UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE ? L'engagement et le militantisme au sein du comité Attac Isèrepar Eric Farges Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble - 2002 |
1.3.2 Les relations entre Grenoble et Paris1.3.2.1 Une relation d'opposition critiquéeCertains comités locaux, reprochèrent aux militants isérois de chercher à mettre en cause le national et ils désapprouvèrent leur attitude. Ils furent accusés de vouloir prendre le pouvoir au sein de l'association en renversant les dirigeants. Luc : La première CNCL, on a demandé dès le début une inversion de l'ordre du jour, en disant avant de commencer, il faudrait peut-être travailler en ateliers sur la fonction de la CNCL, ce qu'il convient de faire et comment on va travailler, avant de commencer à travailler. Et bien non ! Il y a beaucoup de gens qui ont réagi de manière très négative, en disant « Qu'est-ce que ça que cette histoire là ! On est en train de perdre notre temps sur des discussions qui ne valent pas le coût ! », donc on a débattu d'une manière assez aléatoire d'un certain nombre de choses et rien a été décidé. F.E : Il y a des comités locaux qui vous ont critiqué ? Thomas : Bien sûr ! On s'est fait traiter de gauchistes, de calife mais tous ceux-là ils ont été remis à leur place rapidement. Les deux, trois qui ont porté ces critiques là, je les ai vus physiquement à l'Assemblée nationale ou à la conférence nationale en disant que c'était vraiment petit comme réflexion. Moi mon combat il est ailleurs, je n'en ai rien à foutre de devenir célèbre à l'intérieur d'Attac. Les accusations, portées à l'encontre des dirigeants, sont également très mal perçues par certains adhérents d'Attac Isère. Il s'agit, avant tout, d' accusations émanant de membres qui sont le moins impliqués dans le comité. Leurs critiques reposent davantage sur la forme de l'opposition que sur sa légitimité. D'ailleurs, certains reconnaissent que ces reproches sont « peut-être justifiés » (Fabien), d'autres s'accordent à dire qu'ils sont « légitimes » (Lionel). Toutefois, ils désapprouvent le mode d'opposition qu'entretiennent les membres du C.A avec la direction nationale. Ils y voient une tentative d'obtenir une certaine forme de reconnaissance. Fabien, qui a été mis au courant des conflits avec le national par un courrier interne167(*), craint une dérive « bureaucratique » de l'association où les « petits chefs veulent prendre la place du grand chef ». Cécile regrette que la confiance vis-à-vis du national ne soit pas plus présente chez les membres du C.A. Elle leur reproche une « opposition systématique » qui consisterait à « se plaindre pour s'affirmer un peu ». Enfin, Lionel y voit une tentative d'obtenir une reconnaissance de la part de la direction nationale168(*). F.E : Il y a eu des débats au sein d'Attac Isère... Thomas : Il y a eu aussi des critiques au sein d'Attac Isère de gens qui en n'avaient marre qu'on ressasse toujours les problèmes, du lien avec le national en disant « Oui vous rechercher la reconnaissance du nationale ! », alors qu'on fait ce qu'on a à faire et on mobilise comme on peut et on est loin d'être les moins efficaces. Fabien : Je n'aimerais pas qu'Attac me donne l'impression de devenir un trop bureaucratique. Je ne trouve pas mais le fait que la section de l'Isère commence à critiquer la direction nationale. Je n'aime pas les organisations qui cherchent à s'auto-finaliser. C'est-à-dire les organisations, où au bout d'un certain temps, l'action consiste à critiquer les chefs, à essayer de prendre leur place, à avoir des débats sur des problèmes qui n'intéressent que le groupuscule, perdre de vue la vue initiale. J'ai cru comprendre que la section de l'Isère était partie très en guerre contre la direction nationale. C'est peut être très justifié, mais je me méfie de ce genre de choses, parce que souvent dans les organisations au bout d'un moment il y a des problèmes de leadership, il y a des petits chefs qui veulent prendre la place du grand chef et au bout d'un moment ça tourne en rond. C'est ce que j'appelle une association qui essaye de se finaliser elle-même. Et puis elle perd de vue ce pourquoi elle a été constituée. Ça a été un peu ma crainte. Cécile : Dans toutes les organisations qui se veulent nationales, voire internationales, il ne faut pas se leurrer, il y a une direction qui prend les décisions et tout le monde ne peut pas participer à la prise de décision immédiatement. Là aussi, la confiance doit jouer. À partir du moment où tu adhères à une organisation et qu'il y a un minimum de débats d'idées à l'intérieur de l'organisation, tu peux te dire que globalement les prises de position au niveau national vont plus ou moins ressembler aux tiennes [...] Après, moi je pense qu'il y a aussi une part de parano, car je disais qu'Attac Isère a un côté parano, il y a un côté très polémique [...] Quelquefois il y a la tentation de se plaindre pour se plaindre, pour s'affirmer un peu [...] En plus, on se déconsidère en faisant cela. Ce n'est pas les prises de position intelligente, c'est de l'opposition systématique. Lionel : Je comprends tout à fait aussi les critiques qu'il y a eu contre le national car vu l'énergie qu'ils déploient, je comprends qu'ils regrettent qu'ils ne soient pas reconnus vis-à-vis du mouvement [...] Il est tout à fait légitime, je pense, qu'ils reprochaient ces griefs à Paris et puis il y a de l'émotionnel et c'est moins maîtrisé. Le fait de ne pas être reconnu. On est un peu dans la dialectique difficile qui reproche à son père et qui cherche à être reconnu. Il y a un peu de ça. * 167 A l'occasion de l'AG de St Brieuc, une lettre destinée aux adhérents exprimait les positions du C.A isérois vis-à-vis de la direction nationale. Elle se concluait par un appel aux adhérents : « En conséquence, nous avons décidé de voter contre le rapport d'activité, afin de sanctionner ce déficit démocratique et monter notre volonté d'obtenir une AG extraordinaire pour modifier les statuts. Nous appelons tous les adhérents qui rejoignent notre analyse à faire de même ». Cf., « Lettre aux adhérents, « Appel en vue de l'Assemblée générale de Saint-Brieuc », 5/10/2000, annexe n° 22, p. 43. * 168 On peut noter que Lionel, qui exerce l'activité de psychologue, pose le problème dans des termes psychanalytiques. Il s'agirait, selon lui, d'un besoin pour les militants isérois d'obtenir une reconnaissance de la part du « père ». (« On est un peu dans la dialectique difficile du fils qui reproche à son père et qui cherche à être reconnu »). Par ailleurs, on peut rapprocher cette analyse des propos de Luc, selon qui « À Attac comme ailleurs, il y en a qui ne veulent pas être parricide et le père c'est Cassen dans l'affaire ! ». |
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