SECTION I : LE CADRE OPERATIONNEL
L'espace humanitaire doit être un espace de
liberté d'action. Cela ne doit pas être pour autant un espace de
désordre, sans coordination, responsabilité ou exigence de rendre
compte. Faire cohabiter ces différentes exigences est un enjeu
fondamental. Il se construit autour de trois grands axes à savoir : la
coordination (entre les agences ainsi qu'avec les autorités tchadiennes
pour la prise en compte de politiques nationales, etc.),la mise à
disposition des ressources et enfin la mise en oeuvre de la
responsabilité de chacun à rendre compte.
Entre « se coordonner avec » et « être
coordonné par », il y a la nuance entre indépendance et
subordination. Cette question, toujours sensible, a été rendue
plus complexe encore du fait de difficultés de coordination entre trois
grosses composantes : la composante Organes onusiens, celle autour des ONG et
celle du gouvernement. Les liens entre coordination opérationnelle,
coordination budgétaire et allocation des fonds occupent une place
centrale dans les débats sur l'indépendance des acteurs
humanitaires. Les expériences de Pool Funds laissent de nombreuses ONG
sur la défensive car ces mécanismes d'attribution des fonds
contrôlés par l'ONU induisent une perte d'indépendance des
ONG, les transformant en simples prestataires de service. Ce sujet de
préoccupation existe depuis longtemps parmi les ONG qui sont en forte
dépendance de financements du HCR, de l'UNICEF ou du PAM et qui voient
avec inquiétude les bailleurs de fonds transférer de plus en plus
de ressources aux mécanismes onusiens de type Trust Fund tout en
limitant les financements directs vers les ONG.
Paragraphe I- La mise en oeuvre de l'action des ONG
internationales à Goré
L'opérationnalisation de l'action des ONG est un
mécanisme suivant plusieurs canevas et nécessitant une certaine
exigence allant de l'état des lieux qui est une étude
préalable pour
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s'enquérir de la situation avant tout
interventionnisme. Après l'étude des lieux, les acteurs
humanitaires, en l'occurrence les ONG internationales comme dans notre cas
précis procèdent à un déploiement ou encore une
opérationnalisation. Cette phase nécessite la coordination des
activités et la mise en place des partenariats avec différents
autres acteurs humanitaires (Organes onusiens, le gouvernement ou dans la
moindre mesure les ONG nationales) (A). L'étape
préénoncée est suivie par l'observation des
stratégies spécifiques pour l'effectivité des actions
à entreprendre (B).
A- Les partenariats entre les ONG internationales et les
organes des Nations Unies Collaboration et mise en oeuvre
La présence de l'ONU au Tchad est structurée
autour du Représentant Coordinateur (RC) et Représentant
Résident du PNUD, qui assume aussi la fonction de Coordinateur
Humanitaire (HC). Présentes au Tchad pour des programmes de
développement, les Nations Unies ont vu leur rôle se diversifier
avec la crise des réfugiés du Soudan à l'Est et de la RCA
au Sud (HCR, PAM) ainsi que celle des déplacés dans l'Est (HCR,
PAM, UNFPA, UNICEF, FAO, avec OCHA pour la coordination). La coordination reste
assez compliquée en raison d'une multiplication des instances,
réunions et mécanismes, ceci notamment suite à la mise en
place, dans le cadre de la Réforme Humanitaire des Nations Unies, du
système des Clusters. La famille des « ONG internationales »
comprend aussi bien des acteurs dotés d'une présence ancienne,
liés aux églises ou à des projets de développement,
que des nouveaux arrivés, les ONG humanitaires. A l'exception de
quelques grosses structures, les équipes des ONG sont souvent
relativement jeunes et parfois peu expérimentées pour le niveau
de complexité des tâches qui leur sont confiées. Les ONG
humanitaires sont souvent très dépendantes des financements des
Nations Unies et des grands bailleurs humanitaires classiques (ECHO, OFDA,
DFID). Face aux défis des dernières années, la majeure
partie des ONG humanitaires au Tchad se sont regroupées au sein d'une
instance de coordination, le Comité de Coordination des ONG (CCO), afin
de pouvoir mieux définir des positions communes face aux
autorités tchadiennes, aux Nations Unies. Les choses se sont
modifiées quand les ONG ont commencé à se déployer
dans la zone d'intervention.
La portée et les objectifs de la collaboration entre
les ONG internationales et les organes des Nations Unies sont décrits
dans la lettre d'entente de janvier 2011 ;
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Au Tchad, la collaboration opérationnelle entre ces
acteurs est basée sur des mécanismes de coordination au niveau
central et des sous-délégations/bureaux. Des partenariats de mise
en oeuvre et opérationnels existent avec les organisations humanitaires
internationales, nationales et gouvernementales qui sont présentes dans
les camps et qui interviennent dans les différents domaines
(santé, nutrition, eau, assainissement et hygiène, protection,
services communautaires, etc.) Par ailleurs, il existe peu de contacts avec les
acteurs du développement (comme le FAO, le PNUD ou le secteur
privé par exemple), qui sont souvent absents des zones où les
réfugiés se trouvent, et où les structures
étatiques d'aide au développement n'ont elles-mêmes que
très peu de moyens.
B- Le partenariat entre les ONG internationales, l'Etat
tchadien
Pour ce qui du partenariat entre les ONG internationales et le
gouvernement tchadien, il faut noter que le gouvernement fonctionne en termes
de Plan de Réponse. Ce Plan de Réponse pour les
Réfugiés contribue à la mise en oeuvre du pacte mondial en
articulant des réponses multi-acteurs au profit des
réfugiés et des communautés d'accueil, tels que
définis par le gouvernement et ses partenaires. Dans l'application d'un
cadre global de réponse pour les réfugiés, en tant
qu'approche globale et inclusive de la société, un large
éventail de parties prenantes collaborera avec le Tchad pour l'aider
à faire face à l'impact de l'accueil des réfugiés
sur ses communautés hôtes, à renforcer la résilience
et à s'engager dans des programmes de développement au niveau
national et provincial. Dans ce contexte, le gouvernement du Tchad sera soutenu
par les agences des Nations Unies, la Banque mondiale à travers l'IDA,
l'Union européenne et d'autres donateurs importants, les acteurs du
développement, les organisations gouvernementales et
non-gouvernementales (ONG), les acteurs de la société civile, les
donateurs traditionnels et le secteur privé.
Lors de la table ronde des donateurs qui s'est tenue à
Paris en septembre 2017, le gouvernement, appuyé par les agences du
Système des Nations-Unies, a réussi à recueillir en
promesses environ 20 milliards de dollars. Le présent plan de
réponse aux réfugiés du Tchad (CRRP) s'aligne sur le PND
qui garantit l'inclusion progressive des réfugiés dans les
structures de développement nationales. À cette fin, les
partenaires humanitaires à savoir les ONG internationales collaboreront
étroitement avec les ministères et les institutions
gouvernementales, en particulier avec le ministère en charge de
l'Administration (y compris la CNARR et la DAPEC); le ministère en
charge de la Planification, le ministère en charge de la
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Santé, le ministère en charge de
l'Éducation, le ministère en charge de la Formation
Professionnelle, le ministère en charge de l'Agriculture, le
ministère en charge de la Justice et des Droits de l'homme et le
ministère en charge de la Femme. Le Plan Cadre des Nations Unies
d'Assistance au Développement (UNDAF Tchad 2017-2021) et le Plan de
Réponse Humanitaire (HRP), dans lequel s'intègre ce Plan de
Réponse pour les Réfugiés. Comprennent plusieurs points
dont l'encadrement des réfugiés, la gouvernance, la paix et la
sécurité. Ce point est crucial car il comprend aussi la
protection de l'enfance, le système de protection sociale, la
préparation aux situations d'urgence, les interventions en cas de crise
et de catastrophes ainsi que le relèvement rapide.
La synergie entre les agences humanitaires se poursuivra en
2019-2020 pour répondre aux besoins des réfugiés (les
nouveaux arrivés comme les personnes en situation de déplacement
prolongé) à travers des actions en faveur de la protection,
l'assistance, la résilience et la recherche de solutions durables. Les
réponses aux situations prolongées sont basées sur un
ciblage plus différencié et des initiatives
complémentaires visant à améliorer la
sécurité alimentaire, la nutrition et la résilience des
réfugiés et de leurs communautés d'accueil. Un certain
nombre d'ONG internationales (ACF, ACS, ADRA, AIRD, Care Worldwide, COOPI, CRS,
HIAS, IRC, LWF, OXFAM, RET, WCDO, World Vision, World Concern) et nationales
(ADES, APLFT, CRT, SECADEV) ont confirmé leur engagement à
soutenir l'intégration socio-économique des
réfugiés, des rapatriés et des personnes
déplacées au Tchad. À cette fin, des partenariats sont
établis avec des acteurs clés du secteur privé et des
entreprises technologiques de premier plan. De ces partenariats peuvent
émerger des modèles pour donner aux réfugiés les
moyens de mettre en oeuvre des activités d'apprentissage et de
subsistance au sein des communautés. La Commission Nationale
d'Assistance aux Réfugiés (CNAR), dont tous les acteurs
soulignent l'engagement, a été en charge d'une triple fonction :
gérer les processus d'enregistrement des réfugiés
bonafide en appui au HCR (CNAR Civile), la sécurité des
camps (CNAR Gendarmerie) et enfin la mise en place, dans certaines zones, des
mécanismes de médiation entre réfugiés et
populations hôtes.
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