UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE ? L'engagement et le militantisme au sein du comité Attac Isèrepar Eric Farges Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble - 2002 |
1.1.2.2 La mythification des mouvements sociauxMichel Wievorka répond par la négative à ces deux questions281(*). Selon lui, il n'y avait pas dans les propositions défendues en décembre 1995 le projet que certains ont pu y voir. Les mouvements sociaux n'ont pas proposé « une vision de l'avenir, un contre projet culturel, un ensemble même ébauché de propositions modernisatrices ou utopiques »282(*). Le mouvement de 1995, s'est constitué à posteriori. Les discours de Christophe Aguiton et Daniel Bensïad s'appuient sur 1995 pour rendre compte du retour du militantisme et de la création d'un ensemble d'association qui poursuivraient la même dynamique. Toutefois, il s'agirait selon Michel Wievorka d'une stratégie de mise en scène des événements de 1995. Le décembre 95 se serait constitué en mythe afin de servir de caution historique et idéologique au renouveau associatif et syndical. Les évènements de 1995 ne sont d'ailleurs que très peu évoqués dans les discours des enquêtés sur leur engagement. Certains participent, comme nous l'avons vu, à ce renouveau associatif sans s'être pour autant engagés dans les événements de 95. Le renouveau de l'engagement et du militantisme qui est perçu dans Attac serait la résultante d'un ensemble de stratégie de mobilisation. La construction intellectuelle qui a eu lieu à posteriori sur les conflits sociaux des années 1990 a permis d'historiciser les mouvements sociaux en les inscrivant dans une trame historique. Cette stratégie répondrait au thème de la « fin de l'histoire » évoqué par des auteurs tels que Fukuyama, pour qui le développement actuel des grandes démocraties occidentales serait arrivé à son terme. Il s'agirait également d'établir un patrimoine militant commun qui puisse permettre la constitution d'une mémoire collective des « luttes » et qui joue un rôle de stimulant pour l'engagement militant. Ce regard porté sur les événements de 1995 témoigne d'un changement de perspective qu'il est nécessaire d'adopter sur les mouvements sociaux. Le mouvement social peut être considéré comme la mise en scène d'un ensemble de mobilisations. Il s'agirait, selon Jacques Guilhaumou, d'analyser un mouvement social du point de vue des acteurs qui y participent mais également du point de vue de ceux qui en sont les spectateurs.283(*) Toutefois l'observation des faits sociaux ne doit pas être « naïve »; elle procède d'un choix délibéré de mettre en évidence et de rendre plus visible tel ou tel aspect du mouvement social. « L'observation des mouvements [sociaux] nous renvoie principalement à des manières d'être spectateurs. Ce sont les spectateurs qui témoignent de la dynamique des acteurs émergents et de l'apparition d'une nouvelle part du sensible susceptible d'élargir le champ d'expérience propre à toue événementialité innovante [...] A ce titre, la rationalité de la démarche de l'observateur procède plus d'une mise en visibilité de l'inédit dans un rapport étroit à l'autre que d'un simple enregistrement des réalités »284(*). Les années 1990 marque un renouveau du conflit social dans lequel décembre 1995 est une date importante. Toutefois il ne s'effectue pas un réel renouveau de l'engagement militant. Christophe Aguiton remarque que « le changement ne se situe pas dans le nombre de ces « nouveaux militants » qui pour beaucoup étaient déjà engagés durant les années quatre-vingt dix »285(*). Les nouveaux conflits sociaux ont, en revanche, permis un renouvellement des formes de l'action militante. * 281Wievorka (Michel), op.cit. * 282 Ibid. * 283 « Un mouvement social ne se définit pas seulement par la volonté de ses acteurs de s'engager dans la vie de la cité et de s'y organiser pour revendiquer leurs droits ou des droits nouveaux. Un mouvement social, c'est surtout une histoire née de l'esprit à la fois des acteurs et des spectateurs ». Guilhaumou (Jacques), La parole des sans. Les mouvements actuels à l'épreuve de la révolution française. Paris, ENS édition, 1998, p. 13. * 284 Ibib., p. 107. * 285 Aguiton (Chrsitophe), , « Militer », op.cit, p. 198. |
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