B- L'organisation des politiques autochtones
L'organisation des politiques autochtones passe par le droit
à l'autodétermination (1) et le droit à
un environnement sain (2).
1- Le droit à
l'autodétermination
Le droit à l'autodétermination est prévu
à l'article 20 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples126. La Commission Africaine des Droits de l'Homme et
des Peuples considère ainsi que ce droit ne peut être
exercé que s'il est établi des violations massives des droits
d'un peuple et s'il existe un refus d'associer celui-ci à la gestion des
affaires publiques127.
Les communautés autochtones disposent de diverses
possibilités dans le cadre de la gestion de leurs institutions, de
manière autonome. Ils tiennent cela de la garantie de la liberté
d'association au peuple Camerounais par la Constitution. Cette liberté
d'association est proclamée dans le préambule de la Constitution
et régie par les dispositions de la Loi n° 90/53 du 19
décembre 1990 portant liberté d'association. Selon cette
loi, la liberté d'association est « la faculté de
créer une association, d'y adhérer ou de ne pas y adhérer.
Elle est reconnue à toute personne physique ou morale sur l'ensemble du
territoire national »128. Ainsi, de par
126 L'article 20 de la charte africaine des droits de
l'homme et des peuples stipule que « Tout peuple à droit
à l'existence. Tout peuple à un droit imprescriptible et
inaliénable à l'autodétermination. Il détermine
librement son statut politique et assure son développement
économique et social selon la voie qu'il a librement choisie. Les
peuples colonisés ou opprimés ont le droit de se libérer
de leur état de domination en recourant à tous moyens reconnus
par la Communauté internationale. Tous les peuples ont droit à
l'assistance des Etats parties à la présente Charte, dans leur
lutte de libération contre la domination étrangère,
qu'elle soit d'ordre politique, économique ou culturel. »
127 KEMBO TAKAM GASTING (Hermine), op.cit, note
39, p. 45.
128 Article 1 de la loi n° 90/53 du 19 décembre
1990 portant liberté d'association.
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Droits de l'homme et conservation de l'environnement
: cas des droits des peuples autochtones de la
forêt
cette reconnaissance, les peuples autochtones de la
forêt ont le droit de mettre sur pied des associations dans le but de
s'administrer eux-mêmes pour leur développement, d'assurer un
contrôle continu et permanent, et de déterminer des
priorités y relatives telles que prévues par les normes
internationales.
Les communautés autochtones disposent également
de la possibilité de conduire leurs activités associatives et de
contrôler leurs institutions lorsqu'elles ne sont pas en contradiction
avec les lois nationales ou l'ordre public. Bien plus, la réforme
forestière survenue en 1994 a apporté de réels changements
en ce qui concerne la gestion participative et décentralisée des
forêts. Offrant aux communautés autochtones l'opportunité
de valoriser l'exploitation de leurs ressources forestières et fauniques
au sein d'une forme de foresterie communautaire, ils peuvent donc obtenir et
gérer de manière libre et autonome des forêts
communautaires129.
Il faut cependant noter que les peuples autochtones accordent
de l'importance dans la création de chefferies traditionnelles, sur leur
territoire. Les chefferies étant régies par le décret
N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies
traditionnelles qui fait desdites chefferies des auxiliaires de
l'administration130. Ces chefferies offrent un cadre
légalement reconnu à l'autogestion, permettant aux peuples
autochtones d'assurer le contrôle et de s'administrer eux-mêmes
à l'aide de leurs propres institutions.
De ce qui précède, il faut retenir que, le droit
à l'autodétermination reconnu par les droits de l'homme est
consacré dans la législation camerounaise, et s'applique aux
peuples autochtones. Il en va de même du droit au développement,
qui garantit également aux communautés autochtones un
environnement sain.
2- Le droit au développement et un environnement
sain
Ce droit est consacré par la Charte Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples en son article 24 et stipule que
« Tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et
global, propice à leur développement
»131. Reprise par la Convention Africaine sur
la Conservation de la Nature et les Ressources Naturelles, il reconnait
à tous les peuples un environnement satisfaisant pour leur
développement132. Ce qui se présente comme une
129 KOLOKOSSO (Marielle), op.cit., note 5, p. 18.
130 écret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant
organisation des chefferies traditionnelles.
131 Article 24 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme
et des Peuples de 1979.
132 Article3 de la Convention Africaine sur la
Conservation de la Nature et les Ressources Naturelles de 2003, Convention
africaine en vigueur mais non opérationnelle : l'urgence de convoquer la
première Conférence des Parties par Mohamed ALI MEKOUAR.
Adoptée en 2003, la Convention africaine de Maputo sur la
conservation
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Droits de l'homme et conservation de l'environnement
: cas des droits des peuples autochtones de la
forêt
obligation des Etats de mettre sur pied des mécanismes
de prévention liés aux problèmes de l'environnement
L'obligation de l'Etat inclut celle de faire réaliser
des études d'impact social et environnemental avant tout projet
industriel majeur. Elle englobe également la surveillance des
activités et produits dangereux, l'information adéquate des
communautés sur les dangers encourus et la participation de celles-ci
aux décisions affectant leur développement133.
La Constitution camerounaise de 1996 exprime clairement sa
position dans son préambule en énumérant parmi les droits
et libertés fondamentaux, le droit à un environnement
sain134. Il dispose en clair que « toute personne a droit
à un environnement sain. La protection de l'environnement est un devoir
pour tous. L'Etat veille à la défense et à la promotion de
l'environnement »135. Il reconnaît de ce fait le
droit à un environnement sain comme un droit fondamental de l'homme et
rejoint la Déclaration de Stockholm qui, en son principe 1,
déclare que « l'homme a un droit fondamental à un
environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la
dignité et le bien-être »136. Ce qui laisse
place à la prise en compte des préalables du développement
des droits des peuples autochtones selon leur contexte.
de la nature est entrée en vigueur en 2016, mais la
1ère Conférence des Parties, essentielle pour la rendre
opérationnelle, n'a pas encore eu lieu. L'UICN pourrait fournir un appui
technique à cette fin, dans la lignée de son soutien continu
à la promotion du droit de l'environnement en Afrique. Originellement
conclue à Alger en 1968, la Convention africaine sur la conservation
de la nature et des ressources naturelles a été refondue 35
ans plus tard à la faveur d'une réforme en profondeur qui a
notablement étoffé et actualisé son contenu normatif. Le
texte ainsi révisé de la Convention a été
adopté à Maputo en 2003. Il a ensuite fallu attendre pas moins de
13 ans pour qu'il entre en vigueur, le 10 juillet 2016, après le
dépôt du 15ème instrument de ratification requis à
cet effet. Par comparaison, la Convention initiale d'Alger était
rapidement entrée en vigueur, dès 1969. Cette entrée en
vigueur tardive de la Convention de Maputo tient à la lenteur de sa
ratification, pour ainsi dire au compte-gouttes. Elle n'a en effet
été ratifiée jusqu'ici que par 16 Etats africains donc le
Cameroun n'en fait pas partie.
133 KEMBO TAKAM GASTING (Hermine), op.cit, note 39, p.
48.
134 Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant
révision de la Constitution du 02 juin 1972, modifié et
complétée par la loi n°2008/001 du 14 avril 2008.
135 Constitution de la République du Cameroun du 18
janvier 1996, Préambule, 21e tiret. Un tel devoir a d'ailleurs
été repris par la Charte constitutionnelle de l'environnement
adoptée en France en 2005 (art. 2). Sur la question, voir Pascal
TROUILLY, « Le devoir de prendre part à la préservation et
à l'amélioration de l'environnement : obligation morale ou
juridique ? », Environnement, avril 2005, p. 21-23.
136 Conférence des Nations Unies tenue à
Stockholm du 5 au 16 juin 1972, Principe 1, RJE 1/2OO6.
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Droits de l'homme et conservation de l'environnement
: cas des droits des peuples autochtones de la
forêt
II- LA PRISE EN COMPTE DES PREALABLES DU DEVELOPPEMENT
DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES SELON LEUR CONTEXTE
Les préalables indispensables à la
réalisation du développement des droits des peuples autochtones
se résument dans l?admission de leurs droits fonciers et sur leurs
ressources naturelles (A) et en la réalisation des
études d'impact (B).
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