Paragraphe I: Les insuffisances sur le plan
législatif, institutionnel et fonctionnel
La présentation de l'insuffisance des instruments de
gestion des réfugiés précèdera (A) celle de la
faiblesse des structures étatiques de coordination (B).
A- Insuffisances législatives et
stratégiques
En dépit de sa volonté politique
manifestée par la ratification de la totalité des conventions
internationales relatives à la question des réfugiés, le
Tchad n'a toujours pas encore incorporé les principes issus des ces
instruments internationaux et régionaux dans sa législature
nationale. Ainsi, il n'existe pas de textes juridiques régissant
spécifiquement le fonctionnement des organisations non-gouvernementales,
la question des migrations des populations et de l'aide humanitaire au Tchad. A
ce jour, les Organisations Non-Gouvernementales et les acteurs humanitaires au
Tchad en général, évoluent dans un cadre
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législatif inadapté ou du moins peu
étoffé. En septembre 2013, un projet de loi devant régir
la question des réfugiés avait été
élaboré et devait ensuite être soumis à
l'Assemblée Nationale pour adoption. Mais ce projet est resté
sans suite jusqu'à ce jour. Alors qu'au regard des enjeux que
représente la question des réfugiés et l'action des
organisations humanitaires au Tchad, une telle loi devient plus que
nécessaires pour rationnaliser et optimiser ce secteur. Ce qui a
amené Mme Aminata Gueye, représentante résidente du HCR au
Tchad à tirer la sonnette d'alarme en déclarant que
«l'adoption d'une loi nationale sur l'asile devient une
nécessité impérieuse en ce sens qu'elle permettra de
fournir un cadre légal national de protection des réfugiés
et des demandeurs d'asile». Elle avait à cet effet, exhorté
l'Etat, les responsables politiques, les dirigeants locaux, la
société civile et les médias tchadiens à
«contribuer à créer un climat de tolérance permettant
de le gérer de manière appropriée le processus, afin de
rendre concret cette volonté politique de légiférer en la
matière.
Pour ce qui concerne le cadre de fonctionnement des
institutions internationales en général et des organisations
humanitaires en particulier, l'expérience de terrain montre que depuis
plus d'une décennie, le Tchad entretient avec elles d'excellentes
relations de coopération tant sur plan de leurs investissements, dans
l'assistance humanitaire que dans l'aide au développement. Mais il n'en
demeure pas moins que l'existence d'un cadre juridique spécifique
permettrait de mieux canaliser ces investissements tous azimutes pour faire en
sorte qu'ils soient mieux alignés à la stratégie nationale
de développement. Il est vrai que le fonctionnement des organisations
humanitaires, surtout des ONG est soumis aux principes d'indépendance et
de neutralité. Mais étant donné qu'elles opèrent
sur le territoire tchadien, définir un cadre de base pour harmoniser les
opérations en la matière ne saurait être contraire à
ces principes. A l'image du seul texte juridique national relatif à la
question des réfugiés, notamment le Décret
n°839/PR/PM/MAT/2011 du 02 août 2011112 portant
création de la Commission Nationale d'Accueil, de Réinsertion des
Réfugiés et des Rapatriés (CNARR) qui, en plus d'avoir
institué ladite commission, a eu le mérite de clarifier ses
compétences et son fonctionnement, d'autres lois en la matière
permettraient de rendre beaucoup plus fluide le secteur des Organisations
Non-Gouvernementales et de l'aide humanitaire au Tchad. Au terme de ce
décret, la Commission Nationale d'Accueil, de Réinsertion des
Réfugiés et des Rapatriés est rattachée au
Ministère de l'Administration du Territoire. Quant à l'instrument
d'encadrement stratégique, il s'agit en réalité d'un
instrument non juridique ayant pour objet, la
112Décret
n°839/PR/PM/MAT/2011 du 02 août 2011 portant création de la
Commission Nationale d'Accueil, de Réinsertion des
Réfugiés et des Rapatriés (CNARR)
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planification stratégique de la gestion des
réfugiés et de l'aide humanitaire en rapport avec le plan
national de développement. Le Tchad dispose certes d'une base de
données relative à la question des réfugiés issue
des résultats du Deuxième Recensement Général de la
Population et de l'Habitat (RGPH2, 2009) et des différents rapports du
Haut Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés. Mais cette base
de données statistique n'a pas été suivie d'un plan
d'action stratégique de gestion des réfugiés. Alors qu'un
tel plan aurait pu permettre d'aborder par exemple la question de
l'intégration des dimensions socio-économique et environnementale
dans la gestion des réfugiés, laquelle constitue d'ailleurs le
gage de l'efficacité de l'action humanitaire. Même s'il est vrai
que des textes juridiques peuvent prescrire la nécessité de prise
en compte de telles dimensions, les instruments d'orientation
stratégique et le plan national de développement sont mieux
indiqués pour servir de base d'orientation et de définition des
programmes humanitaires intégrant réellement les
réalités socioculturelles des réfugiés et des
populations hôtes et les préoccupations socio-économiques
et environnementales du pays du Tchad. A ces insuffisances liées au
cadre juridique et stratégique, il faut ajouter celles relatives
à la faiblesse, ou même l'inexistence de structures
étatiques et la faiblesse de coordination entre les services de l'Etat
et les organisations humanitaires.
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