PARTIE I. POLITIQUE GENERALE
Article 1
1. La présente convention s'applique:
a) aux peuples tribaux dans les pays indépendants qui
se distinguent des autres secteurs de la communauté nationale par leurs
conditions sociales, culturelles et économiques et qui sont régis
totalement ou partiellement par des coutumes ou des traditions qui leur sont
propres ou par une législation spéciale;
b) aux peuples dans les pays indépendants qui sont
considérés comme indigènes du fait qu'ils descendent des
populations qui habitaient le pays, ou une région géographique
à laquelle appartient le pays, à l'époque de la
conquête ou de la colonisation ou de l'établissement des
frontières actuelles de l'Etat, et qui, quel que soit leur statut
juridique, conservent leurs institutions sociales, économiques,
culturelles et politiques propres ou certaines d'entre elles.
2. Le sentiment d'appartenance indigène ou tribale doit
être considéré comme un critère fondamental pour
déterminer les groupes auxquels s'appliquent les dispositions de la
présente convention.
3. L'emploi du terme peuples dans la
présente convention ne peut en aucune manière être
interprété comme ayant des implications de quelque nature que ce
soit quant aux droits qui peuvent s'attacher à ce terme en vertu du
droit international.
Article 2
1. Il incombe aux gouvernements, avec la participation des
peuples intéressés, de développer une action
coordonnée et systématique en vue de protéger les droits
de ces peuples et de garantir le respect de leur intégrité.
2. Cette action doit comprendre des mesures visant
à:
a) assurer que les membres desdits peuples
bénéficient, sur un pied d'égalité, des droits et
possibilités que la législation nationale accorde aux autres
membres de la population;
b) promouvoir la pleine réalisation des droits
sociaux, économiques et culturels de ces peuples, dans le respect de
leur identité sociale et culturelle, de leurs coutumes et traditions et
de leurs institutions;
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c) aider les membres desdits peuples à éliminer
les écarts socio-économiques qui peuvent exister entre des
membres indigènes et d'autres membres de la communauté nationale,
d'une manière compatible avec leurs aspirations et leur mode de vie.
Article 3
1. Les peuples indigènes et tribaux doivent jouir
pleinement des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans
entrave ni discrimination. Les dispositions de cette convention doivent
être appliquées sans discrimination aux femmes et aux hommes de
ces peuples.
2. Aucune forme de force ou de coercition ne doit être
utilisée en violation des droits de l'homme et des libertés
fondamentales des peuples intéressés, y compris des droits
prévus par la présente convention.
Article 4
1. Des mesures spéciales doivent être
adoptées, en tant que de besoin, en vue de sauvegarder les personnes,
les institutions, les biens, le travail, la culture et l'environnement des
peuples intéressés.
2. Ces mesures spéciales ne doivent pas être
contraires aux désirs librement exprimés des peuples
intéressés.
3. Lesdites mesures ne doivent porter aucune atteinte
à la jouissance, sans discrimination, de la
généralité des droits qui s'attachent à la
qualité de citoyen.
Article 5
En appliquant les dispositions de la présente
convention, il faudra:
a) reconnaître et protéger les valeurs et les
pratiques sociales, culturelles, religieuses et spirituelles de ces peuples et
prendre dûment en considération la nature des problèmes qui
se posent à eux, en tant que groupes comme en tant qu'individus;
b) respecter l'intégrité des valeurs, des
pratiques et des institutions desdits peuples;
c) adopter, avec la participation et la coopération
des peuples affectés, des mesures tendant à aplanir les
difficultés que ceux-ci éprouvent à faire face à de
nouvelles conditions de vie et de travail.
Article 6
1. En appliquant les dispositions de la présente
convention, les gouvernements doivent:
a) consulter les peuples intéressés, par des
procédures appropriées, et en particulier à travers leurs
institutions représentatives, chaque fois que l'on envisage des mesures
législatives ou administratives susceptibles de les toucher
directement;
b) mettre en place les moyens par lesquels lesdits peuples
peuvent, à égalité au moins avec les autres secteurs de la
population, participer librement et à tous les niveaux à la prise
de
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décisions dans les institutions électives et les
organismes administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des
programmes qui les concernent; c) mettre en place les moyens permettant de
développer pleinement les institutions et initiatives propres à
ces peuples et, s'il y a lieu, leur fournir les ressources nécessaires
à cette fin.
2. Les consultations effectuées en application de la
présente convention doivent être menées de bonne foi et
sous une forme appropriée aux circonstances, en vue de parvenir à
un accord ou d'obtenir un consentement au sujet des mesures
envisagées.
Article 7
1. Les peuples intéressés doivent avoir le
droit de décider de leurs propres priorités en ce qui concerne le
processus du développement, dans la mesure où celui-ci a une
incidence sur leur vie, leurs croyances, leurs institutions et leur
bien-être spirituel et les terres qu'ils occupent ou utilisent d'une
autre manière, et d'exercer autant que possible un contrôle sur
leur développement économique, social et culturel propre. En
outre, lesdits peuples doivent participer à l'élaboration,
à la mise en oeuvre et à l'évaluation des plans et
programmes de développement national et régional susceptibles de
les toucher directement.
2. L'amélioration des conditions de vie et de travail
des peuples intéressés et de leur niveau de santé et
d'éducation, avec leur participation et leur coopération, doit
être prioritaire dans les plans de développement économique
d'ensemble des régions qu'ils habitent. Les projets particuliers de
développement de ces régions doivent également être
conçus de manière à promouvoir une telle
amélioration.
3. Les gouvernements doivent faire en sorte que, s'il y a
lieu, des études soient effectuées en coopération avec les
peuples intéressés, afin d'évaluer l'incidence sociale,
spirituelle, culturelle et sur l'environnement que les activités de
développement prévues pourraient avoir sur eux. Les
résultats de ces études doivent être
considérés comme un critère fondamental pour la mise en
oeuvre de ces activités.
4. Les gouvernements doivent prendre des mesures, en
coopération avec les peuples intéressés, pour
protéger et préserver l'environnement dans les territoires qu'ils
habitent. Article 8
1. En appliquant la législation nationale aux peuples
intéressés, il doit être dûment tenu compte de leurs
coutumes ou de leur droit coutumier.
2. Les peuples intéressés doivent avoir le
droit de conserver leurs coutumes et institutions dès lors qu'elles ne
sont pas incompatibles avec les droits fondamentaux définis par le
système juridique national et avec les droits de l'homme reconnus au
niveau international. Des
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procédures doivent être établies, en tant
que de besoin, pour résoudre les conflits éventuellement
soulevés par l'application de ce principe.
3. L'application des paragraphes 1 et 2 du présent
article ne doit pas empêcher les membres desdits peuples d'exercer les
droits reconnus à tous les citoyens et d'assumer les obligations
correspondantes.
Article 9
1. Dans la mesure où cela est compatible avec le
système juridique national et avec les droits de l'homme reconnus au
niveau international, les méthodes auxquelles les peuples
intéressés ont recours à titre coutumier pour
réprimer les délits commis par leurs membres doivent être
respectées.
2. Les autorités et les tribunaux appelés
à statuer en matière pénale doivent tenir compte des
coutumes de ces peuples dans ce domaine.
Article 10
1. Lorsque des sanctions pénales prévues par la
législation générale sont infligées à des
membres des peuples intéressés, il doit être tenu compte de
leurs caractéristiques économiques, sociales et culturelles.
2. La préférence doit être donnée
à des formes de sanction autres que l'emprisonnement. Article
11
La prestation obligatoire de services personnels,
rétribués ou non, imposée sous quelque forme que ce soit
aux membres des peuples intéressés, doit être interdite
sous peine de sanctions légales, sauf dans les cas prévus par la
loi pour tous les citoyens.
Article 12
Les peuples intéressés doivent
bénéficier d'une protection contre la violation de leurs droits
et pouvoir engager une procédure légale, individuellement ou par
l'intermédiaire de leurs organes représentatifs, pour assurer le
respect effectif de ces droits. Des mesures doivent être prises pour
faire en sorte que, dans toute procédure légale, les membres de
ces peuples puissent comprendre et se faire comprendre, au besoin grâce
à un interprète ou par d'autres moyens efficaces.
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PARTIE II. TERRES Article 13
1. En appliquant les dispositions de cette partie de la
convention, les gouvernements doivent respecter l'importance spéciale
que revêt pour la culture et les valeurs spirituelles des peuples
intéressés la relation qu'ils entretiennent avec les terres ou
territoires, ou avec les deux, selon le cas, qu'ils occupent ou utilisent d'une
autre manière, et en particulier des aspects collectifs de cette
relation.
2. L'utilisation du terme terres
dans les articles 15 et 16 comprend le concept de territoires,
qui recouvre la totalité de l'environnement des régions que les
peuples intéressés occupent ou qu'ils utilisent d'une autre
manière.
Article 14
1. Les droits de propriété et de possession sur
les terres qu'ils occupent traditionnellement doivent être reconnus aux
peuples intéressés. En outre, des mesures doivent être
prises dans les cas appropriés pour sauvegarder le droit des peuples
intéressés d'utiliser les terres non exclusivement
occupées par eux, mais auxquelles ils ont traditionnellement
accès pour leurs activités traditionnelles et de subsistance. Une
attention particulière doit être portée à cet
égard à la situation des peuples nomades et des agriculteurs
itinérants.
2. Les gouvernements doivent en tant que de besoin prendre
des mesures pour identifier les terres que les peuples intéressés
occupent traditionnellement et pour garantir la protection effective de leurs
droits de propriété et de possession.
3. Des procédures adéquates doivent être
instituées dans le cadre du système juridique national en vue de
trancher les revendications relatives à des terres émanant des
peuples intéressés.
Article 15
1. Les droits des peuples intéressés sur les
ressources naturelles dont sont dotées leurs terres doivent être
spécialement sauvegardés. Ces droits comprennent celui, pour ces
peuples, de participer à l'utilisation, à la gestion et à
la conservation de ces ressources.
2. Dans les cas où l'Etat conserve la
propriété des minéraux ou des ressources du sous-sol ou
des droits à d'autres ressources dont sont dotées les terres, les
gouvernements doivent établir ou maintenir des procédures pour
consulter les peuples intéressés dans le but de déterminer
si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples sont
menacés avant d'entreprendre ou d'autoriser tout programme de
prospection ou d'exploitation des ressources dont sont dotées leurs
terres. Les peuples intéressés doivent, chaque fois que c'est
possible, participer aux
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avantages découlant de ces activités et doivent
recevoir une indemnisation équitable pour tout dommage qu'ils pourraient
subir en raison de telles activités.
Article 16
1. Sous réserve des paragraphes suivants du
présent article, les peuples intéressés ne doivent pas
être déplacés des terres qu'ils occupent.
2. Lorsque le déplacement et la réinstallation
desdits peuples sont jugés nécessaires à titre
exceptionnel, ils ne doivent avoir lieu qu'avec leur consentement, donné
librement et en toute connaissance de cause. Lorsque ce consentement ne peut
être obtenu, ils ne doivent avoir lieu qu'à l'issue de
procédures appropriées établies par la législation
nationale et comprenant, s'il y a lieu, des enquêtes publiques où
les peuples intéressés aient la possibilité d'être
représentés de façon efficace.
3. Chaque fois que possible, ces peuples doivent avoir le
droit de retourner sur leurs terres traditionnelles, dès que les raisons
qui ont motivé leur déplacement et leur réinstallation
cessent d'exister.
4. Dans le cas où un tel retour n'est pas possible,
ainsi que déterminé par un accord ou, en l'absence d'un tel
accord, au moyen de procédures appropriées, ces peuples doivent
recevoir, dans toute la mesure possible, des terres de qualité et de
statut juridique au moins égaux à ceux des terres qu'ils
occupaient antérieurement et leur permettant de subvenir à leurs
besoins du moment et d'assurer leur développement futur. Lorsque les
peuples intéressés expriment une préférence pour
une indemnisation en espèces ou en nature, ils doivent être ainsi
indemnisés, sous réserve des garanties appropriées.
5. Les personnes ainsi déplacées et
réinstallées doivent être entièrement
indemnisées de toute perte ou de tout dommage subi par elles de ce
fait.
Article 17
1. Les modes de transmission des droits sur la terre entre
leurs membres établis par les peuples intéressés doivent
être respectés.
2. Les peuples intéressés doivent être
consultés lorsque l'on examine leur capacité d'aliéner
leurs terres ou de transmettre d'une autre manière leurs droits sur ces
terres en dehors de leur communauté.
3. Les personnes qui n'appartiennent pas à ces peuples
doivent être empêchées de se prévaloir des coutumes
desdits peuples ou de l'ignorance de leurs membres à l'égard de
la loi en vue d'obtenir la propriété, la possession ou la
jouissance de terres leur appartenant.
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Article 18
La loi doit prévoir des sanctions adéquates pour
toute entrée non autorisée sur les terres des peuples
intéressés, ou toute utilisation non autorisée de ces
terres, et les gouvernements doivent prendre des mesures pour empêcher
ces infractions.
Article 19
Les programmes agraires nationaux doivent garantir aux peuples
intéressés des conditions équivalentes à celles
dont bénéficient les autres secteurs de la population en ce qui
concerne:
a) l'octroi de terres supplémentaires quand les terres
dont lesdits peuples disposent sont insuffisantes pour leur assurer les
éléments d'une existence normale, ou pour faire face à
leur éventuel accroissement numérique;
b) l'octroi des moyens nécessaires à la mise en
valeur des terres que ces peuples possèdent déjà.
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