UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE ? L'engagement et le militantisme au sein du comité Attac Isèrepar Eric Farges Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble - 2002 |
2.2.2.2.2 Quel mode de protestation ?Les militants isérois ne surent pas comment réagir lors du sommet de Nice. Thomas explique qu'il n'a pas su quelle réaction adopter lorsque des anarchistes infiltrèrent le cortège Attac. Les difficultés rencontrées par le comité isérois lors du contre-sommet de Nice traduisent selon Cécile et François le manque d'organisation des militants. Cécile regrette que personne n'ait eu le réflexe de donner certains conseils de sécurité aux personnes qui sont venues manifester. Ceci s'explique, selon elle, par le manque d'expérience des militants. Les personnes les plus engagées au sein du comité disposent essentiellement d'une expérience syndicale. Parmi les enquêtés qui occupent des responsabilités dans l'association, Thomas est le seul à disposer d'un passé politique. Il bénéficie d'une expérience de l'action collective dont ne disposent pas les autres militants506(*). François souligne également que ce qui fait défaut aux militants isérois, c'est essentiellement une expérience et une réflexion concernant le problème de la violence. Il déclare disposer au sein de son parti politique (la LCR) d'une telle pratique qui lui permet d'adopter des réactions appropriées face à la violence. Cécile : Tandis qu'Attac a réussi à faire venir des gens qui n'étaient pas militants, qui n'ont jamais été militant. Et ceci c'est dans tous les groupes locaux. Du coup tu te retrouves avec des trucs où les gens n'ont pas les réflexes militants. Moi j'étais énervé et pourtant je me suis quand même pas vieille, donc c'est un peu grave. J'étais énervé sur des trucs parce que moi j'avais déjà un réflexe militant. Je n'ai pas d'exemple en tête. Mais sur une action, les réflexes militants sont importants, sinon ça veut dire que tu reproduis et quelquefois tu ne te poses plus de questions. Ça permet d'avoir une certaine efficacité sur certains trucs aussi. Par exemple sur Nice, j'avais été à une réunion de préparation ; sur la question de la sécurité, j'étais intervenu pour dire qu'il fallait prévenir toutes les personnes qui venaient à Nice, et comment allait se passer la sécurité. Cela n'a pas été fait, mais j'étais intervenu là-dessus. Tu vois c'est des trucs qui ne venaient à l'esprit, parce que j'avais déjà vécu des situations comme cela et qui ne venaient pas forcément à l'esprit des gens alors que pour moi c'était évident. François : On a une place en tant qu'organisation politique qui n'est pas contestable. On a une capacité de mobilisation qu'Attac n'a pas. Attaque peut faire quelque chose et faire venir une marée humaine mais c'est justement quand la marée est un peu incontrôlable que ça part dans tous les sens. C'est bien d'avoir une organisation politique qui a des traditions de réflexion sur la violence. On n'est pas violent quand on est dans une situation et qu'on a eu des réflexions on ne s'assoira pas parterre par exemple. On organisera un repli plus facilement. Organiser un repli de militants c'est le travail d'une association ou d'un parti qui a eu une tradition et un passé de service d'ordre et des discussions sur comment se protéger. C'est organiser sa propre protection [...] Le cortège de la Ligue n'a jamais explosé à Nice. Il y avait des drapeauxAttac dans tous les cortèges parce que leur cortège à la première charge s'est éparpillé dans tous les sens. Alors c'est facile que nous attaquer là-dessus et de nous traiter de paramilitaires ! Luc : Et le lendemain, il y a eu l'encerclement du sommet européen, on s'est retrouvé devant les flics partant un peu partout, on ne savait pas où aller, avec notre drapeau Attac et qu'est-ce qu'on fait devant les flics ? Qu'est-ce qu'on fait ? On attend. Il y avait des extrémistes avec leur drapeau rouge et ça créait une certaine tension, parce que sur leur drapeau c'était non seulement la faucille et le marteau, ce qui ne me choque pas trop en soi, bien que je trouve que c'est un peu désuet. Mais en plus il y avait la mitraillette sur le drapeau. Ils venaient au milieu de nous avec leurs drapeaux et ils les agitaient sous le nez des flics. Moi j'appelle ça de la provocation. De plus, on était mal à l'aise parce qu'on ne savait pas quoi faire. On n'était pas avec le groupe Attac mais on était avec des gens d'Attac qui étaient là. Il y avait plusieurs groupes Attac qui se baladaient un peu partout, parce qu'il n'y avait pas d'organisation. Il n'y avait rien d'organisé par le national, alors si c'était pour se retrouver dans les mêmes conditions à se retrouver devant le mur et à attendre ça ne vaut pas le coup. Ce qui nous semble être en cause dans le déroulement des contre-sommets, ce n'est pas tant le manque d'organisation des militants que l'inadaptation du répertoire d'action des manifestants à la situation. Le déroulement d'une mobilisation peut servir d'illustration. Il s'agit de la manifestation qui a eu lieu le 20 juillet 2001507(*) à Gênes lors du G8. * 506 On peut noter, d'ailleurs, que les militants du comité se tournent fréquemment vers Thomas pour résoudre les problèmes pratiques qui sont rencontrés quotidiennement (la constitution d'un tract unitaire, l'organisation de déplacements pour un contre-sommet). * 507 Des photos servant de support visuel sont situées en annexes. Nous nous y reporterons régulièrement. |
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