L'action des ong internationales dans les camps de refugies de Gore au Tchadpar Auriol DJEKODOUM NADJI Institut des relations internationales du Cameroun/Université de Padoue - Master II en Relations Internationales Option« Coopération Internationale et Action Humanitaire 2019 |
B- Les mécanismes institutionnelsLes mécanismes institutionnels chargés de la promotion et de la réglementation des ONG sont multiples, ils sont d'ordre international (1) et d'ordre national (2). 1- Les mécanismes institutionnels sur le plan
international Les organisations non gouvernementales (ONG) sont actives auprès de l'Organisation des Nations Unies (ONU) depuis la création de cette dernière en 1945. Elles concourent de plusieurs manières, aux côtés du Secrétariat des Nations Unies, de ses programmes, fonds et agences, aux objectifs de l'Organisation. Consultées par les Etats membres, les ONG participent à quantité d'activités comprenant la diffusion d'information, la sensibilisation et 77La République récemment instituée au Tchad est la quatrième depuis que le pays est devenu indépendant en 1960. 78En mai 2018, le Président a promulgué la nouvelle Constitution, qui a étendu ses pouvoirs avec un régime totalement présidentiel, supprimant le poste de Premier ministre. 43 l'éducation, le plaidoyer politique, les projets opérationnels, la participation aux processus intergouvernementaux et l'offre de services et d'expertise technique. L'Article 71 de la Charte des Nations Unies, créant le Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC), stipule ce qui suit :Le Conseil économique et social peut prendre toutes à dispositions utiles pour consulter les organisations non gouvernementales qui s'occupent de questions relevant de sa compétence. Ces dispositions peuvent s'appliquer à des organisations internationales et, s'il y a lieu, à des organisations nationales après consultation du Membre intéressé de l'Organisation. Charte des Nations Unies, Chapitre 10, Article 71.L'article 71 de la Charte des Nations Unies ouvrait ainsi la porte afin d'établir les bases d'une consultation avec les organisations non gouvernementales. Cette relation avec l'ECOSOC est encadrée aujourd'hui par la Résolution 1996/31 du Conseil, qui établit les conditions d'admissibilité au statut consultatif, les droits et les obligations des ONG dans ce cadre, les procédures de retrait du statut consultatif ou de sa suspension, le rôle et les fonctions du Comité pour les ONG de l'ECOSOC, et les responsabilités du Secrétariat de l'ONU pour appuyer ce processus. L'Organisation des Nations Unies a oeuvré afin de renforcer la coopération avec les ONG à l'échelle du système et dans toutes ses sphères d'activité. En conséquence, des composantes des Nations Unies ont développé de nouvelles modalités visant à promouvoir et à accroître la participation stratégique des ONG Plusieurs documents ont insisté sur le besoin de renforcer les relations entre l'ONU et les ONG, en particulier La Déclaration du Millénaire de septembre 2000. L'importance de l'engagement des États membres visant à faciliter le travail des ONG a été réaffirmé dans le Document final issu du Sommet mondial de 2005 et dans la Résolution 68/1 de l'Assemblée générale sur le renforcement de l'ECOSOC. Dès le départ, le Conseil économique et social (ECOSOC) a été la principale porte d'entrée des ONG au sein du système onusien. L'ECOSOC demeure le seul organe de l'ONU ayant un mécanisme officiel pour la participation des ONG. En 1946, 41 ONG ont reçu le statut consultatif de la part du Conseil. En 1992, plus de 700 ONG avaient obtenu ce statut et ce nombre croît constamment depuis pour atteindre près de 5000 organisations en 201879 Les fondements institutionnels des ONG sur le plan régional ont en leur tête l'institution suprême régionale à savoir l'UA 79csonet.org/content/documents/ecosoc 44 b- L'Union Africaine (UA) En août 1999, la Conférence des chefs d'Etats et de gouvernements de l'OUA a décrété par une déclaration le remplacement de l'OUA par l'Union africaine (UA). L'UA a été fondée en juillet 2002 par 53 Etats africains à Durban en Afrique du Sud. L'UA compte 54 membres de l'UA, soit tous les pays d'Afrique, à l'exception du Maroc (qui s'est retiré de l'OUA en 1984 pour protester contre l'admission de la République arabe sahraouie démocratique en 1982), et du Somali land (qui n'est reconnu par aucun État). Elle siège à Addis-Abeba, en Ethiopie. Le but de ce changement institutionnel était l'accélération et l'approfondissement du processus d'intégration régional sur un plan socio-économique. Elle vise notamment à encourager la coopération internationale en tenant compte de la Charte des Nations unies et de la Déclaration universelle des droits de l'homme ; de promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité du continent ; de promouvoir et protéger les droits des populations en accord avec la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et de promouvoir la coopération dans tous les domaines d'activité humaine pour élever le niveau de vie des peuples africains. L'UA est constituée de plusieurs organes dont le Conseil économique, social et culturel (ECOSOCC) qui est un organe consultatif dont les membres sont issus des différentes couches socioprofessionnelles des États membres. Il ressemble à son homologue européen, le Comité économique et social. Outre son rôle consultatif, l'ECOSOCC est chargé de règlementer les activités des ONG sur le continent. 2- Les mécanismes institutionnels sur le plan national a- Le Ministère de l'économie et de la planification du développement (La Direction des ONG et Affaires Humanitaires) Placée sous l'autorité d'un Directeur assisté d'un Adjoint, la Direction des Organisations Non Gouvernementales et des Affaires Humanitaires (DONGAH) a pour mission la coordination et le suivi des affaires humanitaires et des activités des Organisations Non Gouvernementales80 (ONG). A ce titre, elle est chargée de : 80Le Ministère de l'économie et de la planification du développement-La Direction des ONG et Affaires Humanitaires, les statuts. 45 - Coordonner les politiques, stratégies et programmes humanitaires et appuyer leur mise en oeuvre en collaboration avec le ministère en charge des Affaires Etrangères, de l'Administration du Territoire et de la Solidarité Nationale ; - Assurer l'orientation et la coordination des activités humanitaires en cohérence avec les plans d'urgence et de développement ; - Participer à l'élaboration des plans de contingence, d'urgence et des réponses aux situations de crises humanitaires en collaboration avec la Direction en charge du plan ; - Coordonner et assurer le suivi de la mise en oeuvre des plans de réponse et en faire des rapports périodiques en collaboration avec la Direction du Suivi - Evaluation ; - Organiser et suivre les activités du forum des urgences en collaboration avec le Coordonnateur Humanitaire, les ministères concernés et les ONG ; - Agréer en ONG nationales les associations remplissant les missions de développement et remplissant les critères requis; - Instruire et faire approuver les programmes et projets soumis par les ONG en fonction des priorités définies dans les stratégies et plans nationaux de développement après avis technique des ministères concernés ; - Planifier, orienter et contrôler les interventions des ONG en collaboration avec le Ministère en charge de la Sécurité et les ministères techniques concernés ; - Analyser les demandes de franchise et toutes les requêtes introduites par les ONG - Préparer et faire signer le protocole d'accord d'établissement des ONG et en assurer éventuellement leur renouvellement après évaluation de leurs activités; - Veiller au respect du protocole d'accord de coopération et des accords des projets et programmes qui lient les ONG à l'Etat ; - Assurer le suivi et l'évaluation des projets et programmes des ONG ; - Organiser des réunions périodiques d'information et de coordination avec les ONG en collaboration avec les ministères techniques concernés ; - Produire des rapports périodiques sur l'impact des interventions des ONG ; - Créer une banque de données dans le domaine des affaires humanitaires et des ONG au niveau du ministère; - Coordonner et suivre les affaires humanitaires, les programmes, projets activités des Organisations Non Gouvernementales (ONG) en collaboration avec les ministères concernés ; 46 - Assurer l'orientation, la coordination et la cartographie des activités des ONG nationales et internationales en cohérence avec la politique nationale du développement - Produire les rapports annuels de la direction b- Le Ministère des Affaires Etrangères, de l'Intégration Africaine et de la Coopération Internationale (Direction Générale de la Coopération Internationale) Le Ministère des Affaires Etrangères, de l'Intégration Africaine et de la Coopération Internationale est une structure administrative publique en charge de la conduite de la politique étrangère du Tchad. Il est créé depuis l'accession de la république du Tchad à l'indépendance en 1960, plusieurs ministres se sont renouvelés à la tête de ce ministère qui l'on conduit à subir diverse mutation tant sur le plan structurel que formel. Ainsi du secrétariat général rattaché à la présidence de la république en 1960, il devient par la suite Ministère des Affaires Etrangères et de l'Intégration Africaine, puis Ministères des Relations Extérieurs et prend la dénomination Affaires Etrangères, de l'Intégration Africaine et de la Coopération Internationale depuis avril 2008. Ce ministère est chargée de veiller à la diligence de la politique extérieure du Tchad mais pour ce qui est des ONG il est chargé de : - Rechercher, identifier et mobiliser les financements extérieurs des projets de développement conformément aux priorités nationales ; - Négocier et signer les Accords et Conventions concernant tous les financements extérieurs et portant sur le développement et la coopération économique, technique et financière dont bénéficient l'Etat, les établissements publics nationaux et les sociétés d'Etat - Préparer et organiser avec les autres départements concernés des tables rondes et autres concertations des bailleurs de fonds sur le développement du Tchad ; - Coordonner et suivre avec les départements concernés les financements extérieurs ; - Préparer, organiser et présider les réunions des commissions mixtes ; - Centraliser les besoins en assistance technique, en faire la demande et en assurer le suivi ; - Etablir un rapport annuel sur la coopération au développement entre le Tchad et ses partenaires extérieurs ; - Elaborer et suivre la mise en application du programme de coopération technique ; - Suivre les activités des Organisations Internationales à caractère Politique, Economique, Culturel, Scientifique et Technique ainsi que leurs rapports avec le Tchad ; 47 - Suivre les activités bilatérales à caractère politique, économique, culturel, scientifique et technique ; - Traiter toutes les questions relatives aux Organisations Non Gouvernementales81 ; c- Le CNARR Le cadre institutionnel national d'accueil des réfugiés au Tchad est constitué des acteurs étatiques, des organisations de la société civile, des travailleurs humanitaires nationaux et des populations hôtes. Le Tchad a institué la Commission Nationale d'Accueil, de Réinsertion des Réfugiés et des Rapatriés (CNARR) qui reste le principal organe étatique en charge de la question des réfugiés et de l'encadrement des activités des ONG82. L'importance stratégique de cette commission est perceptible au niveau même déjà de sa composition. Au terme de l'article 2, la Commission Nationale d'Accueil, de Réinsertion des Réfugiés et des Rapatriés est composée comme suit :
Pour ce qui est des compétences de cette commission, l'article 3 du décret l'instituant stipule que « La Commission Nationale d'Accueil, de Réinsertion des Réfugiés et des Rapatriés est rattachée au Ministère de l'Administration du Territoire ». 81DECRET N" 1I53 PR/MAEIACID/2018 portant l'Organigramme du Ministère des Affaires Etrangères, de l'intégration Africaine, de la Coopération internationale et de la Diaspora. 82Décret 11-839 2011-08-02/PR/PM/MAT/11, portant création de la Commission Nationale d'Accueil, de Réinsertion des Réfugiés et des Rapatriés (CNARR). AU Tchad, cette institution est le principal orange de l'Etat en charge de la question des réfugiés. 48 SECTION II : L'ETAT DES LIEUX DE L'ACTION DES ONG
INTERNATIONALES D'un point de vue général, les ONG internationales dans les camps de Goré ont pour objectif d'assister les réfugiés sur divers plans. Les actions qu'elles entreprennent pour atteindre ces objectifs sont communément perceptibles à travers des réalisations dans les différents camps. Elles viennent en aide aux réfugiés en leur portant secours d'urgence et de première nécessité par le biais de l'aide médico-sanitaire, alimentaire, sécuritaire, logistique. Cependant, il est certes important de s'interroger sur l'effectivité et la pertinence de ces actions, mais avant, il serait judicieux que l'on fasse un état de lieux efficient de toutes ces actions. Malgré le caractère crucial de l'état des lieux, il faut comprendre que l'action ne se limite pas seulement à la seule aide humanitaire, encore moins l'humanitaire d'urgence. En effet, il convient de dissocier ici « l'humanitaire d'urgence », « l'humanitaire de reconstruction » et « l'humanitaire de développement »83. Le premier renvoie à l'assistance apportée aux victimes de crises diverses (crise alimentaire, conflit armé, catastrophe naturelle...) en leur fournissant les soins primaires, les premiers secours, les produits de première nécessité, la logistique. Il est question de satisfaire primordiaux des populations tant nécessiteuses que vulnérables, ou rendues ainsi par le fait d'une situation de crise donnée. C'est une aide qui se déploie dans l'extrême nécessité. Par conséquent, sa durée dans le temps est assez limitée. Elle prend fin dès lors que les risques représentés par la situation d'urgence sont atténués voire éradiqués. La deuxième forme d'aide humanitaire, renvoie à la restructuration ou la réhabilitation des infrastructures détruites lors des catastrophes et de grandes crises. Quant à la dernière forme, la plupart des professionnels s'accordent à réserver le substantif de « coopération au développement », s'inscrit quant à elle dans une dynamique de plus long terme. Elle renvoie généralement aux diverses activités menées par les ONGI pour accompagner les Etats dans leurs politiques de développement. Ces activités s'inscrivent dans la lignée des programmes gouvernementaux et se consacrent à un secteur de développement précis. Pour ce qui est de notre étude, il s'agit de la première forme d'aide à savoir l'humanitaire d'urgence. De ce fait, il s'agira dans le premier paragraphe (I) de faire un aperçu 83Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 189, n° 150 ; Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 606, n° 267. 49 général sur les camps de réfugiés de Goré avant d'étudier leur situation initiale à leur arrivée (II). |
|