La règlementation des contenus illicites circulant sur le reseau internet en droit comparépar Caroline Vallet Université Laval de Québec - 2005 |
B) La pédophilie et pédopornographieLa pornographie enfantine ou la pédopornographie132(*) et de surcroît la pédophilie133(*) sont devenues un véritable fléau sur Internet. D'ailleurs, l'auteur Astrid ZWEYNERT indique que : « Le nombre de sites Web consacrés à la pornographie infantile a plus que doublé l'année dernière, peut-on lire dans le rapport annuel du National Criminal Intelligence Service (NCIS) britannique. Le nombre de sites Web contenant des images pornographiques avec des mineurs a augmenté de 64% en 2002 par rapport à l'année précédente, explique le rapport sans en préciser le chiffre exact. Plus de la moitié de ces sites sont hébergés aux États-Unis, mais la proportion de ceux qui sont hébergés en Russie a doublé ».134(*) Dès lors, un trafic planétaire s'est organisé et s'est amplifié. Pour satisfaire la demande, des ventes ou des enlèvements d'enfants sont mis au point. Grâce à cette traite d'êtres humains, la pédophilie prolifère à un rythme exponentiel dans les pays en développement. De nombreux cas sont découverts impliquant des personnes parfois même insoupçonnables135(*). Les « internautes en culottes courtes »136(*) sont devenus les cibles favorites des internautes malveillants sur le réseau Internet. L'opinion publique s'émeut des affaires médiatisées telles que l'affaire Dutroux137(*) ou le démantèlement de réseaux pédophiles. C'est la raison pour laquelle de nombreux pays ont décidé d'adopter une politique anti-pédophilie. La pédopornographie a été en partie traitée dans la partie sur la pornographie et l'obscénité, mais certains points restent encore tout de même à éclaircir. Tout d'abord et à la différence de la pornographie, dans la pédophilie, c'est l'image de l'enfant qui est visée. En effet, « dans le cas de la pornographie l'enfant est « à l'arrivé » de l'information, alors qu'en matière de pédophilie, (...) il en est à l'origine »138(*). Ce comportement est donc beaucoup plus dangereux pour l'enfant puisqu'il se retrouve vraiment au coeur de l'action. La pédophilie peut prendre différentes formes et peut être en « chair et en os » ou « virtuelle »139(*). Par conséquent, l'ère numérique commande certains aménagements législatifs. En règle générale, ce sont encore une fois les dispositions pénales du droit commun qui s'appliquent sur Internet. Là encore, il s'agit du Code pénal français et du Code criminel canadien qui réglementent le réseau pour ce genre de méfaits. Selon l'article 163.1 (1) du Code criminel canadien, « la pornographie juvénile s'entend (...) a) de toute représentation photographique, filmée, vidéo ou autre, réalisée par des moyens mécaniques ou électroniques »140(*). Le terme « représentation » permet d'inclure différentes scènes sexuelles qui vont de la photographie d'un organe sexuel à un écrit préconisant l'activité sexuelle avec un mineur. En d'autres termes, cette définition est suffisamment large pour inclure toutes les formes de pornographie juvénile même virtuelle141(*). La simple possession de matériel pédophile constitue un délit142(*), tout comme le téléchargement ou l'impression d'une image à caractère pédophile constitue un acte criminel. Il en va de même pour l'article 227-23 du Code pénal français qui sanctionne divers comportements liés à la pédophilie. Ce texte a été enrichi par la « Loi n° 98 - 468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs » qui prohibe la diffusion, l'importation ou l'exportation d'images pédophiles143(*). La simple conservation de ces images est désormais incriminée depuis la Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 sur l'autorité parentale144(*) qui ajoute un alinéa 4 à l'article 227-23 du Code pénal français, selon lequel « le fait de détenir une telle image ou représentation est puni d'une peine de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende ». Par contre, « [la] simple consultation de documents pédophiles n'est pas réprimée par la législation française. Il convient donc de se conformer au principe d'interprétation stricte de la loi pénale et de considérer que la simple visite d'un site pédophile n'entraîne pas de facto application de l'incrimination pénale visée à l'article 227-23 du Nouveau Code pénal, pour autant qu'aucun transfert ultérieur ne fasse passer des fichiers stockés en «cache» dans une zone stable de la mémoire ordinateur en vue d'un archivage des données ».145(*) En outre, il ne faut pas oublier que les États-Unis sont les pionniers dans le domaine informatique. Ils ont aussi été les premiers à légiférer dans le domaine de la pédophilie virtuelle en mettant en place une loi interdisant strictement sa diffusion ou sa promotion146(*). Cette législation crée plusieurs infractions telles que la pédophilie « en chair et en os », la pédophilie virtuelle et la diffusion ou la promotion de cette pédophilie « virtuelle ». Selon le débat du moment, les deux dernières dispositions violent le Premier Amendement de la Constitution américaine garantissant la liberté d'expression147(*). En effet, la Cour Suprême américaine a rendu le 16 avril 2002, un arrêt qui déclare inconstitutionnelles ces deux dispositions centrales de la loi, aux motifs qu'elles enfreignent de manière disproportionnée le premier amendement148(*). Elle considère ainsi que la loi emploie un langage « trop large ». Par contre, elle déclare licite la production d'images d'enfants virtuels engagés dans une activité sexuelle149(*). Cette décision s'avère donc malheureusement « favorable » à la pédophilie virtuelle en raison du champ d'application large accordé à la liberté d'expression. En revanche, en Europe, cette pédophilie est interdite comme le montre les textes internationaux. Par exemple, une Décision de l'Union européenne relative à la lutte contre la pédopornographie sur Internet150(*), une Convention de lutte contre la cybercriminalité151(*) et une Décision-cadre de l'Union européenne relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie152(*) la répriment. Pour contrer ce fléau, des organisations de lutte contre la pédophilie se sont installées à leur tour sur le réseau. Leur mission est de recenser toutes les informations sur les individus susceptibles de s'adonner à ces activités153(*). Elles ont donc un rôle non négligeable dans le démantèlement de réseaux orchestré par les services de police qui peuvent ainsi mener à bien leurs enquêtes154(*). Ce premier chapitre aura permis de constater que le réseau Internet contient une diversité de contenus, dont certains ne devraient pas avoir leur place. En effet, les sites de pédophilie ou contenant des propos racistes prolifèrent de façon exponentielle même en présence de législations dans le domaine. Le problème est que les mineurs sont les premières victimes de ces contenus illicites. Pour faire face à ce fléau et à l'insuffisance des lois, les tribunaux suivis ensuite par le législateur, ont essayé de freiner les abus par la mise en place de nouvelles lois. C'est ainsi que des modifications ont été nécessaires afin de prendre en compte les caractéristiques propres d'Internet. Pour le moment, elles sont encore trop jeunes pour que leur impact sur le réseau puisse être véritablement observé. Néanmoins, ces lois mettent en place un régime de responsabilité se basant sur les PSI. En effet, les victimes se trouvant dans l'impossibilité d'identifier le véritable auteur du dommage ont tenu pour responsables ces prestataires afin d'obtenir réparation. Dans un premier temps, cette responsabilité fut automatique pour finalement se transformer, dans un second temps, en responsabilité conditionnelle. * 132 La pédopornographie est la représentation (par photos, diapositives, films et bandes magnétoscopiques) d'un ou de plusieurs enfants, éventuellement en compagnie d'adultes ou d'animaux, dans des poses ou des actes à caractère manifestement sexuel ; en ligne sur : Office québécois de la langue française < http://granddictionnaire.com/btml/fra/r_motclef/index1024_1.asp> (site visité le 13 mars 2004). * 133 Id. : La pédophilie se définit comme de la paraphilie qui se manifeste, de la part d'un adulte, par un comportement ou des désirs érotiques à l'égard des enfants, quel que soit leur sexe. * 134 Astrid ZWEYNERT, Le nombre de sites pédophiles aurait doublé en 2002, vendredi 22 août 2003, en ligne sur : Yahoo < http://fr.news.yahoo.com/030822/85/3d0cg.html> (site visité le 13 mars 2004). * 135 Accord à Boston sur l'indemnisation des victimes de prêtres pédophiles, mercredi 10 septembre 2003, en ligne sur : Yahoo < http://fr.news.yahoo.com/030910/202/3e12p.html> (site visité le 13 mars 2004) ; condamnation du directeur de cabinet du président d'un Conseil général : T. corr. Le Mans, 16 février 1998, J.C.P. 1999. II. 10011, note J. FRAYSSINET. * 136 Expression empruntée à Guillaume DESGENS-PASANAU, Au centre des débats actuels : la protection des mineurs sur l'Internet, 24 Juillet 2001, en ligne sur : Droit et Nouvelles Technologies < http://www.droit-technologie.org/1_2.asp?actu_id=450> (site visité le 13 mars 2004). * 137 Voir le dossier de l'Association Le Bouclier - Défense des enfants, en ligne sur : < http://www.bouclier.org/dossier/785.html> (site visité le 13 mars 2004). * 138 Voir Thierry PIETTE-COUDOL et André BERTRAND, Internet et la loi, Paris, Dalloz, 1997, p.126. * 139 Termes tirés de la loi américaine sur la répression de la pédophilie (Child pornography Prevention Act of 1996 (CPPA)). * 140 C. cr., art. 163.1 (1) a) ; l'arrêt R. c. Sharpe (précité, note 116) fait une importante interprétation des concepts de l'article 163.1 ainsi qu'une confirmation de sa constitutionnalité. * 141 Voir C. OUELLET, op. cit., note 20, p.54. * 142 L'article 163.1 (4) C. cr. interdit la possession de matériel de pornographie juvénile ; par exemple, R. c. Gauthier, [1999] R.J.Q. 2103 ; J.E. 9961521. * 143 Voir Sylvain H. c. Ministère public, CA Douai, 4e ch., 21 mars 2002, Comm. comm. électr. juin 2003. n°6, p.38 ; Monsieur le Procureur de la République c. Philippe H, TGI du Mans, 16 février 1998, en ligne sur : Juriscom.net < http://www.juriscom.net/txt/jurisfr/cti/resum.htm#h> (site visité le 13 mars 2004). * 144 Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 sur l'autorité parentale, en ligne sur : Legifrance < http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=20701&indice=1&table=CONSOLIDE&ligneDeb=1> (site visité le 13 mars 2004). * 145 F.-J. PANSIER et E. PEZ, La criminalité sur Internet, Paris, PUF, Coll.Que sais-je ?, 2000, p.90. * 146 Termes tirés de la CPPA, précitée, note 139. * 147 Constitution américaine du 17 septembre 1787, Articles additionnels et amendements à la Constitution des États-Unis d'Amérique ratifiés le 15 décembre 1791 ; en ligne sur : < http://www.jura.uni-sb.de/france/Law-France/const_us.htm> (site visité le 13 mars 2004). * 148 Elle soutient que l'attirance pour les adultes mis en scène de manière à les rajeunir n'est pas illicite, tout comme les images de synthèse même à caractère pédophile ; Voir article de Pascal KAMINA, « Pornographie « virtuelle » représentant des mineurs », Comm. comm. électr. Juin 2002, n°6, p.5. * 149 Ashcroft, Attorney General, et al. v. Free Speech Coalition et al. 18 U. S. C. §2251, (00-795) 535 U.S. 234 (2002) 198 F.3d 1083 ou en ligne sur: Findlaw for Legal Professionals < http://laws.findlaw.com/us/000/00-795.html> (site visité le 13 mars 2004). * 150 J.O.C.E. n°L 138 du 09/06/2000 ; Voir l'article Agathe LEPAGE, « La lutte de l'Union européenne contre la pédopornographie sur Internet. Haro sur les pédophiles d'Internet ! », Comm. comm. électr. janv. 2001, n°1, p.28. * 151 Convention de lutte contre la cybercriminalité, précitée, note 67 ; Voir le titre 3, article 9 relatif aux Infractions se rapportant à la pornographie enfantine. * 152 Décision-cadre 2004/68/JAI du Conseil du 22 décembre 2003 relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie, J.O.C.E. n°L 13 du 20 janvier 2004, en ligne sur : < http://europa.eu.int/eur-lex/pri/fr/oj/dat/2004/l_013/l_01320040120fr00440048.pdf> (site visité le 13 mars 2004). * 153 Voir F.-J. PANSIER et E. PEZ, op. cit., note 145, p.88. * 154 Par exemple, l'association Le Bouclier défend les enfants et lutte contre la pédophilie et les maltraitances d'enfants : voir le site < http://www.bouclier.org/>. |
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