A- La faible capacité politique des
pygmées
Le peuple autochtone fait face à la non-participation
et à l'absence de consultation des communautés pygmées
(1), sans oublier la faible représentation de ces
derniers dans les institutions locales et nationales (2).
1- La non-participation et la non consultation des
communautés pygmées
Le préambule de la Constitution camerounaise consacre
la participation et la consultation de ses citoyens en ces termes : «
chacun doit participer, en proportion de ses capacités, aux charges
publiques »243. Cela peut être
interprété comme un devoir pour chaque citoyen, en fonction des
capacités de tout un chacun. De même, la loi de 1996 portant loi
cadre relative à la gestion de l'environnement consacre une partie
à la participation des populations, posant ainsi les bases de ce
principe. L'article 72 dispose : « La participation des populations
à la gestion de l'environnement doit être encouragée
notamment à travers : le libre accès à l'information
environnementale, sous réserve des impératifs de la
défense nationale et de la sécurité de l'Etat ; des
mécanismes consultatifs permettant de recueillir l'opinion et l'apport
des populations ; la représentation des populations au sein des organes
consultatifs en matière d'environnement ; la production de l'information
environnementale; la sensibilisation, la formation, la recherche,
l'éducation environnementale »244.
243 Loi n°2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et
complétant certaines dispositions de la loi n°96/06 du 18janvier
1996 portant révision de la constitution Du 02 juin 1972.
244 Loi de 1996 portant loi-cadre relative à la
gestion de l'environnement.
Rédigé par NGO NGUE TEGUE Marthe Page 90
Droits de l'homme et conservation de l'environnement
: cas des droits des peuples autochtones de la
forêt
Cet article permet de ressortir la reconnaissance du droit des
populations à participer et à être consultés. Ce qui
permet également d'avoir en vue les objectifs que visent la
consultation. Ce principe voudrait que tout citoyen soit préalablement
informé sur les implications que toutes activités pourraient
avoir sur l'environnement. Il en va de même de celles relatives aux
activités dangereuses. Ce qui conduit à ce que chaque citoyen
veille à la sauvegarde et à la protection de l'environnement et
les décisions concernant l'environnement soient prises après
concertation publiques avec les communautés ou groupes concernés
pour une portée générale des actions à mener.
Toutefois, l'information partagée devrait concorder
avec la culture des peuples autochtones de la forêt, pour faciliter la
compréhension. Cependant, les textes législatifs et
réglementaires nationaux ne facilitent pas toujours la tâche
à ce peuple, car les modes de communication ne correspondant pas aux
leurs. C'est le cas par exemple de l'information par voie d'affichage,
consacrée dans le décret n° 95/591 fixant les
modalités d'application du régime des
forêts245. Cela étant consacré comme le
mode privilégié d'information lors des procédures de
classement des concessions et des aires protégées pour les
communautés. Cette disposition ne rend pas service aux populations qui
sont pour la plupart sous-alphabétisées ou qui ne comprennent
avec le langage utilisé pour transmettre les données.
La participation qui est également reconnue de
manière spécifique aux peuples autochtones est une exigence des
agences de financement telles que la Banque mondiale ou des Organisations
internationales. La participation ne bénéficie pas d'un
encadrement juridique spécifique aux peuples autochtones et, ce faible
degré de protection accordé par l'Etat au droit à la
participation ouvre les portes à toutes sortes de violations des droits
des peuples autochtones. De plus, cela remet fortement en question le
réel désir de réaliser le développement au profit
des autochtones, compte tenu de l'importance que constitue la participation,
car elle est en étroite lien avec l'absence de représentation des
institutions locales et nationales, d'un leadership communautaire.
2- L'absence de représentation d'élites
pygmées dans les institutions locales et nationales, d'un leadership
communautaire
Les entretiens et enquêtes dans la Région de
l'Est ont permis de constater que les élites Baka ne sont pas
représentées dans les instances de prise de décision au
niveau local et il en
245 Article 18(3) du décret n° 95/591 fixant
les modalités d'application du régime des forêts qui
prévoit que l'acte de classement d'une forêt fait l'objet d'un
avis au public dans les préfectures, sous-préfectures, mairies et
services de l'Administration en charge des forêts dans les régions
concernées ou par toutes autres voies utiles.
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Droits de l'homme et conservation de l'environnement
: cas des droits des peuples autochtones de la
forêt
va de même, sur le plan national. C'est une question
d'ordre global, car la situation est telle que la Commission Nationale des
Droits de l'Homme qui gère ces questions reçoit parfois des
rapports contradictoires. En effet, quand les élections
régionales commencent, la question de l'autochtonie commence à
dérailler surtout lorsqu'il s'agit des mairies dans les villes, parce
que les maires des villes se disent autochtones et finalement on ne comprend
plus. Le préambule de la Constitution dit qu'il promeut et
protège les droits des peuples autochtones mais en fin de compte, on se
rend compte que c'est juste un jeu de mots du fait de l'absence claire de
définition d'autochtone.
Il y'a une entorse grave concernant les conseils
régionaux nouvellement mis en place. N'existe-t-il pas d'autochtone dans
cette région, quand on sait que quelqu'un quitte du centre, du littoral,
et vient à l'Est, les premières personnes qu'il va rencontrer se
sont les pygmées ou les autochtones des forêts. Ce qui n'est pas
toujours le cas et personne n'a osé lever le petit doigt pour
réclamer la présence dans le conseil régional d'un au
moins des représentants Baka. Si l'on parle des statistiques de
localisation, on se rend compte que ça devient de plus en plus criard
car, force est de constater que les peuples autochtones sont
représentés dans toute la Région de l'Est. Or, ils ne sont
pas présents dans les instances de prise de décisions. Ce qui est
une entorse grave dans la prise en compte des droits de l'homme, parce que si
les politiques ne s'interrogent pas sur la présence de certains de leurs
groupes, ceci constitue un problème.
Certes, au cours de la JIPA2, le MINAS avait pris l'initiative
de faire venir des représentants Baka aux réunions
préparatoires en vue de présenter leurs préoccupations
à leur communauté. Mais, lors de ces assises, l'occasion pour les
représentants Baka de remettre en question les décisions prises
pour exploiter les financements reçus ne s'est pas
présentée. Ils ne sont généralement pas
consultés lors de l'élaboration des politiques ou des projets les
concernant. De ce fait, leurs spécificités, leur identité
et leurs doléances ne sont pas intégrées dans ces
politiques, ou le sont mais pas de manière appropriée. Ils
auraient pu dire qu'ils ne préfèrent pas des dons en nature mais
plutôt en espèces ou faire des propositions, mais il leur
était assigné une tâche précise et unique.
Au-delà de ces difficultés, il convient de relever l'importance
de la valorisation de la culture.
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