![]() |
La Cour internationale de justice et la problématique des droits de l'hommepar Parfait Oumba Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2005 |
B- Les effets des contrariés de jugementsLe XIXe siècle a été le siècle du développement du droit et de l'arbitrage international. La justice internationale est née au XXe siècle avec la Cour permanente de justice internationale, devenue en 1945 la Cour internationale de justice. Les tribunaux internationaux se sont multipliés depuis lors. Ce phénomène traduit une confiance accrue dans la justice et permet au droit international de s'enrichir dans des domaines de plus en plus divers. Il n'en fait pas moins courir des risques de course aux tribunaux, parfois dénommée « forum shopping » et de contrariété de jurisprudence139(*). Les chevauchements juridictionnels internationaux augmentent en outre les risques de contrariétés de jugements, deux tribunaux pouvant être saisis concurremment d'une même question et rendre des décisions contradictoires. Les systèmes de droits nationaux ont depuis longtemps eu à faire face à de tels problèmes. Ils les ont résolus pour l'essentiel en créant des instances d'appel ou de cassation. Le système international est à cet égard fort dépourvu. Ainsi, comme nous l'avons vu, le tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie, en statuant au fond de l'affaire Tadic, a récemment écarté la jurisprudence dégagée par la Cour internationale de justice dans le différend ayant opposé devant elle le Nicaragua aux Etats-unis d'Amérique. Quelle que soit l'appréciation que l'on puisse porter sur cette solution, la contradiction ainsi relevée démontre à l'évidence les risques que l'unité du droit international court du fait de la multiplication des instances juridictionnelles. Le juge Gilbert GUILLAUME estime, pour éviter ces contradictions qu'avant de créer une nouvelle juridiction, le législateur international devrait se demander si les fonctions qu'il entend confier au juge ne pourraient pas être avantageusement remplies par une juridiction existante. Quant aux magistrats eux-mêmes, ils doivent prendre conscience du danger de fragmentation du droit, voire d'incohérence jurisprudentielle née de la multiplication des tribunaux. Un dialogue interjudiciaire s'impose. La Cour internationale de justice, organe judiciaire principal des Nations Unies, est prête à s'y employer si les moyens lui sont donnés. On a parfois suggéré de confier à la Cour le soin de connaître en appel ou en cassation des jugements rendus par tous les autres tribunaux. Une telle solution impliquerait cependant une volonté politique forte des Etats dont il n'est pas certain qu'elle existe. Ou encore, ne conviendrait-il pas d'encourager les diverses juridictions à demander dans certaines affaires des avis consultatifs à la Cour par l'intermédiaire du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée générale ?140(*) * 139 Gilbert GUILLAUME : Discours devant l'Assemblée générale des Nations Unies le 30 octobre 2001. * 140 Gilbert GUILLAUME : Discours devant l'Assemblée générale des Nations Unies le 26 octobre 2000. Voir aussi pour plus d'informations : Daniel SOULEZ-LARIVIERE et autres, « Progrès et limites de la justice internationale », Notre justice. Le livre de la justice française, éd. Robert LAFFONT, 2002, p. 385 ; Gilbert GUILLAUME : « La Cour internationale de justice à l'aube du XXe siècle. Le regard d'un juge », éd., A. PEDONE, 2003, p. 26. |
|