B- La nécessité d'intégration de
juridictions spécialisées
La nécessité d'intégration des
juridictions spécialisées recommande la prédominance du
droit coutumier (1) et la création de dispositions sur
les ressources naturelles (2).
1- La prédominance du droit coutumier
Les spécificités des peuples autochtones ne sont
pas prises en compte par les tribunaux coutumiers au Cameroun et cela constitue
un obstacle majeur à la jouissance de leurs droits. Alors que les
tribunaux coutumiers requièrent l'implication d'assesseurs de coutumes
c'est-à-dire de notables siégeant auprès du tribunal
durant une audience et dotés de connaissances sur les us et coutumes de
l'une ou de l'autre partie durant le procès, la représentation
équitable de toutes les coutumes n'est pas assurée auprès
des juridictions traditionnelles dans les zones où vivent les peuples
autochtones238. À ce jour, aucun assesseur de coutume
d'origine Baka, Bakola-Bagyéli ou Bedzang n'intervient dans les
tribunaux coutumiers. Aussi, les tribunaux n'utilisent pas les langues
traditionnelles des Baka, Bakola-Bagyéli et Bedzang. Comme il n'y a pas
de service d'interprétariat au sein de ces instances, les parties sont
obligées de s'exprimer en langues bantoues, langues que la plupart des
peuples autochtones ne parlent
pas.239
De plus, le déficit d'accès à
l'information ainsi que la localisation des juridictions qui se trouvent
généralement dans les chefs-lieux de départements, assez
loin des villages Baka, constituent des facteurs limitant l'exercice de ce
droit par les personnes membres de cette communauté. Ensuite, la
qualité pour agir étant une condition, pourrait être
difficile à remplir pour les Baka, au cas où ils voudraient ester
en justice. Il s'agit par exemple des questions foncières et
d'accès aux ressources naturelles, pourtant l'Etat est
considéré, par le droit national, comme le propriétaire
des terres240 et des forêts241. Les
communautés ne peuvent donc pas ester en justice contre les auteurs de
l'exploitation forestière illégale, même s'il est
établi qu'elle leur est préjudiciable.
De sérieuses lacunes subsistent quant à la
reconnaissance des spécificités des peuples autochtones dans le
système judiciaire camerounais. C'est le cas de l'absence des
238 Terme considéré comme péjoratif par
les baka, car ils estiment qu'en les appelant ainsi, ils subissent une autre
forme de discrimination.
239 Les chefferies de 3ème degré
correspondent aux villages ou quartiers en milieu rural et aux quartiers en
milieu urbain. Les chefferies de 1er degré sont
créées par arrêté du Premier Ministre, celles de
2ème degré par arrêté du Ministre de
l'Administration territoriale et de la Décentralisation et celles de
3ème degré par arrêté
préfectoral.
240 Article 16 de l'ordonnance n°74-1 du 6 juillet 1974
sur le titre foncier.
241 Article 12 (1) loi de 1994 portant régime des
forêts, de la faune et de la pêche.
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Droits de l'homme et conservation de l'environnement
: cas des droits des peuples autochtones de la
forêt
assesseurs242de coutumes et des interprètes
s'exprimant en langue Baka auprès des tribunaux coutumiers de l'Est. A
toutes ces difficultés s'ajoute l'épineuse question de
l'élaboration des dispositions relatives aux ressources naturelles.
2- L'élaboration des dispositions relatives aux
ressources naturelles
La forêt, naturellement, est un environnement sain. Pour
les peuples autochtones, la vie nomade par exemple permet lorsqu'il y'a une
épidémie, qu'ils se déplacent. Ce qui est différent
de la sédentarisation. Un nomade autochtone vit dans un environnement
sain en forêt et y vit sans laisser de traces. Les peuples autochtones
n'ont pas encore pris le rythme de la sédentarisation parce qu'ils ne
savent pas vivre sur place d'où le problème de l'environnement
sain. L'habitat des peuples autochtones s'adapte au milieu de vie en
forêt. De ce fait les maisons modernes imposent un certain nombre
d'élément comme l'entretien. Ce qui n'est pas propre au mode de
vie des peuples autochtones de la forêt. Leur habitat est fait à
base de feuille de Mala. Cet habitat respecte les normes environnementales car
la nature va détruire systématiquement les déchets que va
engendrer ce type d'habitat ce qui sied aux Baka et par ricochet ne
détruisent en rien l'environnement. Il est clair que la procédure
d'immatriculation ne sera pas évidente car elle est manuscrite, longue,
relativement coûteuse, et exige beaucoup d'informations techniques qui ne
peuvent être facilement suivies par les peuples autochtones. Ainsi, ces
dispositions juridiques, ne répondent pas de façon
appropriée aux besoins des peuples autochtones.
Sur le plan socio-culturel, il y'a toute une culture dans la
construction des maisons et ce sont les femmes qui sont chargées de leur
aménagement. En allant chercher les feuilles, elles se racontent des
histoires. C'est ainsi que des échanges sexo-spécifiques se font.
Cela se transmet de la plus âgée aux plus jeunes, ceci avec des
mots et expressions précises. Cela permet ainsi aux hommes de se
retrouver et de partager des moments ensemble. Cela aura une incidence
sociologique sur ces derniers.
Cependant, l'on note l'absence de cadre assurant la mise en
oeuvre de ces dispositions en milieu rural, plus particulièrement au
sein des sociétés forestières qui emploient à la
fois les Bantous et les Pygmées. Il faudrait donc les inclure dans le
processus de gestion de leur environnement par voie de participation
intégrante entre l'Etat et ses communautés pour parvenir à
un développement durable.
242 Notable siégeant auprès du Président
du Tribunal durant une audience et doté de connaissances sur les us et
coutume de l'une ou l'autre partie au cours d'un procès.
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Droits de l'homme et conservation de l'environnement
: cas des droits des peuples autochtones de la
forêt
Avec l'existence de tous ces textes, aucun ne consacre
l'étude d'impact pour l'environnement particulier des peuples
autochtones, afin d'évaluer l'incidence des programmes et projets de
développement sur leurs cultures, mode de vie, religion,
économie, etc. Les textes sont majoritairement sur la protection de
l'environnement, mais aucunement sur les populations autochtones. L'absence
juridique donne voie à de nombreuses violations des droits
spécifiques des peuples autochtones.
II- L'EXISTENCE PRIMORDIALE DES PYGMEES COMME ENTITE A
PART ENTIERE POUR LA VALORISATION DE LEUR ENVIRONNEMENT
Il s'agit d'une part de la faible capacité politique
des peuples autochtones (A), et d'autre part de la
valorisation de la culture Baka (B).
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