UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE ? L'engagement et le militantisme au sein du comité Attac Isèrepar Eric Farges Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble - 2002 |
2.2.3.2 Les limites aux revendications2.2.3.2.1 L'unité d'Attac : la lutte contre les marchés financiersLe principal vecteur d'unité de l'association auquel se référent de nombreux enquêtés, c'est avant tout la charte de l'association. Celle ci est perçue comme un cadre commun qui empêche les dérives possibles. Elle permet à chaque adhérent et à chaque comité de disposer d'un même point de départ et de défendre des revendications communes. Certains estiment d'ailleurs, tel Luc, que toutes les revendications actuelles sont déjà présentes dans la charte non pas dans le sens où elles y seraient inscrites telles quelles mais dans le sens où ce qu'elles « représentent » (la « dictature des marchés ») y figure. En effet, la charte fondatrice énumère un ensemble de revendications précises, mais elle évoque également des intentions plus larges. Ainsi, lors de la constitution d'Attac, les signataires de la charte se sont engagés à agir « en vue d'entraver la spéculation, de taxer les revenus du capital, sanctionner les paradis fiscaux, empêcher la généralisation des fonds de pension [...] et d'une manière plus générale, de reconquérir les espaces perdus de la démocratie [...] Il s'agit tout simplement de se réapproprier ensemble l'avenir de notre monde »239(*). De même, l'éditorial de Ramonet constitue tout autant une proposition à mettre en place la taxe Tobin qu'un appel à « désarmer les marchés ». La taxe Tobin n'a été qu'une proposition concrète qui a servi de fondement au lancement de l'association. Une des enquêtées (Julie) remarque que le point de départ dont est née l'association est double. Il s'agit, d'une part, d'une revendication très précise qui incarne la volonté de mettre à mal les marchés financiers et, d'autre part, d'un « projet démocratique » qui passe également par la remise en cause des marchés mais dans une optique beaucoup plus large. La plupart ont d'ailleurs été davantage motivés dans leur adhésion par cette seconde revendication que par la taxe Tobin elle-même. Fabien exprime de façon très nette que s'il a adhéré (lors du lancement) ce n'est pas tant pour la taxe que ce qu'elle représentait. Attac est né d'une double revendication : d'un « projet démocratique » et d'une proposition concrète. Le développement du mouvement l'a conduit à s'éloigner de plus en plus de la taxe pour pouvoir élargir son discours. Le point commun qui existe entre les deux revendications et qui fonde l'unité du mouvement c'est la lutte contre les marchés financiers. La taxe Tobin, tout comme le projet de « ré-appropriation », sont proposés à l'encontre des marchés financiers Thomas : Moi je pense que c'est bien, parce que déjà au niveau de l'information et au niveau de la charte et de la base de l'adhésion on a tous la même base. C'est une base qui est donnée par le national et sur laquelle, à la limite on pourrait agir en disant que ça ne convient pas [...] Tout le monde a les mêmes informations et si les gens adhèrent, ils adhèrent à ça. Parce qu'après ça peut amener des dérives au sein de petits comités locaux qui [pourraient dériver]... Pour des tas de raison... Julie : Attac est une association nationale et internationale il y a donc une certaine cohérence a avoir, il est nécessaire qu'il y ait des instances de décision communes. Déjà il y a la charte qui assure une base commune, sachant que dans certaines villes il y a trois comités locaux. Luc : Attac c'est un peu la même chose [qu'un syndicat] sauf qu'on défend quelque chose qui n'a jamais été remis en cause par personne et ça me semble important, c'est la charte initiale d'Attac. Pour moi la charte initiale d'Attac n'a jamais été remise en cause à ma connaissance par personne. Ça me semble primordial. F.E : Il y a eu un élargissement des revendications d'Attac... Luc : Pas tellement en fait. Si on regarde la charte, tous les domaines dans lesquels on se bat sont dedans. Alors l'Erika, par exemple, en tant que tel ne se trouve pas dedans, mais ce que ça représente y est contenu. C'est quand même une multinationale qui pollue et c'est le peuple qui en subi les conséquences. C'est pour ça que je me dis que le mot d'ordre pour moi d'Attac c'est « Contre la dictature des marchés », les marchés c'est le capital [...] Tout ça fait partie de la même lutte. Julie : Je ne sais pas quelle est l'ouverture d'Attac. Cette association est passée par un biais particulier. Elle a abordé le problème de la mondialisation sous l'aspect du monde de la finance et l'autre aspect qui moi me paraît primordial c'est qu'elle a fait appel à la réappropriation du monde par le citoyen et je pense que c'est quelque chose d'important. F.E : Mais vous, dans votre adhésion, c'était surtout la taxe Tobin qui vous a motivé ? Fabien : Non... Enfin à l'époque c'était avant tout la taxe Tobin mais c'était plus ce qu'elle représentait. La taxe Tobin, ça signifiait une certaine méfiance vis-à-vis des mouvements internationaux de capitaux, des fonds de spéculation, l'idée de ne pas trop donner de pouvoir aux sphères financières. Par la suite, ce qui me paraît crucial, c'est de développer des idées très critiques vis-à-vis des fonds de pension que je considère comme extrêmement dangereux. Tout ça constituait un ensemble d'idées qui se situent dans la même mouvance. * 239 Cf., Charte, annexe n°7, p.19. |
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