L'action des ong internationales dans les camps de refugies de Gore au Tchadpar Auriol DJEKODOUM NADJI Institut des relations internationales du Cameroun/Université de Padoue - Master II en Relations Internationales Option« Coopération Internationale et Action Humanitaire 2019 |
A- Limites liées à la dimension socioéconomique et culturelleEu égard aux résolutions prises au niveau international en matière de gestion des réfugiés, toute action humanitaire doit pouvoir s'inscrire aussi dans une approche de développement, surtout du développement durable. Autrement dit, les acteurs humanitaires en apportant assistance aux réfugiés, sont appelés à s'organiser de manière à ce que leurs actions puissent non seulement conduire à l'autonomisation des réfugiés ou à l'instauration des solutions durables, mais aussi de veiller à ce que leurs actions ne soit pas source de conflits menaçant l'intégration sociale des réfugiés. Cette approche est consacrée à l'Annexe II des Principes d'action dans les pays en développement (A/AC.96/645) qui précise que « Les problèmes de réfugiés exigent des solutions durables. Une solution authentiquement durable signifie l'intégration des réfugiés dans une société : soit la réintégration dans le pays d'origine, après rapatriement librement consenti, soit l'intégration dans le pays d'asile ou le pays de 114UNHCR Standing Committee : « Impact social et économique d'importantes populations réfugiées sur lespays hôtes en développement », 1997. Source : http://www.unhcr.org 115M. BOYCE et A. HOLLINGSWORTH, « Les réfugiés soudanais au Tchad: passer le relais à personne »,2015, publié sur : https://static1.squarespace.com/static 102 concept d'aide traditionnelle d'urgence et de reconstruction à une aide au développement sur le long terme et à de la prévention. Du point de vue culturel, les rivalités nées des difficultés d'accès aux ressources naturelles (bois de chauffe, terres agricoles, eau, etc.) d'une part, et de l'assistance apportée exclusivement aux réfugiés d'autre part, n'ont pas été propices à l'intégration socioculturelle des réfugiés au sein des populations hôtes.. De telles difficultés surviennent précisément en l'absence ou insuffisance d'une démarche stratégique de gestion des réfugiés. De manière précise, la cohabitation entre les réfugiés et les populations hôtes est sujette à des conflits incessants dans la mesure où les principes ou modes de vie sont loin d'être partagés par les deux communautés. Nonobstant les forts liens historiques et culturels existant entre les populations hôtes et les réfugiés, la communauté humanitaire à Goré n'a pas su mettre à profit ses interventions pour davantage les rapprocher. Car, même s'il est vrai que les conflits entre ces deux communautés peuvent aussi avoir des sources en dehors de celles que nous avons soulignées, il faut noter que dans le cas d'espèce, ce sont principalement les difficultés d'accès aux ressources naturelles qui en sont les causes. Si l'approche participative a depuis longtemps été intégrée dans les programmes d'aide au développement, elle est peu prise en compte lors des aides humanitaires d'urgence. Alors que nul n'est besoin de rappeler que l'efficacité de l'aide humanitaire procède aussi de la prise en compte des réalités culturelles des bénéficiaires. Pour rendre leurs interventions efficaces, les acteurs humanitaires doivent autant que possible fonder leurs interventions sur les réalités locales. Le meilleur moyen de le faire, c'est de traiter avec des entreprises locales, collaborer avec les ONG locales en matière de planification et de mise en oeuvre des opérations, trouver des moyens d'associer les bénéficiaires des programmes à la gestion des secours, favoriser les démarches participatives et faire en sorte que l'aide ne soit jamais imposée aux bénéficiaires. Bref, il faut toujours tendre plus vers une meilleure participation des populations bénéficiaires au processus d'assistance humanitaire. Quoi donner ? Comment donner ? Ces questions ne se posent pas assez souvent dans les opérations humanitaires, et les conséquences sont pour le moins préoccupantes. Car, pour donner, il faut savoir exactement ce dont les populations ont besoin, et également quels sont les éléments qui sont en pénurie dans le pays ainsi que dans la région avoisinante. S'il y a la possibilité de s'approvisionner surplace, alors on privilégiera les dons en espèce permettant d'acheter de la nourriture ou des médicaments localement. Au début des opérations humanitaires à Goré et même jusqu'à récemment, l'on a plusieurs fois assisté à des vives tensions autour de la qualité de l'aide alimentaire livrées aux bénéficiaires. Les types d'aliments apportés ne correspondent pas aux besoins et habitudes alimentaires des dentinaires. 103 Malgré l'interdiction de vendre, certains bénéficiaires sont obligés de les vendre ces articles pour s'en acheter d'autres, correspondant mieux à leurs besoins et habitudes. A ce jour, des milliers de containers entiers, de matériel humanitaire inutile ou avarié attendent encore sur le tarmac des aéroports ou dans les principaux ports pour être éliminés116. Les grosses ONG sont maintenant familiarisées avec ces questions sur le don et ses implications, et ce sont les petites qui posent le plus de problèmes. Les gens pensent bien faire en envoyant des médicaments ou des habits, mais ils font malheureusement souvent plus de mal que de bien, car les procédures administratives et l'élimination représentent un coût important pour ces populations déjà affaiblies économiquement, ou alors pour l'environnement si aucune solution, à terme, n'est trouvée. Pour revenir au cas du Tchad où la persistance des conflits laissent présager que la fin de la crise migratoire n'est pas pour demain, l'on est en raison de s'interroger sur ce qu'il y a lieu de faire pour optimiser la présence des réfugiés et les opérations humanitaires. A notre sens, l'Etat tchadien et les acteurs humanitaires internationaux doivent pouvoir s'organiser de manière à trouver des solutions durables, ou à tout le moins, à renforcer l'autonomisation des bénéficiaires pour une perspective d'accueil maitrisé des réfugiés et d'aide humanitaire réussie. |
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