Paragraphe II : De la situation initiale aux conditions
actuelles des réfugiés
La solidarité humaine est le fondement de la vie en
société. Elle a toujours fait partie intégrante de la vie
en groupe. C'est dans ce sens que les actions visant à alléger
les souffrances et à améliorer les conditions de vie des
démunis ont toujours existé, et c'est ce qui anime l'action des
ONG internationales dans les camps de réfugiés de Goré.
Les ONG internationales exprimant ainsi un élan de solidarité
à l'endroit des populations vulnérables et nécessiteuses.
Cependant, avant que ces dernières n'assistent ces populations venues de
la RCA, les réfugiés
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se trouvaient dans des situations
précaires(A) mais cette situation est passée
d'un niveau à un autre grâce à l'intervention des ONG
internationales (B).
A- La situation de précarité des
réfugiés
Pour mieux s'enquérir de la situation initiale, un
exercice conjoint d'étude entre le PAM et le HCR au Tchad avec
méthodologie participative et qualitative et largement inspirée
par l'approche «Wealth Ranking» du HEA (Household Economy Approach) a
permis de faire une typologie des ménages en fonction de leur niveau de
richesse. Cette méthodologie, appelée Enquête
Multisectorielle de Vulnérabilité (EMV), a été
menée dans plusieurs camps ciblés. Ainsi, quatre groupes de
richesse ou catégorie socio-économique ont été
définis et caractérisés (Très Pauvres, Pauvres,
Moyens et Nantis) dans les camps de réfugiés au sud du pays comme
établis dans les EMV. Lors des focus group dans les camps de
réfugiés non encore ciblés, des questions relatives
à cette catégorisation des ménages ont été
discutées et selon les réfugiés, en général
quatre groupes économiques peuvent être considérés
dans leurs camps (très pauvres, pauvres, moyens et aisés).
Cette différence entre les groupes réside dans
les biens possédés pour subvenir à leurs besoins, la
disponibilité alimentaire, le revenu journalier, la production agricole,
la possession de ruminants et le commerce. Ainsi :
Les plus aisés ont plusieurs sources des revenus, comme
le commerce, le maraichage, ils mènent des activités de transport
(charrette, moto ou même la voiture), ils disposent de bétail, et
certains ont des motopompes. Sur le plan social, ils sont bien
considérés dans la société et ont la
capacité d'inscrire tous leurs enfants à l'école
(écoles de fortune). Les activités principales des moyens sont le
petit commerce, l'élevage et l'agriculture. Les pauvres ne disposent pas
des moyens financiers et économiques, ils sont souvent employés
parles groupes les plus aisés. Ils dépendent principalement de
l'assistance humanitaire. Ils ne possèdent pas de véhicules et ne
pratiquent pas le commerce. Les ménages très pauvres n'ont pas de
ressources et dépendent presque principalement de l'assistance
alimentaire et de la solidarité pour vivre.
Toutefois, dans les camps de réfugiés il existe
des systèmes traditionnels d'octroi de prêts, basés sur la
confiance entre réfugiés et souvent par le biais d'un garant.
L'accord de prêt ou de crédit par les commerçants (externes
et internes aux camps) se fait sur la base des capacités à
rembourser du demandeur. La plupart des prêts se remboursent en
espèces ou en nature, ou parfois en échange d'un travail
domestique. La pratique de l'usure dans ces milieux
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est très courante et le non-remboursement peut
engendrer certaines tensions entre les communautés et a des recours
à des stratégies de survie extrêmes.
Les réfugiés pratiquent des activités
diverses, mais très peu de ménages ont plus de deux sources de
revenus (7% des ménages). De manière globale, la vente des
produits agricoles, le petit commerce non alimentaire et le travail journalier
sont les trois activités principales génératrices de
revenus dans les camps de réfugiés.
Les activités économiques que les
réfugiés ont citées sont l'agriculture, l'élevage,
le petit commerce, la fabrication de briques et la maçonnerie, mais
aussi dans le travail journalier rémunéré chez les
familles autochtones (soit dans leurs champs soit à la maison comme
domestiques). La vente de poisson séché, de bois de chauffe et la
paille pour les animaux, constitue une source de revenu importante pour les
réfugiés. Il a été mis en exergue l'existence de
possibilités d'emploi dans les ONG, comme traducteurs, animateurs,
enseignants et agent de santé dans le camp. Certaines
opportunités se présentent en dehors des camps, comme
commerçants, gardiens, enseignants ou d'autres petits métiers
(forgerons, maçons, menuisiers, réparateurs de vélos et de
motos).L'artisanat, la cueillette et vente de miel sont les sources
génératrices des revenus pour les réfugiés.
Certains réfugiés reçoivent des transferts
monétaires de la part de certains membres de familles installées
à l'étranger. La population hôte est principalement active
dans les cultures pluviales et le maraichage, l'élevage, le petit
commerce ainsi que la collecte et vente de bois de chauffe. Les hommes
parcourent habituellement de longues distances à la recherche de
travail, pendant que les femmes cherchent habituellement une occupation autour
de la maison, de manière à pouvoir continuer à
gérer la famille et prendre soin des enfants. Unanimement les
réfugiés indiquent que la possibilité de trouver un
travail rémunéré reste très limitée.
L'insécurité aussi est une contrainte majeure pour trouver des
opportunités en dehors des camps, surtout pour les femmes qui peuvent
être confrontées à des violences ou des abus. Le manque de
moyens et de matériels, l'absence de microcrédit affectent le
commerce et d'autres petits métiers.
Le statut socio-économique des ménages influe
sur leurs dépenses et principalement sur l'alimentation et les autres
secteurs (santé, éducation, transport, habillement, etc.). Selon
les résultats des enquêtes, environ 60% des ménages
enquêtés consacrent au moins 75% de leurs ressources à
l'achat de nourriture avec une moyenne de 63%. Les discussions de groupe dans
les camps et la communauté hôte montrent aussi que les
ménages réfugiés consacrent essentiellement leurs
dépenses aux besoins alimentaires. En effet, les femmes du groupe des
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pauvres et des très pauvres déclarent consacrer
60 % de leurs revenus à l'alimentation. Les 40 % restant des
dépenses permettent de couvrir divers autres besoins dont
l'éducation, la santé, l'habillement, les combustibles
domestiques, les abris, etc. L'accès au crédit formel pour les
populations réfugiées reste problématique à cause
de leur statut dans le pays d'accueil qui ne leur permet pas d'avoir
accès aux banques et institutions d'épargnes et de crédits
car ne remplissant pas les conditions d'éligibilité.
En effet, l'insécurité alimentaire touchait
22.6% des ménages contre 44.1% cette année. La dégradation
de la situation alimentaire est aussi en grande partie liée à la
mauvaise qualité de la campagne agricole qui affecte tant les
ménages réfugiés que ceux autochtones globalement dans le
pays et au niveau des zones qui abritent les camps de réfugiés.
L'insécurité alimentaire à globalement progressé,
quoi que légèrement, de 5% au niveau national et 1.5% dans les
régions du Logone Oriental et Moyen Chari. Dans les camps de Goré
56,2 % des ménages étaient en insécurité
alimentaire, en grande partie due à une consommation pauvre et à
un usage accru des stratégies qui érodent les moyens d'existence
des ménages.
Le nouvel afflux illustre le fait que des retours volontaires
massifs sont improbables dans le court terme. Lors du dernier afflux, une
approche de « villagisation » a été adoptée pour
intégrer les réfugiés au sein des populations
d'accueil86.
Figure 1 : Les réfugiés
centrafricains à Amboko
86Mission d'évaluation conjointe HCR/PAM de la
situation des réfugiés centrafricains au Tchad
55
Source : CNAR, Mars 2019
B- L'amélioration des conditions de vie des
réfugiés grâce à l'action des ONG internationales
à Goré
En 2015, le HCR et le PAM ont commencé à
développer un Programme conjoint pour l'autosuffisance des
réfugiés et des populations hôtes du Tchad dont l'objectif
est de réduire progressivement la dépendance des
réfugiés vis-à-vis de l'assistance humanitaire et de
renforcer proportionnellement les moyens d'existence dans une optique
d'autonomisation. L'approche proposée consiste à optimiser
l'utilisation des ressources à travers une assistance multisectorielle
ciblée fournie selon les besoins spécifiques de chaque
ménage d'une part et, d'autre part, un investissement dans les moyens
d'existence de sorte à favoriser l'auto prise en charge. A ce jour, le
plan de mise en oeuvre du programme est élaboré par le concours
des ONG internationales et les différents objectifs, bien qu'ils ne
soient pas atteints sont en cours d'exécution. On constate donc que des
liens entre les activités de renforcement des moyens d'existence et
d'assistance alimentaire sont établis et que les deux programmes
fonctionnent souvent en collaboration. Le programme conjoint pour
l'autosuffisance des réfugiés et des populations hôtes du
Tchad, 2015-2020 est péniblement en marche. Malgré cela, une
nouvelle stratégie nationale de promotion des moyens d'existence
durables 2015-2020 pour les réfugiés a été
récemment adoptée par le HCR. Pour la mise en oeuvre, le HCR et
ses partenaires à savoir les ONG internationales ont fait un effort pour
réaménager son budget interne afin d'accorder une part plus
importante aux activités d'autosuffisance. L'assistance alimentaire
continue du PAM est tout aussi cruciale car il a permis aux ménages de
maintenir ou renforcer leurs activités de subsistance. D'où la
pertinence toujours d'actualité du programme conjoint, surtout que le
PAM envisage des coupures imminentes de l'assistance alimentaire. Ici, il
convient de noter que certains réfugiés sont restés
toujours dépendants au moins en partie de l'assistance alimentaire,
étant donné l'environnement où ils vivent et les
activités de subsistance que leur permet leur statut ou leur
condition.
En partenariat avec les deux agences, les ONG ont
développé et utilisent plusieurs outils pour collecter des
données sur l'évaluation des besoins, le suivi et
l'évaluation dans le domaine de la sécurité alimentaire et
nutritionnel. Les réfugiés Centrafricains sont à
Goré depuis le début de la crise. Leur retour dans leur pays
d'origine n'est pas motivé par le fait de l'instabilité. Ils
reçoivent une assistance du Gouvernement appuyé par la
communauté humanitaire. Dans les différents secteurs les
avancées ont été notées, mais pour le moment il
n'existe pas des solutions durables pour la majorité
des réfugiés. Au niveau de renforcement de moyens de subsistance.
Dans les camps de Goré, le programme d'assistance des refugies et
population hôte dans le cadre des programmes de production agricole et
petit élevage a permis d'améliorer la situation
socio-économique des bénéficiaires. La situation de la
sécurité alimentaire des réfugiés est restée
quasiment stable à Goré. Par ailleurs l'afflux des nouveaux
réfugiés et des retournés Tchadiens venant de Centrafrique
a négativement influencé les disponibilités et
l'accès aux produits alimentaires dans les régions hôtes du
Sud. Faute des ressources les actions d'accompagnement de cette
catégorisation n'ont pas pu être mises en place. Ainsi un
programme conjoint pour renforcer les moyens de subsistance et les
opportunités des revenus a été élaboré.
Néanmoins, la situation de la malnutrition aigüe globale est
élevée dans la communauté hôte comparée aux
camps des réfugiés87.
56
87ibid
CHAPITRE II : L'OPERATIONNALISATION DES ONG
INTERNATIONALES DANS LES CAMPS DE REFUGIES DE
GORE
57
L'opérationnalisation des ONG internationales à
Goré est encadrée par un arsenal d'instruments juridiques et
mécanismes institutionnels, mais au-delà de ces mécanismes
et instruments il y'a le problème d'opérationnalisation qui
consiste à se déployer sur le terrain notamment dans les
différents camps de Goré afin d'assister au mieux les
réfugiés. Pour ce faire, cette phase suit un certain nombre de
stratégies bien spécifiques aux ONG (Section I)
ensuite il y'a l'effectivité qui consiste mettre en oeuvre les projets
à travers des réalisations tant visibles qu'appréciables
(Section II).
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