CHAPITRE I : SOLS HYDROMORPHES
Les sols des zones humides sont caractérisés par
une saturation en eau temporaire ou permanente, qui freine les échanges
gazeux entre le sol et l'atmosphère. Il peut en résulter un
déficit plus ou moins prolongé en oxygène qui modifie
l'activité biologique du sol et ralentit la minéralisation de la
matière organique (PNRZH, 2005). L'alternance de périodes
saturées et de périodes non saturées est à
l'origine des phénomènes d'oxydo-réduction qui
caractérisent les sols hydromorphes (PNRZH, 2005). On peut distinguer
les classes majeures suivantes :
HISTOSOLS ET TOURBES
Ces typologies constituent les sols hydromorphes organiques.
Les teneurs en fractions granulométriques sont nulles. La formation de
tourbe (tourbification) intervient à l'occasion d'un excédent
d'eau, avec des eaux calmes et peu fluctuantes. Deux situations principales
peuvent être notées : (i) lame d'eau douce libre peu
épaisse au-dessus du sol, favorisant l'implantation de plantes
hygrophiles ; (ii) plan d'eau progressivement colonisé par un radeau
végétal.
La tourbification est facilitée par des basses
températures qui limitent l'activité microbienne
(Laplace-Dolonde, et al., 2021).
Caractéristiques
On appelle traditionnellement " tourbe " l'ensemble des
matériaux constituant une tourbière. En fait, sur
l'épaisseur d'une tourbière profonde, il est nécessaire de
distinguer un niveau supérieur, que l'on peut qualifier de sol ; des
relations avec la végétation y existent grâce aux racines
et aux remontées capillaires d'eau. Il est préférable de
parler d'Histosol d'un point de vue pédologique, et d'utiliser le mot de
" tourbe " de façon plus générale, pour désigner le
matériau lui-même. La tourbe est définie par un taux de
carbone supérieur à 30-40 %.
Typologie des tourbes
Les tourbiers (extracteurs) distinguent trois types de
tourbes, caractérisés par un degré croissant de
décomposition des végétaux (Laplace-Dolonde et
al., 2021) :
V' la tourbe blonde qui résulte de la transformation de
sphaignes avec une très forte acidité et une grande
porosité ;
V' la tourbe brune provient de débris ligneux ; la
dégradation des végétaux est plus poussée que dans
la précédente ;
V' la tourbe noire est marquée par la présence
importante de particules minérales ou organiques fines.
Cette typologie sépare des types de matériaux
aux usages économiques différents. Elle reste intéressante
en termes de description du matériau (Laplace-Dolonde et al.,
2021).
4
Distribution des Histosols
L'étendue totale couverte par les Histosols dans le
monde est estimée à 325-375 millions d'hectares, dont la
majorité est située dans les régions boréales,
subarctiques et arctiques basses de l'hémisphère nord. Les
Histosols restants se trouvent dans les basses terres tempérées
et les régions montagneuses; un dixième des Histosols seulement
se situent dans les tropiques. De grandes zones à Histosols sont
recensées aux Etats-Unis, au Canada, en Europe occidentale, en
Scandinavie septentrionale eet dans la plaine de Sibérie occidentale. Un
peu plus de 20 millions d'hectares de tourbe forestière ceinturent le
plateau continental de la Sonde en Asie du Sud-Est. De plus petites zones
couvertes d'Histosols tropicaux se trouvent dans les deltas, comme celui de
l'Orénoque ou du Mékong, ainsi que dans des dépressions
(WRB, 2014).
SOLS ALLUVIAUX
Ils sont souvent marqués par l'existence de fortes
fluctuations du niveau de la nappe, par la circulation des eaux souterraines et
les apports importants en matières minérales lors des crues. Ces
sols ne connaissent pas de phénomènes de réduction parce
qu'ils sont oxygénés (du fait du battement de la nappe et/ou de
son renouvellement rapide) ; la matière organique est peu abondante car
elle se minéralise rapidement (Laplace-Dolonde et al.,
2021).
GLEYSOLS
Les Gleysols sont des sols saturés par une nappe
phréatique pendant des périodes suffisamment longues pour
permettre l'installation de conditions réductrices
générant des propriétés gleyiques ; ils comprennent
les sols immergés et tidaux. Ils présentent un motif fait de
couleurs rougeâtres, brunâtres ou jaunâtres sur les surfaces
des agrégats et/ou dans les couches supérieures du sol,
combinées à des couleurs grisâtres/ bleuâtres
à l'intérieur des agrégats ou plus profondément
dans le sol. De nombreux sols submergés ne possèdent que ces
dernières. Les Gleysols à horizon thionique ou à
matériau hypersulfidique (sols sulfatés acides) sont
fréquents. Les processus redox peuvent aussi être provoqués
par des remontées de gaz, comme le CO2 ou le CH4. Les Gleysols sont
aussi appelés Gley (ancienne Union Soviétique), Gleyzems
(Russie), Gleye, Marschen, Watten et Unterwasserböden (Allemagne),
Gleissolos (Brésil) et Hydrosols (Australie). Aux Etats-Unis, de
nombreux Gleysols sont rangés dans les Sous-Ordres Aquic et dans les
Grands Groupes Endoaquic de divers Ordres (Aqualfs, Aquents, Aquepts, Aquolls,
etc.) ou dans les Wassents (WRB, 2014).
Gleyfication
Les Gleysols d'eau souterraine se développent là
où le drainage est insuffisant car la nappe phréatique (surface
phréatique) est élevée, tandis que la gleyfication des
eaux de surface se produit lorsque l'apport de précipitations à
la surface ne s'écoule pas librement à travers le sol. Un
5
environnement réducteur existe dans les couches
saturées, qui deviennent bleu grisâtre ou brun grisâtre en
raison de sa teneur en fer ferreux (Fe2+) et en matière
organique. La présence de marbrures rougeâtres ou oranges indique
une réoxydation localisée des sels ferreux dans la matrice du sol
et est souvent associée à des canaux radiculaires, des terriers
d'animaux ou à la fissuration de la matière du sol pendant les
périodes de sécheresse (WRB, 2014). Les Gleysols sont un groupe
de référence dans la base de référence mondiale
pour les ressources en sols. Les sols présentant des processus redox dus
à la montée des eaux souterraines sont également
considérés comme des Gleysols. Les sols à processus redox
dus à l'eau stagnante appartiennent aux Stagnosols et aux Planosols.
CRYOSOLS ET MOLLISOLS
Ce sont des sols particuliers des régions froides. Ils
sont composés en profondeur d'une partie en permanence gelée,
appelée le Pergélisol et à la surface d'une partie,
appelée Mollisol, qui se dégèle pendant une durée
de l'année (WRB, 2014).
PERMAFROST OU PERGELISOLS
Le Permafrost ou Pergélisol en français, est un
sous-sol gelé en permanence dont la température n'excède
pas 0 °C pendant au moins deux années consécutives.
Typologie des Permafrosts
Il existe deux types de Pergélisol en fonction de leur
localisation : le Pergélisol circumpolaire qui se situe aux hautes
latitudes et recouvre près de 20 % de l'hémisphère nord et
le Pergélisol de montagne qui se trouve à haute altitude. D'une
épaisseur variable (de quelques mètres à plusieurs
centaines de mètres), il est recouvert d'une couche supérieure,
appelée couche active, gelée pendant l'hiver et qui
dégèle au printemps. Le Permafrost est présent sur un
cinquième de la surface du globe, notamment au Groenland, en Alaska, au
Canada et en Russie. De manière générale, il recouvre
toutes les terres situées au-dessus du 60ème
degré de latitude. Sa sensibilité aux changements de
température en fait un indicateur pour le réchauffement
climatique. Selon le NCAR (Centre national pour la recherche
atmosphérique), la quantité de permafrost pourrait diminuer de 50
% d'ici 2050 jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que 10 % en 2100.
Permafrost et réchauffement
climatique
Le réchauffement climatique entraîne des
épisodes de dégels du Pergélisol. Ce
phénomène entraîne une modification de la couche active qui
se traduit par des modifications de sa végétation ainsi que des
mouvements importants du sol. Mais il présente également un
risque pour l'évolution du climat. En effet, ce sous-sol renferme
d'importantes quantités de matières organiques composées
en partie de méthane, un gaz au pouvoir de réchauffement du
climat 25 fois supérieur au CO2 qui sera libéré par le
dégel (GIEC, 2014).
6
|