Les Etats face aux Droguespar Eric Farges Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble 2002 |
2.1.2.2 La bataille française du méthadoneLa méthadone est reconnue par le milieu médical à l'échelle internationale comme un instrument utile dans le soin de la toxicomanie entre les années soixante-dix et les années quatre-vingt. Les premières manifestations d'intérêt pour la méthadone en France datent de cette époque496(*). Devant les résultats apparemment positifs des essais développés depuis quelques années aux États-Unis et dans certains pays européens, un cadre expérimental d'utilisation de la méthadone fut conçu et proposé par l'INSERM en 1973 à la demande des pouvoirs publics. Mais cette ouverture resta très limitée. Sur les quatre structures agréées pour mener cette expérimentation sur le territoire national, seuls deux centres parisiens le mirent effectivement en oeuvre (l'hôpital Fernand Widal et l'hôpital Sainte Anne) dans des conditions très restreintes qui réduisaient la portée de l'expérience497(*). L'opinion générale des acteurs de cette époque - intervenants spécialisés, administrations, responsables politiques - était en effet réticente voire opposée à la diffusion des traitements de substitution498(*). La lecture de la toxicomanie demeure à l'époque essentiellement sociale ou psychologique. Les craintes que soulèvent les techniques substitutives sont alors celles du «contrôle social pharmacologique » et de la perte du sens de l'intervention thérapeutique si l'on « donne de la drogue » et si l'on rend « le patient dépendant » dépendant d'un traitement médicamenteux. Les spécialistes du secteur de la toxicomanie s'affrontent entre 1986 et 1988 sur les différentes options thérapeutiques à adopter sans que toutefois cela remette en cause la finalité du dispositif spécialisé qui reste l'abstinence. Le consensus anti-substitution a maintenu pendant une vingtaine d'années la méthadone dans un statut expérimental et extrêmement marginal. Il faut ajouter que, depuis la fin des années 70, la France a connu une très forte consommation de médicaments codéinés (sirops anti-tussifs, Néocodion®, Nétux®, codéthyline, etc.) dont 80 % étaient utilisés en auto-substitution par des personnes héroïno-dépendantes499(*). La codéine est en effet disponible sans prescription médicale, une exception par rapport aux autres pays européens, ce qui la rend très facilement accessible. De nombreux toxicomanes se sont alors détournés de l'héroïne (pour une question de coût monétaire) en privilégiant les codéinés comme les sirops antitussifs dont le prix les rendait attractifs. En 1994, on estimait à 50 000 le nombre de personnes qui faisaient un usage quotidien de la codéine en auto-substitution en France, et les ventes de Néocodion® atteignaient 1 million de boîtes par mois. Ces produits ont entraîné une forte dépendance, parfois supérieure à celle due à l'héroïne. Cette «soupape » non officielle et quelque peu hypocrite a contribué à maintenir la croyance en la possibilité de se passer de traitements de substitution prescrits. Les toxicomanes ont également recourt aux benzodiazépines. Ceux-ci vont toutefois contribuer, du fait de leur fort pouvoir amnésique, à détériorer la représentation sociale des toxicomanes poussant les toxicomanes vers le « manque » ou l'« agitation ». La prescription de ces produits, et notamment du Néocodion® ont largement diminué après la mise sur le marché des traitements de substitution légaux, comme le souligne le graphique. Document 3 : Courbe des ventes de Néocodion® de 1990 à 2001 Source : Graphique extrait de Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport réalisé à la demande de Bernard Kouchner Ministre Délégué à la Santé, p.36. Au tournant des années 90, de nombreux professionnels de la santé (médecins, praticiens hospitaliers) et des associations, réclament une meilleure prise en compte des problèmes posés par le VIH chez les toxicomanes500(*)500(*). La question de la méthadone revient ainsi à l'ordre du jour, d'autant plus que l'OMS et l'Union Européenne exercent des pressions depuis 1988-1989 pour que la méthadone soit développée en France. Léon Schwarzenberg, alors ministre délégué à la Santé, avait proposé une extension des programmes méthadone en 1988 et avait été évincé du gouvernement la même année. Une circulaire de la DGS501(*) propose l'introduction de la méthadone dans les centres spécialisés mais elle définit de façon stricte les critères d'accès à de tels programmes : les toxicomanes doivent être volontaires, dépendants majeurs depuis au moins cinq ans d'un opiacé, avoir entrepris plusieurs cures de sevrage infructueuses et témoigner d'une réelle motivation502(*). La substitution n'est, en outre, utilisée que dans un objectif d'abstinence. Entre 1990 et 1993, seules deux candidatures seront transmises à la DGS par les centres spécialisés. Les intervenants de la toxicomanie refusent de considérer la méthadone comme un outil thérapeutique503(*). Le système de soins français est alors confronté à un dilemme que résume Michel Setbon : « Faut-il comme le réclament certains, abandonner l'objectif qualifié d'utopique d'une « guérison de la dépendance » et concentrer l'action publique sur des objectifs plus accessibles, changement que traduit le concept de réduction des risques liés à l'usage de drogues ?»504(*). Le 9 novembre 1993, des professionnels se prononcent à l'Académie nationale de médecine en faveur de l'introduction de la méthadone au sein de programmes qui doivent « se développer dans des structures spécialisées en toxicomanie, où ils représenteraient un élément parmi les autres possibilités thérapeutiques »505(*). L'ANIT se prononce en faveur de l'utilisation de la méthadone au sein d'un rapport intitulé « Pour une politique française de lutte contre les toxicomanies. Changer de cap » et publié en 1994505(*). Alain Morel, président de l'ANIT, précise toutefois la même année que « les programmes utilisant de la méthadone (ou toute autre substitution) apportent une aide thérapeutique à condition qu'ils soient menés par des professionnels expérimentés dans le domaine de la toxicomanie, capables d'accompagner les usagers et de tenir le cadre de soins »507(*). L'arrivée de Bernard Kouchner, fervent défenseur de la méthadone et proche de l'ONG Médecins du Monde (MDM), au ministère de la Santé au début de l'année 1992 marque un tournant dans la politique de soin508(*). Il affirme, à l'occasion de la présentation de son budget à l'Assemblée nationale en octobre 1992 que l'héroïne n'a pas un caractère irréversible à l'inverse de l'infection à VIH, et qu'il est par conséquent nécessaire de redéfinir une hiérarchie des priorités de santé publique. Bernard Kouchner demande ainsi à quintupler les places de méthadones qui avaient été créées à titre expérimental en 1973. Son projet rencontre une violente hostilité politique notamment de Geogina Dufoix, présidente de la DGLDT (Délégation générale à la lutte contre la drogue), du ministre de l'Intérieur et de Jaques Chirac509(*). Sa proposition reçoit néanmoins le soutien des médecins généralistes (REPSUD), des praticiens hospitaliers s`occupant de sidéens, des associations de lutte contre le Sida et des associations d'usagers de drogue qui amorcent une campagne collective. Plusieurs conférences scientifiques ont lieu en 1993 en faveur de l'introduction de la méthadone511(*). Toutefois, l'exemple de la ville de New York, fréquemment cité par les spécialistes français, amène à limiter le rôle de la méthadone512(*). Alors que les programmes de méthadone ont été développés très tôt à New York (1965), le taux de toxicomanes séropositifs est l'un des plus élevés au monde (39%). C'est ainsi que Alain Morel déclare qu'il « est dangereux d'établir un lien entre méthadone et prévention du Sida. La dernière mode dans notre pays est de considérer que le problème de la drogue pourrait être changé si l'on envisageait sous l'angle de la substitution. C'est une manière d'occulter le reste des problèmes ». Les professionnels de la toxicomanie soutiennent que les programmes de substitution n'ont d'effets significatifs concernant la transmission du Sida que pour les toxicomanes qui sont prêts à arrêter leur consommation. Ils rejettent ainsi la mise en place de programmes à bas seuil d'exigences513(*). Simone Veil décide la formation d'une commission de réflexion sur la méthadone présidée par le professeur Roger Henrion. Certaines instances politiques restent réticentes telles que le ministère de l'Intérieur de Charles Pasqua, dont le conseiller de lutte contre la toxicomanie, le professeur Jean-Paul Séguéla, qui annonça comme conséquence la conversion des médecins en « dealers en blouse blanche »514(*). Sur le terrain, la clinique Liberté s'ouvre en 1993 à l'initiative de Anne Coppel et Didier Touzeau, deux « anciens » du dispositif spécialisé qui se sont « convertis ». Le protocole d'admission est strict, conformément à la circulaire de 1992. Un projet déposé par Médecins du Monde est tout d'abord rejeté par la Commission ministérielle des traitements de substitution en raison d'un manque de perspective thérapeutique515(*). Néanmoins le dossier est accepté notamment grâce à l'appui de Bernard Kouchner. Le ministère de la Santé renouvelle en 1993 un appel à candidature pour les programmes de méthadone ; celui-ci ne pose plus comme condition thérapeutique nécessaire le principe de l'abstinence516(*). Une seconde circulaire publiée la même année délègue 4 MF pour que soient mis en place « dans les grandes villes françaises des unités de prise en charge bénéficiant de la possibilité de prescrire de la méthadone »517(*). Le soutien des autorités sanitaires locales (DDASS) rend alors possible la création de centres méthadone518(*). Entre 1993 et 1995, la France est passée de 3 centres méthadone pour 52 places à 45 centres pour plus de 1 600 places. Le processus de diffusion de la méthadone semble alors lancé. La politique française en matière de toxicomanie confirme le choix de la substitution avec une circulaire adoptée en 1995519(*). Celle ci stipule que tous les centres sont « autorisés à prescrire et délivrer de la méthadone » sans avoir à demander un agrément. Les toxicomanes n'ont, en outre, plus besoin d'être dépendants depuis au moins 5 ans et d'avoir connu au préalable des échecs de sevrage pour bénéficier d'un programme de substitution. Une seconde circulaire réaffirme ce choix en considérant la prescription de médicaments de substitution constitue un volet essentiel de la politique de santé publique519(*). Devant le succès clinique rencontré, les centres méthadone se développent passant de 1 645 patients en 1995 à 6 000 en 2000 avec une dose moyenne de 60 mg520(*). Dès lors, « la vision utopique fondée sur l'abstinence est remplacée par une vision pragmatique fondée sur la maintenance et la stabilisation »522(*). L'acceptation de la méthadone par la classe politique et le milieu professionnel de la toxicomanie français fut l'aboutissement d'un long combat idéologique et politique. La diffusion des programmes de substitution constitue un symbole de la victoire de la réduction des risques, c'est à dire la reconnaissance (implicite) de l'échec des politiques d'abstinence passées. Il est nécessaire de replacer cette transformation dans le cadre global de la santé qui passe d'un modèle curatif, dans lequel il s'agissait d'éradiquer la maladie, à un modèle préventif, qui consiste en la préservation de la santé523(*). La prévention devient aussi légitime que la guérison. Ainsi, « on passe lentement d'un modèle public de santé à un modèle de santé publique »524(*). L'introduction de la méthadone représente enfin une révolution culturelle en matière de toxicomanie. Elle témoigne de l'affirmation d'une nouvelle politique (celle de la réduction des risques) et avec elle de l'adoption de nouvelles valeurs professionnelles et socioculturelles524(*)524(*). Le toxicomane n'est plus considéré comme un « malade-délinquant » qui doit être libéré de la drogue. La toxicomanie est dès lors en voie de normalisation. La méthadone marque la remise en cause de la structure des relations de pouvoir qui s'étaient stabilisées au sein du champ de la toxicomanie française. Le patient est désormais reconnu comme l'élément central de la thérapie. « Pour les récalcitrants, le choc était double. Ils considéraient le passage à la méthadone comme un abandon tant de nos croyances anciennes que de nos patients, que nous renoncions désormais à libérer de la dépendance. En outre, cette nouvelle orientation impliquait pour eux la perte d'un pouvoir supplémentaire. C'était particulièrement vrai pour les psychologues, qui avaient animé jusque-là le rôle de pointe. C'était eux qui avaient accès au coeur du problème - l'âme des patients - et c'était eux en conséquence qui posaient les diagnostics et décidaient des traitements au cours d'évaluations d'entrée auxquelles étaient soumis tous les toxicomanes se présentant à la consultation [...] Avec la méthadone, nous allions tenir compte de la première demande des patients et négocier avec eux les projets du traitement. La psychothérapie en ferait toujours partie, mais elle cesserait d'en être le centre pour en devenir un élément parmi d'autres » 526(*) La mise en place du principe de la réduction s'est traduit par l'apparition de nouveaux instruments de soin et de prévention qui ont révolutionné les pratiques antérieures. C'est ainsi, que des programmes de distribution de matériel sanitaire se sont développés en matière de prévention des risques infectieux. Ceux-ci ont ouvert la voie à de nouveaux modes d'intervention, tel que le travail de proximité, et ont permis d'élargir l'accès aux populations les plus marginales. Des outils spécifiques de traitement de la toxicomanie ont été mis en place, tels que les programmes de substitution de méthadone. Ces derniers ont rendu possible non seulement un renouvellement des pratiques thérapeutiques mais, surtout, la remise en cause des idéologies dominantes au sein des professionnels de la toxicomanie qui étaient le plus souvent hostiles à l'idée de la substitution. L'application de la réduction des risques a cependant été accomplie de manière très inégale selon les pays. Elle a ainsi engendré des effets très divers selon les configurations nationales condidérées. La portée de la réduction des risques est, comme il a été établi auparavant, de double nature : elle permet d'une part de limiter les risques sanitaires encourus par les toxicomane, particulièrement ceux liés à l'épidémie de VIH, mais elle contribue d'autre part à renouveler les représentations sociales du toxicomane et de l'usager de drogues par un processus de « normalisation » * 496 L'analyse qui suit du cas français a été construite à partir des ouvrages suivants auxquels on peut se rapporter pour de plus amples informations. Augé-Caumon M-J., Bloch-Lainé J-F., Lowenstein W., Morel A., L'accès à la méthadone en France. Bilan et recommandations, Rapport réalisé à la demande de Bernard Kouchner Ministre Délégué à la Santé, 87p ; Courty P., Le travail avec les usagers des drogues, op.cit., p.37. ; Touzeau Didier, Bouchez Jacques, La Méthadone, 12p ; Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizi * o pubblico, Franco Angeli, Milan, 1996, p.49. 497 Jusqu'en 1992, le nombre de personnes en bénéficiant resta très marginal (50 personnes). De plus il était impossible de prescrire des doses supérieures à 60 mg, qui constitue la dose minimale définie par Ball et Ross. Un certain nombre de critères d'inclusion étaient définis de façon restrictive: le patient devait avoir plus de 18 ans, avoir effectué deux sevrages sans succès en service hospitalier et avo * ir plus de cinq années d'utilisation d'héroïne. 498 Outre le statut très péjoratif de « stupéfiant » auquel ont été soumis tous les morphiniques et la diabolisation de leur usage médical, d'autres raisons sont à l'origine de cette opposition : en particulier, la très faible médicalisation des structures spécialisées dans la « lutte contre les toxicomanies », leur peu d'intérêt pour la dimension organique et biologiq * ue, et pour le développement des neurosciences. 499 La codéine a une action analgésique de courte durée (trois heures) et est utilisée par les héroïnomanes afin de réduire les effets d'un syndrome de sevrage. * 500 Ramon Neira, « Pour un changement de cap des politiques socio-sanitaires de prévention et de traitement. Poin * t de vue d'un clinicien », op.cit., pp.441-442. 501 Circulaire DGS-DAS/405/2D-FE2 du 15 mai 1990 * 502 D. Coester, M.A. Laborde et M.Thévenin, Analyse d'une décision : l'extension des programmes de traitement des toxicomanes par la méthadone, Mémoire IEP Paris, sous la responsabi * lité de Madame Legendre, IEP Paris, 1994, p.21. 503 En 1993 Simone Veil évoque la « difficulté à trouver des équipes médicales pour encadrer ces programmes » Laurence Folléa, « La délivrance de méthadone à des toxicomanes devrait être développée dans de structu * res spécialisées », Le Monde, 13 novembre 1993. 504 Michel Setbon, L'injonction thérapeutique : évaluation du dispositif légal de prise en charge de * s usagers de drogue interpell * és, Paris, éditions du CNRS, Groupe d'analyse des politiques publiques, 1998, p.9. 505 Le Monde, 11 novembre 1993 506 Une « véritable politique de santé publique » est ainsi définie par « un accès sans obstacle aux seringues stériles et aux préservatifs » mais aussi par l'introduction de la méthadone qui devient un outil de prise en charge mais « ni plus ni moins que d'autres outils comme l'hébergement thérapeutique, le sevrage avec accompagnement social [...] La substitution n'est pas une solution miracle [...] mais un des moyens de recours aux soins que l'on ne saurait rejeter. La réduction des risques ne doit pas conduire à la réduction des soins ». Alain Morel, « Avancer. Les intervenants en toxicomanie, la substitution et le déba * t public », Intervention, n°43, 1994, pp.34-37. 507 ANIT, Rapport moral. Assemblée générale du 26 mai, Stratsbourg, 1994, p.4, cité in Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoi * re d'une singularité française, op.cit., p.292. 508 Alain * E509 Alain Ehrenberg, L'individu incertain, op.cit, p.111. 510 Jaques Chirac déclara à l'occasion que « la généralisation des expériences de substitution de la méthadone aux drogues paraît être la porte ouverte à la libéralisation de la consommation de drogue » Jacques Chirac, Le Nouvel Observateur, « dossier * Drogue et Sida », 26 novembre-2 décembre 1992. 511 En janvier 1993, les partisans de la réduction des risques organise un colloque intitulé « Tri-ville ». A cette occasion de nombreux spécialistes internationaux de la toxicomanie viennent rendre compte des programmes de méthadone développés à l'étranger. Les succès thérapeutiques de la méthadone, l'amélioration de conditions d'existence des individus, la diminution de la délinquance sont présentés comme autant de résultats liés à l'usage de la méthadone. Un autre colloque est * organisé sur l'initiative de MDM en mars 1993. 512 Alain Morel, président de l'ANIT, déclara que « l'exemple de New York prouve que la méthadone n'est pas une solution radicale. Dans une ville où de 30 000 à 80 000 personnes utilisent ce produit chaque année, on trouve une séroprévalence de 60% dans les populations traitées, soit deux fois plus que chez nous ». V. de Vezins, « Le veto des homm * es de terrain », Le Figaro, 19-20 février 1994.513 On distingue généralement les programmes de substitution à bas seuil, qui comportent peu de conditions d'admission, et les programmes à haut seuil, qui nécessitent de nombreux réquisits. Ce point sera par ailleurs développée par la suite. * 514 Jean-Paul Séguéla déclara : « La distribution aux seuls héroïnomanes lourds, sur prescription médicale, d'héroïne ou de méthadone, produits toxicogènes classées comme stupéfiants par les conventions internationales, serait un encouragement à la toxicomanie, contraire à l'éthique des médecins. Cette prescription, rappelons le, cautionne l'usage de produits sans aucune valeur thérapeutique. Elle est dommageable pour la santé. Il n'est pas tolérable que les médecins deviennent « des dealers en blouse blanche » et participent à l'entretien de la toxicomanie. Ne serait-ce pas là une sorte d'euthanasie ? [...] Le combat contre la drogue est pour nos citoyens la grande priorité, avant le chômage, le risque nucléaire, l'éclatement de la famille et le Sida » Jean-Paul Séguéla, in Laurence Folléa, « Drogués en Europe : aider e * t sévir. La France », Le Monde, 4 janvier 1994. 515 « Ce projet d'ouverture de cinquante places de méthadone sur Paris introduit une rupture radicale par rapport à l'esprit du protocole en place. En effet, ce projet ne se situe plus dans un objectif thérapeutique par rapport aux problèmes de la dépendance mais vise de manière quasi-exclusive la prévention du VIH et l'accès aux soins des toxicomanes vivants avec le VIH ». Compte rendu de la réunion de la Commission méthadone du 18 mai 1993 concernant le projet de MDM, cité in Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoi * re d'une singularité française, op.cit., p.286. 516 La Circulaire de la DGS précise que « ces programmes sont mis en place pour participer à la réduction des risques et pour favoriser l'adoption par les toxicomanes de comportement de prévention. L'objectif des programmes de substitution est généralement de viser une meilleure insertion sociale, une régulation, voire une interruption à terme de prise de tout opiacé ». Circulaire DGS/45/ Division Sida-SP 3 du 17 juin 1993 relative au renforcement des actions de l'Etat d * ans le domaine de lutte contre l'infection VIH. 517 Cette circulaire réaffirme l'importance de la réduction des risques mais ajoute que les programmes de méthadone doivent viser « une interruption à terme de toute prise d'opiacé * s ». Circulaire DGS/72/SP 3 du 9 novembre 1993.518 La DDASS lance alors un appel d'offre en direction des centres de soins spécialisés pour augmenter le nombre de traitement de méthadone [Circulaire DGS/DH n°14 du 7 mars 1994 relative au cadre d'utilisation de la Méthadone dans la prise en charge des toxicomanes, ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, non parue] Toutefois comme le rappelle Pascal Courty l'autorisation officielle était plus facile que la mise en place effective en raison des réticences des équipes hospitalières qui restaient orientées uniquement vers le sevrage des usagers. « Il fut impossible de trouver à l'intérieur des services du centre hospitalier un(e) infirmier(e) qui désirait travailler dans cette perspective. Personne à l'époque ne voulait être complice de la défonce supposée des usagers. Comme on disait alors, on ne veut pas « donner de la drogue aux drogués » ». Courty P., Le trava * il avec les usagers des drogues, op.cit., p.3 * 9. 519 Circulaire DGS/04/SP 3 du 11 janvier * 1995. 520 Circulaire DGS/SP3/95 n°29 du 31/03/95 521 Pascal Courty souligne cependant le problème de l'inégalité d'accès aux soins puisque prés de 80 structures sur 2 * 20 refusent encore de prescrire la méthadone. 522 Francis Caballero, Ya * nn Bisou, Le droit de la drogue, op.cit, p.109. 523 Robert Castel, « Une préoccupation en inflammation », Informations sociales, 1993, n°26, p.87-96, d'après Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie. Histoi * re d'une singul * arité française, op.cit., p.247. * 524 Ibid, p.248. 525 «Tour à tour, la méthadone est devenue drogue légale ou médicament miracle, son prescripteur un dealer en blouse blanche. Elle servait à une normalisation et un contrôle social ou permettait une stabilisation pour réorienter son existence. Elle bousculait les pratiques professionnelles des juges, des magistrats habitués à voir des toxicomanes en manque ou des intervenants sanitaires qui exigeaient un sevrage avant toute prise en charge. Elle s'inscrivait dans une politique sanitaire et sociale, prenant en compte des risques infectieux et sociaux». Touzeau Didi * er, Bouchez Jacques, La Méthadone, op.cit.,12p. 526 S. Arsever, A. Mino, J'accuse les mensonges qui tuent les drogués, Paris, Calman-Lévy, 1996, cité par Henri Bergeron, L'Etat et la toxicomanie., op.cit. |
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