »684(*), le législateur a également prévu la protection de l'actionnaire de la société émettrice. Rappelons que cette émission permet de mettre sur le marché des titres de capital nouveaux en échappant à la contrainte réglementaire de fixation du prix. Afin d'assurer la protection des actionnaires, le conseil d'administration ou le directoire n'ont pas le pouvoir de fixer librement le prix d'émission de ces augmentations de capital. Selon la lettre du texte685(*), l'assemblée générale doit prévoir les modalités de fixation du prix d'émission, le conseil d'administration ou le directoire ayant alors compétence liée sur ce point. L'ordonnance n'encadre pas les modalités pouvant être retenues par l'assemblée générale qui peut bénéficier dès lors d'une grande liberté comme, par exemple, de prévoir la référence à un prix fixe ou à une moyenne de cours ou à un prix pouvant ressortir d'un processus de confrontation de l'offre et de la demande tel que la construction d'un livre d'ordres dans le cadre d'un placement public, avec ou sans décote. 386. - Ces règles protectrices sont complétées par le droit d'information des actionnaires. * 679 Supra n° 32. Les auteurs sont toutefois divisés sur la question. * 680 Art. L. 225-138, I C. com. * 681 Supra n° 81 et s. * 682 P.-Y. CHABERT, « Les augmentations de capital après l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales », art. préc., n° 60. * 683 Le nouveau mécanisme est, comme l'ancien, basé sur des constatations historiques : le prix de l'émission est au moins égal à la moyenne pondérée des cours des trois dernières séances de bourse précédent le jour de la fixation de ce prix, éventuellement diminuée d'une décote maximale de 5 % (art. 155-5 du décret du 23 mars 1967). * 684 Supra n° 85 et s. * 685 Art. L. 225-136, 1° C. com. |
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