B- Manque de programme d'action adéquat à
Goré
Que ce soit en endommageant directement la terre, l'eau ou la
biodiversité, ou par le truchement de stratégies de survie qui
exercent de façon indirecte une pression sur des ressources naturelles
rares, les impacts environnementaux post-crise peuvent largement porter
atteinte aux ressources naturelles et rendre les populations affectées
particulièrement vulnérables aux évènements futurs.
Aussi, les opérations de secours et de relèvement qui suivent les
conflits et les catastrophes naturelles peuvent sans doute causer autant de
dégâts environnementaux que les crises elles-mêmes. En
effet, l'utilisation durant l'intervention humanitaire de techniques non
durables ou causantes des dommages environnementaux, peut laisser des
régions dans des logiques de dépendance de l'aide ou de
surexploitation de leurs ressources naturelles et ainsi devenir sujettes
à de nouveaux conflits. Bien plus, la simple opération d'une
importante présence humanitaire conçue pour des opérations
rapides et intenses, laisse trop souvent derrière elle, une
traînée de déchets polluants, une hyper-utilisation
concentrée des ressources et une urbanisation lourde non durable. La
non-prise en compte de
116R., PHILIPPE, J. MARGOT, MARGOT A., Les
limites de l'aide humanitaire, Lausane, Ecole Polytechnique
Fédérale deLausanne, 2007, p. 33
104
ces risques ainsi que l'intégration insuffisante des
considérations sur la question environnementale dans les
opérations de secours peut réduire l'impact positif des secours
en causant davantage de morts, de déplacements, de dépendance
à l'aide et de vulnérabilité. Bien que ce lien ait
été documenté dans des études de cas et soit
communément admis par les acteurs humanitaires sur le terrain, de
nombreuses opportunités sont perdues et de nombreux risques
environnementaux ignorés tout au long de l'action des ONG
internationales à Goré. Les acteurs humanitaires à
Goré semblent accorder peu d'intérêt aux
considérations environnementales dans la gestion des
réfugiés. Les contenus des programmes d'aide humanitaire en
attestent. Ces derniers ont été installés dans des zones
à écosystème fragile sans la mise en place des mesures de
préservation ou de restauration. L'on a ainsi noté que
l'écosystème des régions hôtes, plus celui du reste
du pays s'est considérablement dégradé, ceci du fait de la
pression des populations hôtes et réfugiés sur le peu de
ressources naturelles disponibles. Ce phénomène va
malheureusement grandissant. Les pouvoirs publics et les organisations
humanitaires sont beaucoup plus portés à trouver des moyens de
subsistance immédiate ou de secours, à savoir nourriture,
santé, eau, éducation, etc... Ce qui n'est pas mauvais en soi,
mais reste limité du point de vue des solutions durables ou de
l'autonomisation des réfugiés. Les résultats des
enquêtes menées sur le terrain dans le cadre de la présente
étude, révèlent que les considérations
environnementales ont été insuffisamment prises en compte. Dans
les localités abritant les camps des réfugiés, l'on
perçoit aisément des grandes superficies déboisées,
créant par conséquent des conflits ouverts entre les populations
hôtes et les réfugiés. Il est à déplorer que
très peu des projets visant à préserver ou à
améliorer l'écosystème ont été mis en oeuvre
dans à Goré où sont installés les camps des
réfugiés. Les quelques projets environnementaux
implémentés dans la région ne résultent pas
nécessairement d'une réflexion visant à combiner la
protection de l'environnement à l'assistance humanitaire.
A l'issu de cette littérature, il est à relever
que même si les dimensions socio-économiques et environnementales
sont présentes dans les programmes d'action des ONG internationales
à Goré, elles restent largement insuffisantes du point de vue des
exigences d'une démarche d'instauration des solutions durables ou
d'autonomisation des réfugiés et des populations hôtes. De
telles insuffisances, ainsi que celles relatives à la dimension
législative, institutionnelle, fonctionnelle ci-dessus
évoquées méritent que l'on s'y penche pour apporter des
ajustements requis.
105
SECTION II : PERSPECTIVES D'AMELIORATION DE L'ACTION
DES ONG INTERNATIONALES A GORE
Comme nous l'avons vu dans le chapitre
précédent, l'accueil des réfugiés à
Goré quoique portant de nombreux risques sécuritaires et
environnementaux, est porteur d'énormes retombés impactant
positivement son processus de développement socio-économique. Au
regard des réalités du terrain et considérant la
persistance des conflits à l'origine des multiples flux migratoires sur
le territoire national, l'on peut sans risque de se tromper, affirmer que la
crise des réfugiés au Tchad s'inscrit dans une perspective
à long terme. D'où la nécessité pour l'Etat du
Tchad de prendre un certain nombre de mesures dans le sens d'apporter des
améliorations non seulement sur les plans juridique, technique et
institutionnel (Paragraphe I), mais aussi sur les plans socio-économique
et environnemental (Paragraphe II) pour mieux capitaliser les retombés
de l'action humanitaire et le rendre davantage profitable pour ses
bénéficiaires et pour son développement.
Paragraphe I : La restructuration du cadre
législatif et institutionnel de l'action des ONG internationales au
Tchad
Dans ce paragraphe, seront exposées tour à tour
les mesures relatives au renforcement du dispositif textuel de gestion des
réfugiés d'une part (A), et le renforcement des structures
étatiques de coordination de l'action des ONG internationales d'autre
part (B).
|