A- Les instruments juridiques
Pour mieux appréhender les instruments juridiques, nous
évoquerons ici les textes des principes généraux de droit
qui président la reconnaissance du statut et l'activité des ONG
internationales en édictant les règles de Droit International et
national reconnaissant sa personnalité juridique en tant qu'acteur non
étatique, garantissant leur exercice de la liberté d'association,
et partant légitimant leur déploiement au Tchad. Très
souvent le droit se heurte à la définition de cette
entité, qui côtoie les termes d'association, association
étrangère, organisation étrangère, organisation de
solidarité internationale. Loin d'être un concept aisément
saisissable dans l'espace et dans le temps, la notion d'ONG internationale
semble se conjuguer au pluriel. Ainsi nous procéderons
préalablement aux textes internationaux (1) avant de
nous pencher sur les textes nationaux (2).
1- Les textes internationaux
Les ONG internationales étant des acteurs oeuvrant hors
de leur cadre national ne font pas du seul droit interne qui doit reconnaitre
leur statut ou réguler leur action. Ainsi, il y'a un arsenal de textes
juridiques internationaux qui entre dans la délimitation de leur domaine
d'action.
a- La Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme
La Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH)
est le document des droits humains le plus connu. Elle est la base de la
protection internationale des droits humains. Jusqu'à la deuxième
guerre mondiale, les droits humains n'étaient mentionnés que dans
les constitutions nationales. Il existait alors peu de règles
internationales. La terreur du national-socialisme et la cruauté de deux
guerres mondiales en un tiers de siècle ont provoqué ce
changement. On ne voulait plus répéter de telles
expériences. Tous les hommes et les femmes doivent pouvoir vivre en
paix, sans peur et sans faim. C'est pourquoi la Charte des Nations Unies de
1945 a inscrit que les états doivent garantir les droits humains.
38
La Déclaration énonce en quelque sorte le «
programme général des droits de l'homme». Elle pose les
bases des droits civils et politiques ainsi que des droits économiques,
sociaux et culturels. La Déclaration protège la dignité
humaine. Elle est valable pour tous les êtres humains dans le monde. Tous
les hommes et toutes les femmes sont nés égaux, ont la même
dignité et les mêmes droits. Tous les membres de l'ONU doivent
signer la Déclaration universelle des droits de l'homme.
La Déclaration n'est pas une loi. Elle a cependant une
grande signification. Toutes les autres conventions des droits humains
découlent de ce premier document. Elle a un rôle politique et
moral essentiel. Le préambule de ce document se fonde sur la
dignité humaine « La dignité est inhérente à
tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et
inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice
et de la paix dans le monde ».
Elle est l'un des premiers instruments juridiques de
portée universelle proclamant les droits de l'homme opposables à
tous et partout. Proclamé le 10 Décembre 194873, il a
pour but principal le respect de la dignité humaine à travers
« le respect universel des droits de l'homme et des libertés
fondamentales »74. L'article 20 de cette
déclaration stipule que « ... toute personne a droit à
la liberté de réunion et d'association pacifique. Nul ne peut
être obligé à faire partie d'une association ».
Même si elle n'a pas force obligatoire, la DUDH reste un pilier juridique
majeur des libertés dans leur généralité et la
liberté d'association plus spécifiquement.
b- Convention européenne (n°124) sur la
reconnaissance de la personnalité juridique des organisations non
gouvernementales et leur protection en Droit International
Depuis 1945, le nombre des organisations internationales non
gouvernementales a considérablement augmenté et la
diversité de leurs objectifs s'est accrue. Or les ONG exercent leur
action dans plusieurs pays, tiennent des réunions en des lieux divers,
emploient du personnel de différentes nationalités, etc., du fait
que leurs objectifs ont un caractère international. Toutes ces
activités « transnationales » étant naturellement
génératrices de problèmes, les ONG connaissent des
difficultés plus grandes et plus complexes que les associations ou
fondations nationales. Bien que plusieurs tentatives aient été
faites pour leur faciliter la tâche au plan national, il n'existe pas
encore d'instrument international en vigueur. Le Conseil de l'Europe a,
dès 1951, reconnu l'importance des ONG et leur contribution aux
activités de l'Organisation, chacune dans son domaine particulier. Il a
donc adopté une
73 Par l'Assemblée Générale de l'ONU
à New York dans sa résolution 271A(III)
74 Déclaration Universelle des Droits de L'homme,
préambule.
39
résolution prévoyant la consultation des ONG sur
des questions relevant de sa compétence, puis, en 1954, des principes
directeurs pour l'octroi du statut consultatif à un groupe
d'ONG75; enfin, en 1972, son Comité des Ministres a
adopté la Résolution (72) 35 sur les relations du Conseil de
l'Europe avec les ONG, dotées ou non du statut consultatif. Le
Comité des Ministres, également conscient de l'absence de tout
instrument international visant à faciliter les activités des ONG
au niveau international, a chargé en 1981, sur proposition du
Comité européen de coopération juridique (CDCJ), un
comité d'experts d'un mandat exploratoire consistant à
étudier dans ce domaine la possibilité d'une action
intergouvernementale au niveau européen. Sur la base d'un rapport du
CDCJ inspiré des travaux dudit comité, le Comité des
Ministres a chargé le Comité restreint d'experts sur les
organisations non gouvernementales d'élaborer un instrument
approprié sur les ONG. Personnalité juridique des OING Le CJ-R-OR
a tenu trois réunions en 1982 et 1983 et soumis pour approbation au CDCJ
un projet de convention européenne sur la reconnaissance de la
personnalité juridique des organisations internationales non
gouvernementales. Ce projet de convention, avec quelques amendements par le
CDCJ, a été adopté par le Comité des Ministres le
24 octobre 1985 et la Convention a été ouverte à la
signature des Etats membres à Strasbourg le 24 avril 1986. Ainsi
l'article 1 a pour but de définir les conditions auxquelles une
organisation internationale non gouvernementale doit satisfaire pour
bénéficier des avantages prévus par la Convention. Quant
à l'article 2, il souligne que : « la personnalité et la
capacité juridique d'une ONG telles qu'elles sont acquises dans la
partie dans laquelle elle a son siège statutaire sont reconnues de plein
droit dans les autres Partie ». Entrée en vigueur le
1er Janvier 1991, son principe général veut que le
droit qui régit la personnalité et la capacité juridique
des ONG soit le droit de l'Etat où se trouve le siège
indiqué sur l'acte constitutif de l'ONG. Ce qui implique, selon
certains, que : « l'ONG aura dans tous les Etats contractants les
mêmes capacités et la même personnalité juridique que
celles obtenues dans l'Etat où se trouve son siège
».
2- Les textes nationaux
Le Tchad est un pays souverain disposant un bon nombre
d'instruments d'encadrement en ce qui concerne les ONG, cependant, vouloir les
aborder dans leur totalité risquerait de nous trainer loin des rivages
que nous nous sommes fixés. Ainsi dans ce travail il serait question
d'aborder les piliers des textes encadrant l'action des ONG internationales sur
le plan national.
75Marie-Odile WIEDERKEHR, La Convention du Conseil de
l'Europe sur le statut des Organisations non-gouvernementales, Paris, Editions
du CNRS, 1987, p.749-761
40
a- La constitution (article 28 de la constitution de
2018)
La constitution est le mode de fonctionnement d'un pays, d'un
état, c'est un document noble qui désigne principalement soit un
corps d'état, soit le texte qui les consacre, soit un acte juridique
établissant une situation. La constitution révèle son
importance dans la vie de tous les jours car elle garantit les droits et les
libertés des individus d'une société. La constitution
tchadienne de 2018 dans son article 28 dispose « Les libertés
d'opinion et d'expression, de communication, de conscience, de religion, de
presse, d'association, de réunion, de circulation, de manifestation sont
garanties à tous... »76. La constitution est la
norme suprême dans l'agencement juridique, de ce fait, ses dispositions
ont force obligatoire. Dans cette optique, l'article 28 est le fondement
principal des ONG car il dispose expressément et explicitement que les
libertés d'association, de réunion sont garanties. Il est
à noter que l'ONG est définie comme une association qui
fonctionne aussi par le biais des réunions. Ainsi comme norme
suprême, elle joue un rôle de garde-fou dans une République.
Au-delà de la reconnaissance, elle garantit et protège les
libertés fondamentales notamment la liberté associative.
La constitution est une garantie du peuple, en effet cette
dernière dispose de la façon où est organisé le
pouvoir, il nomme le plus souvent le peuple ou la nation comme chef qui
transmet ses compétences entre les mains d'un Homme ou de plusieurs afin
que ces personnes puissent les représenter eux et leurs
intérêts. Cette garantie du peuple par la constitution va de pair
avec le Droit, cette garantie est observable car la constitution est la source
principale du Droit, des lois ne peuvent être créées si ces
dernières ne sont pas conforment et en adéquation avec la
constitution. Ainsi les ONG tant nationales qu'internationales tirent leurs
fondements dans la constitution. Après la constitution, il y'a d'autres
lois, décrets et ordonnances qui viennent étayer et confirmer ces
fondements juridiques des ONG au Tchad.
b- L'ordonnance n°27/INT-SUR du 28 Juillet
1962
Le début des relations entre les ONG et le Tchad
remonte aux années 20 (plus précisément en 1926) avec
l'implantation de la Mission Evangélique Unie (MEU), qui tout en
s'occupant de la reconversion des populations autochtones menaient
également des actions humanitaires. Après la seconde grande
guerre, Le Tchad comme nombre de pays Africains va profiter de l'apport des ONG
sur le continent. En effet, après s'être regroupées
spontanément
76Article 28 de la constitution tchadienne de 2018
41
pour contribuer à la reconstruction de l'Europe, les
associations se sont tournées vers les pays du sud pour porter concours
à ces pays qui voient se profiler à l'horizon la fin de la
période coloniale et l'air des Indépendances. ONG caritatives et
humanitaires d'inspirations religieuses elles vont surtout oeuvrer au travers
d'actions d'urgences à l'occasion de catastrophes diverses (famines,
pandémies, conflits). C'est ainsi que compte tenu du rôle
important que jouent les ONG dans le développement et l'assistance de
tout genre, le Tchad a décidé de règlementer les ONG
notamment par le biais de l'ordonnance 62-27 du 28 juillet 1962 qui est l'une
des premières lois instituant et régissant les ONG au Tchad,
cette loi a été élaborée au lendemain des
indépendances et déjà dans l'article 1er il
consacre les ONG « L'association est la convention par laquelle deux
ou plusieurs personnes physiques ou morales mettent en commun de plein
gré et en connaissance de cause, d'une façon permanente et pour
un temps assez long, leurs connaissances ou leur activités dans un but
déterminé autre que de partager des bénéfices
». Pour ce qui est des ONG internationales, elles sont
définies aux termes de l'article 12 comme « Sont
considérées comme associations étrangères au Tchad
et par là même soumises à un régime et un
contrôle plus sévère, les associations qui ont leur
siège principal à l'étranger, ou qui ayant ce siège
au Tchad, sont en fait, dirigées par des étrangers. Sont
également considérées comme associations
étrangères, celles dont le président ou le quart au moins
des membres est étranger ». Quant à ce qui est de la
procédure pour l'autorisation de fonctionnement, elle est prévue
par l'article 13 de la même ordonnance. Ainsi, la présente
ordonnance constitue l'un des fondements majeurs des ONG aux Tchad.
c- Décrets n°166 du 25 Aout 1962
Dans le champ du régime juridique des ONG au Tchad, il
y'a le décret n°166 du 25 Aout 1962 qui vient étayer ce
champ très peu structuré et encadré par les textes
d'autant plus qu'il y'a une insuffisance cruelle des textes juridiques
encadrant les ONG au Tchad. Néanmoins parmi le peu des textes existant
l'on a ce décret qui régit aussi les ONG
étrangères, les fondations, les associations à
caractère religieux, associations de bienfaisance ou d'assistance,
associations créées dans le but de favoriser l'enseignement ou de
dispenser une aide culturelle et à toutes les associations en
général. Cependant, les associations fondées sur une cause
ou en vue d'un objet contraire aux lois, aux bonnes moeurs ou qui auraient pour
but ou porteraient atteinte à l'intégrité du territoire
national, à la constitution, ou à la forme du gouvernement, ne
peuvent être autorisées.
42
d- Ordonnance n°023/PR/2018 du 27 Juin
2018
À la suite de l'avènement de la quatrième
République du Tchad77 et après que le Tchad ait
promulgué une nouvelle Constitution en mai 201878, les
autorités tchadiennes ont modifié un certain nombre de lois, dont
l'Ordonnance n°023/PR/2018 du27 juin 2018 portant régime des
associations. Cette ordonnance vient s'inscrire dans le sillage du
régime juridique des ONG. L'article 1 de ladite ordonnance stipule que
« la liberté d'association proclamée par la Constitution et
régie par les dispositions de la présente Ordonnance »,
ensuite l'article 2 de la même ordonnance vient définir ce que
c'est une association. Pour ce qui est associations étrangères,
elles sont régies par l'article 23. Mais il en fait aussi mention
explicitement à l'article 27 des ONG. Cette ordonnance, non seulement,
vient compléter cet univers juridique peu dense mais vient restructurer
l'organisation et le fonctionnement des ONG car elle s'applique
également aux associations de défense des droits humains, aux
associations de jeunes, aux associations scolaires, aux associations sportives
et culturelles, aux associations étrangères, aux associations
religieuses, aux ONG, ainsi qu'aux unions ou fédérations
d'associations. L'Ordonnance comprend aussi des règles
particulières en ce qui concerne les associations
étrangères, qui doivent faire renouveler
régulièrement leur autorisation, mais elle ne précise pas
à quelle fréquence.
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