CONCLUSION.
Tout du long de cette recherche il a été
question de nous interroger dans une première intention de la
considération des images d'archives de famille, notamment à
travers l'étude de la pratique média-photographique. Nous pouvons
relever à cet effet, que nous sommes en présence d'un objet de
recherche protéiforme, en ce sens, où celui-ci a connu une
évolution marginale au sein d'un mouvement historiographique
complexe.
En effet, nous avons observé que la pratique
média-photographique de famille se trouve à la jonction d'une
idéologie janusienne. D'une part, nous avons observé une
idéalisation de l'image familiale comme se devant de démontrer de
la grandeur d'une nation. Puis, d'autre part, que celle-ci était
également porteuse d'une parole davantage souterraine, et à
l'encontre d'un discours dominant. Il est vrai que ces images se doivent
d'être interrogées par et pour la société actuelle
afin de révéler, une composante historique éludée
par les détenteurs du pouvoir. Cela concerne celles et ceux qui nous
permettent de dévoiler d'une histoire invisible mais présente,
calfeutrée, derrière chacun des événements qui ont
constitués notre passé. Il est dès lors d'un enjeu
d'étudier ces images d'archives comme étant des indices comme
autant de sentiers, que nous devons empruntés dans le dessein d'obtenir
une vision la plus détaillée, mais surtout la plus
complète possible de notre mémoire collective.
Qui plus est, nous avons constaté dans une seconde
intention que les pratiques artisanales tels les albums de famille, mais aussi
du racontage était au fait d'une résurgence parmi la
société contemporaine. Ces pratiques avaient été
mises au banc de l'élaboration de notre patrimoine, de part une attitude
d'évitement envers des événements traumatiques à
l'échelle mondiale. Nous avons établi à travers cette
recherche que l'individu, par suite des deux conflits mondiaux, s'en
était remis à l'aspiration d'un monde sous le contrôle de
la technique. La reproduction en série, ainsi que l'industrialisation de
masse aussi bien des images que de la propriété, avaient
supplantés, en lieu et place, d'une transmission d'une
expérience. C'est dans le dessein de pallier la perte de notre
faculté à transmettre un récit, que l'humanité
s'était engagée dans une approche sisyphéenne de
l'histoire. Désormais, à mesure que nous avancions vers notre
avenir, nous ne regardions plus le passé comme étant de l'ordre
d'un éducateur se devant de nous prémunir des catastrophes
pouvant se reproduire. Nous avons constaté à travers
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notre recherche de l'aliénation de l'homme de famille,
qui tenta de pallier son incapacité à transmettre son
récit d'expérience, au point de se perdre parmi ses propres
images de famille. Cela ayant eu pour effet coercitif d'institutionaliser une
distance envers les autres membres de sa communauté familial. Qui plus
est, par suite de la destruction des villages et des individus les peuplant,
nous avons été confrontés à une perte
inégale de l'expérience humaine ainsi que de la tradition du
raconteur.
De plus, cela a eu pour conséquence d'établir
une constatation contemporaine, concernant le fait suivant. Nous étions
confrontés à la résurgence d'images d'archives de familles
dénuées de discours les accompagnants. Cela nous a
révélé du conditionnement opérant auprès des
générations dont nous faisons partie, de ne pas se
préoccuper du passé par le regard d'un individu mais davantage du
collectif. Notre recherche nous a révélé de la
nécessité par la pratique média-photographique de nous
réapproprier ces images d'archives de famille dans une volonté
d'établir une histoire commune et juste. Les documents pouvant les
accompagner comme étant jugés de second d'ordre par une
application méthodiste de l'histoire, peuvent nous permettre
d'établir des correspondances entre les individus, dans le dessein de
tenter d'abolir une frontière entre le puissant et l'oublié. Bien
que nous ayons porté à l'attention de nos lecteurs, que ces
images étaient avant tout de l'ordre de l'intime dans une
première mesure. Elles peuvent si elles sont accompagnées d'une
parole, de construire un univers à part entière entre les
communautés humaines.
En effet, comme nous l'avons également observé,
les nouvelles générations de cinéastes tentent de
reconstituer une histoire universelle à partir des images de familles.
Elles sont majoritairement des filles et petites filles de famille
désireuses de perpétuer la tradition d'une transmission de
l'expérience. Ces anecdotes d'un vécu somme toute personnel, qui
pourtant nous enseignent sur le devenir de la perception humaine liée
à un événement commun. La pratique du racontage si elle
n'est plus l'apanage des hommes de famille, est devenue celle des femmes de
famille. Dès lors que la transmission fut abolie par la décision
humaine de s'en remettre au progrès, dans l'acception d'une
perpétuelle ascension des sociétés. Le principe de
tradition a été considéré comme étant
antinomique des valeurs promues par l'ère de l'homme moderne. En effet,
celle-ci nous permet de
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convoquer dans un même temps la mort et la maladie. La
tradition tient sa naissance et sa pérennité auprès des
lieux éloignés de l'autorité. Elles nous enseignent non
plus le renoncement ; pas plus qu'une condition native de demeurait des
sempiternelles vaincus. Bien au contraire, elle nous éduque à
constater, voire devancer d'une perte de l'expérience. Il est vrai, que
nous avons établi que l'individu s'était réfugié
dans un monde de verre, le préservant ainsi lui semblait-il, de toute
remémoration du passé, autrement que par une méthode
chronologique et systématisée. Toutefois, nous avons
constaté que cette structure est tacitement nécessaire. Bien que
celle-ci nous contraigne a sans cesse porter notre regard vers l'avenir et non
le passé et ses ruines. Il est vrai que les sociétés
humaines étaient dans ce besoin de retrouver une structure, au lendemain
d'une destruction sans pareille des corps et des esprits.
Cependant, c'est par cette contradiction que nous avons
élaborer notre réflexion autour de l'avènement de la
raconteuse au coeur de notre société. Il est venu le temps de ces
femmes de familles de prendre la caméra, de s'approprier la technique
des images en mouvement dans le dessein de nous amener parmi un univers dans
lequel co-existe la parole et les images d'archives de famille. Ce sont parmi
des fragments de vies, d'images et de mots, qu'une histoire alternative prend
corps et voix. Elles sont ces raconteuses qui interrogent celles et ceux qui
nous ont précédés. Nous avons remarqué au cours de
notre recherche, qu'elles prêtent leur voix afin de redonner vie, le
temps d'un film, à ses mères, ses grands-mères, dont le
témoignage nous permet de nous inquiéter de notre avenir.
Qui plus est, il est apparu que cela peut nous permettre
d'envisager la pratique d'une autre histoire, de connivence avec notre
actualité. Nous sommes au fait d'une immédiateté de
l'information, pourtant, c'est la construction progressive d'un récit
autour des images d'archives de famille que permet une expérience
pérenne pour les générations à venir. Nous pouvons
admettre la parole comme se pouvant être un document archivistique
singulier, dès lors que celle-ci est établie dans un rapport avec
les images d'archives de famille.
La perdition d'un récit de la jeunesse
d'après-guerre a engendré une nostalgie d'un temps, non du moins
perdu que davantage absent. De ce fait nous pourrions, dans le
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prolongement de notre recherche, accentuer notre
démarche concernant une approche dialectique entre les images d'archives
de famille et la perte de l'expérience dès l'enfance pour un
individu. Autrement énoncé, il serait question de nous
questionner sur comment l'enfance peut devenir à son tour un
témoignage de l'expérience humaine. À cet effet,
l'imaginaire du conte, entre la parole énoncée et celle
chantée, à travers les chants partisans ne peuvent-elles
être mises en corrélation de la volonté souterraine de nous
renseigner sur notre devenir comme énonciateur d'expérience ?
Cette nouvelle mise en forme de l'histoire entre la parole de la raconteuse de
famille et les images d'archives par l'outil média-photographique. Ne
nous interrogerait-elle pas concernant notre perception d'une nouvelle
réalité historique par l'utilisation de la pratique du racontage
de famille ?
De plus, l'approche archéologique liée aux
images d'archives de famille peut possiblement approfondir davantage le rapport
entre la technique, et la restitution d'une historie souterraine. Il est vrai,
que nous pouvons nous questionner également sur la propension d'un
discours dominant à catégoriser les membres d'une famille comme
véhiculant, malgré eux, une prédétermination d'une
expérience conditionnée depuis l'enfance. Il serait question
également d'aborder plus en détail la portée de ces
nouvelles traditions de transmission du récit, au sein de la pratique
média-photographique contemporaine. Cela notamment en rapport à
un statut en devenir de l'outil cinématographique, comme devant
être étudié en tant que générateur
d'expérience singulier. Qui plus est, c'est à travers l'analyse
de séquences filmiques, que nous pouvons avancer le fait suivant. Cette
nouvelle approche, qui concerne les images d'archives de famille
associées à une pratique de la raconteuse de famille se
développe pour l'essentiel dans le cinéma italien. Les films qui
abordent cette méthode sont principalement des productions italiennes.
De ce fait, cela ne peut être considéré comme tenant d'une
donnée aléatoire, lorsque nous sommes au fait que la famille et
le cinéma italien évoluent en coexistence de la relecture d'une
histoire souterraine. Soit une pensée toute particulière
liée aux archives de famille ainsi qu'à la transmission de
l'expérience. Celle-ci se doit dans le prolongement de notre recherche
à venir d'être un objet d'attention indéniable.
En effet, c'est à l'issue de notre recherche, que les
films des cinéastes Alina Marazzi et Giulia Casagrande se sont
avérés complémentaires. Toutefois, il nous paraissait
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primordial d'étudier un ensemble de propositions
cinématographiques afin de nous assurer du bien-fondé d'une
étude davantage centrée sur le travail de ces deux
cinéastes.
De ce fait, dans la continuité de notre propos, nous
allons nous orienter sur la thématique de l'enfance pendant la
période de l'après-guerre et du fascisme. En l'occurrence,
comment la figure de l'enfance d'après-guerre est-elle
révélatrice d'un enjeu concernant l'étude d'un hors-champ
de l'Histoire ? Mais également dans quelle mesure, nous pouvons
étudier le motif de la représentation du corps de la femme
à travers la pratique média-photographique de famille ? La parole
comme médiatrice entre les images d'archives de famille et une histoire
collective, peut-elle devenir révélatrice d'une lutte souterraine
envers un discours propagandiste véhiculé par l'imagerie moderne
?
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