Droits de l’homme et conservation de l’environnement: cas des droits des peuples autochtones de la forêtpar Marthe Ngo Ngue Tegue Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master en Relations Internationales 2022 |
A- La valorisation de la culture BakaPour la valorisation de la culture Baka il sera question de la présence influente des Bantous (1) et le conflit générationnel entre les membres de la communauté pygmée (2). Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 92 Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt
Le constat qu'il convient de faire ici, est celui du conflit de générations qui existe entre les membres de la communauté Baka. En effet, les personnes âgées, ayant reçu l'héritage provenant de leurs ancêtres, sont choquées en voyant le quotidien et le mode de vie des populations pygmées de nos jours. Elles disent être déshéritées d'un important patrimoine culturel que leur ont laissé les ancêtres. C'est avec beaucoup de regrets que le chef traditionnel Baka du village de Mayos constate qu'il est de plus en plus difficile pour eux de transmettre leur savoir-faire à leurs progénitures du fait de l'influence du monde extérieur. Parallèlement, la génération de ceux qui sont nés dans la sédentarisation n'a pas connu les pratiques qui faisaient la particularité et l'identité même des populations Baka. Ils conçoivent le développement comme une nécessité pour jouir des mêmes droits que les Bantous et ne comprennent pas bien l'importance de conserver leur identité. La mise en oeuvre du droit en ce qui concerne la consultation des peuples devient difficile étant donné que les personnes âgées sont minoritaires, et lorsqu'il sera question de donner leur avis sur les projets de développement, les communautés pygmées auront du mal à Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt prendre des décisions face aux besoins. Ce qui permettra aux jeunes de l'emporter sur l'opinion des personnes plus âgées. Une synergie aurait pourtant été bénéfique pour une réalisation du droit conforme aux principes et normes définis par la Communauté internationale. Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 93 Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 94 Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt CHAPITRE IV: LES PERSPECTIVES POUR UNE VERITABLE PRISE EN COMPTE DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES DANS LA CONSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT Dans le souci de contribuer au perfectionnement de la mise en oeuvre des droits des peuples autochtones, il convient d'émettre un certain nombre de recommandations à l'endroit de l'Etat et des organisations non gouvernementales, afin de mieux garantir ensemble les droits des peuples autochtones dans la nécessaire conservation de leur milieu de vie et pour que la situation qui est la leur soit changée. Ainsi, pour rendre cela possible, il convient pour nous de faire quelques propositions pour tenter d'orienter nos institutions dans la gestion des spécificités existantes dans notre société dans le domaine juridico-politique (Section 1) et des solutions socio-culturelles (Section 2). SECTION I: LA MISE EN OEUVRE D'UNE MEILLEURE ORGANISATION JURIDICO-POLITIQUE DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES DANS LA GESTION DE L'ENVIRONNEMENT Force est de constater que les droits des peuples autochtones, de façon générale, posent un problème lié à leur mise en oeuvre. Malgré les multiples mécanismes mis en place pour régir ces droits, l'on peut dire que l'effectivité reste encore à revoir. Pour tenter d'y remédier, nous allons de réorganiser politiquement (I), et juridiquement (II) les droits des peuples autochtones. I- LA NECESSAIRE REORGANISATION POLITIQUE DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES DANS LA CONSERVATION Les peuples autochtones sont parfois marginalisés au sein de leur localité. Ce qui ne leur permet pas d'exercer pleinement leurs droits. Il serait donc normal d'envisager la prise en compte de la représentation et la participation politique des peuples autochtones (A), ainsi que la mise en place d'une politique de réforme forestière pour le développement et l'épanouissement des peuples autochtones (B). Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 95 Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt A- La prise en compte de la représentation et la participation politiques des peuples autochtones Les peuples autochtones sont très peu représentés dans les instances décisionnelles, ce qui les empêche de porter haut leurs voix notamment en matière des droits l'homme ou en matière de conservation de l'environnement. Pour tenter d'apporter une esquisse de solution, nous avons pensé à une possible mise en place de mécanisme de représentativité des peuples autochtones (1) sans oublier l'effectivité de la consultation et la participation de ces derniers (2). 1- La mise en place de mécanisme approprié de représentativité des peuples autochtones La participation politique et sociale ici est exprimée par le faible taux de représentation des peuples autochtones au sein des élus246. On devrait encourager la participation des peuples autochtones dans la prise de décision. Selon l'article 8-j de la Convention sur la Diversité Biologique, qui établit l'accord et la participation des peuples autochtones dans l'application à grande échelle de leurs connaissances traditionnelles environnementales et du partage équitable de l'utilisation de ces connaissances247, l'Etat établit dans ce cas, la participation des peuples autochtones dans la prise de décisions sur la manière de fonctionner et d'organiser leurs savoir-faire et connaissances. De même, la participation des peuples autochtones à la mise en oeuvre de leur développement devrait permettre la représentation effective des peuples autochtones dans les instances de prises de décision afin de mieux garantir leurs spécificités et traditions environnementales. Par ailleurs, il faudrait penser à la création d'un quota de représentation des peuples autochtones dans les instances nationales et locales, en prenant en compte la composition sociologique dans la liste de candidatures aux élections locales et particulièrement pour le cas 246 La ministre camerounaise des affaires sociales en 2017 annonçait des chiffres encourageant lors de la dernière élection locale au Cameroun ; soit au total 17 conseillers municipaux autochtones des forêts (baka et bagyeli), 48 conseillers municipaux Mbororos pour 30 dans la région du Nord-Ouest et 18 dans la région de l'Adamaoua donc 1 maire dans cette région. Mais qu'à cela ne tienne ce taux reste faible car il n'y a toujours pas au Cameroun un représentant national autochtone. https://mediaterre.org consulté le 30 mars 2021 à 10 :20 :57. 247 Convention sur la diversité biologique de 1992 article 8-j « Sous réserve des dispositions de sa législation nationale, respecte, préserve et maintient les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique et en favorise l'application sur une plus grande échelle, avec l'accord et la participation des dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques et encourage le partage équitable des avantages découlant de l'utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques: » Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 96 Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt des peuples autochtones de la forêt248. Il faut prendre des mesures incitatives visant à résoudre le problème de la sous-représentation, voire de la représentation quasi nulle des peuples autochtones dans les institutions publiques. Cela permettrait de mieux porter haut les problèmes qui sont les leurs dans les instances de décision. Il est possible d'envisager la finalisation et la publication des politiques nationales sur les populations marginales leur permettant également de se muer librement au sein de l'Etat en tant que peuples autochtones. Ce mécanisme devrait passer par la promotion et surtout la ratification par le Cameroun de la Convention n°169 relative aux peuples indigènes et tribaux249. Ladite convention qui garantit la représentation des peuples autochtones dans les instances de décisions ainsi que la consultation et la participation de ces derniers. 2- L'effectivité de la consultation et la participation des peuples autochtones L'efficacité de consultation des peuples autochtones et tribaux dans les affaires qui les concernent est le fondement de la Convention N° 169. Malgré sa difficile intégration dans certains pays250, elle exige qu'il soit permis aux peuples autochtones, de participer réellement aux processus décisionnels affectant leurs droits ou leurs intérêts. A cet égard, les articles 6 et 7 sur la consultation et la participation sont des dispositions fondamentales de la Convention N° 169251. Il faut faire de la consultation et de la participation effectives des peuples 248 Article 171(2) (3) lors de l'élection des conseillers municipaux : « chaque commune constitue une circonscription électorale. La constitution de chaque liste doit tenir compte : - Des différentes composantes sociologiques de la commune concernée ; - Du genre. » ; Article 246 (1) (2) qui reconnait également pour les conseillers régionaux lors de l'élection la prise en compte des composantes sociologiques dans la région ; et article 247(2) qui stipule que : « toutefois, en raison de leur situation particulière, certaines circonscriptions peuvent faire l'objet d'un regroupement ou d'un découpage spécial par décret du Président de la République.» de la loi n°2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral, modifiée et complétée par la loi n°2012/017 du 21 décembre 2012. 249 24 pays ont ratifié cette convention parmi lesquels ARGENTINE, BOLIVIE, BRESIL, CHILI, COLOMBIE, COSTA RICA, DANEMARK, DOMINIQUE, EQUATEUR, ESPAGNE, FIDJI, GUATEMALA, HONDURAS, LUXEMBOURG, MEXIQUE, NEPAL, NICARAGUA, NORVEGE, PARAGUAY, PAYS-BAS, PEROU, REPUBLIQUE CENTRAFICAINE, VENEZUELA. Ce qui semble démontrer qu'il y'a bon nombre de pays absents parmi lesquels le Cameroun. https://www.ilo.org . 250 Ibid. 251 Article 6 de la Convention C169 de l'OIT dispose que « (1) En appliquant les dispositions de la présente convention, les gouvernements doivent:
Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 97 Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt autochtones une condition indispensable à tout projet ou programme de développement et conservation de l'environnement susceptible de les affecter. L'objectif principal de ces dispositions vise une véritable implication des peuples autochtones dans les prises de décisions, à tous les niveaux, au sein des instances ayant un lien direct avec eux. Il s'agit ici d'un droit de proposition des peuples autochtones leur donnant la possibilité de décider de leurs propres priorités et de maîtriser leur propre développement économique, social et culturel. Ce qui contribuera à améliorer la relation entre les peuples autochtones et l'Etat. La Convention ci-haut citée donne la possibilité aux peuples autochtones de participer librement à tous les niveaux à l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation des mesures et des programmes qui les concernent directement. Cette mise en oeuvre se présente comme un devoir des gouvernements de consulter les peuples autochtones, pour des mesures législatives ou administratives qui sont considérées avant toute exploration ou exploitation des ressources présentent sur leur espace territorial. Il est aussi important lorsque l'on examine la capacité des peuples indigènes à aliéner leurs terres qui ne devrait avoir lieu qu'avec le consentement libre et éclairé de ces peuples. En effet, à l'échelle internationale, nationale ou municipale, il institutions électives et les organismes administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des programmes qui les concernent ; c) Mettre en place les moyens permettant de développer pleinement les institutions et initiatives propres à ces peuples et, s'il y'a lieu, les fournir ressources nécessaires à cette fin. (2) les consultations effectuées en application de la présente convention doivent être menées de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances, en vue de parvenir à un accord ou d'obtenir un consentement au sujet des mesures envisagées. Article 7- 1. Les peuples intéressés doivent avoir le droit de décider de leurs propres priorités en ce qui concerne le processus de développement, dans la mesure où celui-ci à une incidence sur leur vie, leurs croyances, leurs institutions et leur bien-être spirituel et les terres qu'ils occupent ou utilisent d'une autre manière, et d'exercer autant que possible un contrôle sur leur développement économique, social et culturel propre. En outre, lesdits peuples doivent participer à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des plans et programmes de développement national et régional susceptibles de les toucher directement.
Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 98 Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt faut chercher à obtenir un «consentement donné librement et en toute connaissance de cause»252 auprès des peuples autochtones. B- La mise en place d'une politique de réforme forestière de développement et d'épanouissement des peuples autochtones de la forêt Il est question de mettre en place des mécanismes qui permettront aux exploitants forestiers de participer au développement et au bien-être des peuples autochtones de la forêt (1), de même que leurs droits territoriaux et leur souveraineté permanente sur leur ressource naturelle (2).
La reconnaissance de leurs droits est incontournable dans le processus de régularisation de la propriété et de la possession de terres. Elle donne lieu à des revendications territoriales dans la plupart des conflits existant entre les communautés autochtones et les communautés 252 http://www.fao.org . 253 Les droits des peuples autochtones au Cameroun, Rapport supplémentaire soumis suite au troisième rapport périodique du Cameroun, 54ième session ordinaire, Octobre 2013, Banjul, Gambie p. 11 Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 99 Droits de l'homme et conservation de l'environnement : cas des droits des peuples autochtones de la forêt non autochtones. Il est crucial de mettre en place des procédures adéquates de résolution des conflits qui prennent en compte les principes fondamentaux de consultation et de participation des peuples autochtones dans la prise de décision concernant l'élaboration desdites procédures. La mise en place de ces mécanismes de résolution des revendications territoriales est un moyen de prévention des violences254. De ce fait, l'article 27 de la Déclaration de l'ONU énonce l'obligation pour les Etats de reconnaître les droits des peuples autochtones en ce qui concerne leurs terres, territoires et ressources et de statuer sur ces droits. Pour ce qui est de la reconnaissance des ressources naturelles, on peut prendre le Congo comme exemple à propos de la consultation d'exploitation forestière pour la certification de l'Unité forestière d'aménagement (UFA) de Kabo (nord du Congo). En effet, la Congolaise Industrielle du bois (CIB) avait engagé un processus de consultation et de participation des populations indigènes Mbendzele et Bangombe de la région, concernant la situation géographique et l'arpentage des assiettes annuelles de coupe (AAC). Compte tenu de leur mode de vie semi-nomade et leur vie ordinaire dans la forêt, la CIB avait dû embaucher des membres de la communauté autochtone de Kabo dans ses équipes de travail, afin qu'ils facilitent la délimitation et l'identification des sites, arbres et autres zones de la forêt qui sont sacrés et qui représentent une richesse nécessaire à leur survie sur le plan économique. Les populations ont donc participé activement à la sauvegarde de leur environnement et des sites culturels et sacrés de la forêt. Elles participent aussi à la protection de leur environnement et de leurs ressources végétales et animales utilisées dans leurs rituels sacrés et leurs traditions culturelles. Cette gestion participative de la forêt de la CIB, qui travaille en coopération avec les populations autochtones, montre à suffisance que les dispositions de la Convention N° 169 de l'OIT aident à la mise en oeuvre effective des intérêts économiques de l'Etat ainsi que des aspirations culturelles et religieuses des communautés autochtones255. |
|