C. Le développement de la lutte
Les deux rapports qui nous servent de référence
démontrent clairement un point : les paradis fiscaux sont
aujourd'hui au centre des débats : permettant
l'évasion fiscale, ils sont contraires à
l'intérêt général ; facilitant le
blanchiment, ils participent au soutien des mafias et des
trafics en tous genres ; permettant par leur opacité le financement
ou le recyclage de l'argent de la corruption, ils sont un
frein au développement de nombreux Etats.
Tous ces facteurs, conjugués à la fin de la
période libérale tatchéro-reaganienne, ont
entraîné une prise de conscience assez importante à la fin
des années 1980 : il importe de lutter contre les paradis fiscaux.
La première explicitation de ce choix a
été le fait du G7 au sommet de l'Arche à Paris, en 1989.
La France, hôte du sommet et initiatrice de la création du GAFI
(Groupe d'Action Financière ou FATF soit Financial Action Task Force) a
alors joué un rôle assez important.
C'est également en 1989-1990 que le Conseil de l'Europe
élabore la Convention de Strasbourg relative au blanchiment, au
dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits
du crime. Son application reste malheureusement aujourd'hui suspendue à
la mise d'une réelle Europe de la justice, processus peut-être
entamé aujourd'hui avec la création d'Eurojust.
Dès mai 1990, le GAFI a publié ses
premières conclusions avec les « 40
recommandations » destinées aux Etats membres du G7 pour
lutter contre les paradis fiscaux. Progressivement le groupe s'est ensuite
élargi et compte aujourd'hui 29 membres et notamment les principaux
centres financiers internationaux. Une de ses principales activités
aujourd'hui est l'identification des NCCT (non cooperating countries or
territories), centres offshore posant le plus de problèmes. Une
série de 25 critères a été définie, qui
comprend notamment :
Ø L'existence de trous manifestes dans la
régulation financière et notamment :
o l'absence de régulation ou d'institution de supervision
des transactions financières.
o L'absence ou la faiblesse des contrôles lors de
l'attribution des agréments bancaires
> L'absence ou la faiblesse des mesures
d'identification des clients des banques
o Un secret bancaire excessif
o L'absence de mécanisme d'identification et de
déclaration des transactions douteuses
Ø L'existence de faiblesses dans le droit commercial et le
droit des sociétés telles que :
o Un faible degré d'enregistrement et de reporting sur les
sociétés
o Une mauvaise identification des agents contrôlant les
sociétés
Ø Des obstacles à la coopération
internationale et singulièrement :
o Une coopération administrative inexistente, trop lente,
ou faisant preuve de mauvaise volonté
o Une coopération judiciaire limitée par une
législation ne pénalisant pas le blanchiment
o Un appareil judiciaire peu coopératif
Ø Des mesures inadéquates pour prévenir,
détecter et réprimer le blanchiment :
o Manque de ressource financières ou humaines dans les
organismes de contrôle
o Absence d'une unité centralisée de
contrôle
Une des recommandations du GAFI a abouti à la
création des URF (Unités de renseignement financier)
chargées de recueillir et de traiter les déclarations de
soupçon imposées aux institutions financières et à
certaines professions (avocats, notaires,...). Il a aussi dressé une
liste noire des 20 états les moins coopératifs : Iles Cook,
République Dominicaine, Egypte, Grenade, Guatemala, Hongrie,
Indonésie, Israël, Liban, Iles Marshall, Myanmar, Nauru, Nigeria,
Nuie, Philippines, Russie, Sont Kitts et Nevis, Sont Vincent et Grenades,
Ukraine.
L'OCDE, de son côté, a publié la liste des
centres offshores n'ayant répondu à aucune de ses demandes de
coopération: Andorre Principauté du Liechtenstein Liberia
Principauté de Monaco République des Iles Marshall
République de Nauru République de Vanuatu. (cf. infra sur le fait
que les deux listes ne correspondent pas).
Une autre institution, le Groupe Egmont, au fonctionnement
largement informel, a été établie en juin 1995 à
Bruxelles pour permettre la concertation entre les URF établies dans les
différents Etats.
Un « forum de stabilité
financière » a enfin été mis en place, en charge
plus spécifiquement des questions liées aux cadres prudentiels
sur les marchés financiers.
Pour ce qui est de la concurrence fiscale, les limites entre
légal et illégal sont difficiles à définir... Ainsi
l'Irlande entre régulièrement en conflit avec l'UE qui l'accuse
de dumping fiscal. La zone franche de Dublin est notamment au coeur des
débats : les exemptions de cotisations sociales et de taxes
professionnelles sont la règle plutôt que l'exception. Les
sociétés sont par ailleurs assujetties à un impôt de
seulement 10 %, les propriétaires et les locataires
bénéficient de dix ans d'exemption d'impôt locaux, et ils
ont la possibilité de déduire le double des frais de location
pendant la même période. Paradoxalement, dans le même temps,
l'Irlande bénéficie pour six ans encore de fonds européens
de développement régional...
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